Le porcelet de 25 kg coûte actuellement 85 euros en Allemagne, près de 23 % de plus que son homologue breton. Les prix ont été quasi multipliés par cinq depuis l’automne 2020. Ce tarif se répercute sur les prix du porc, actuellement à 2,20 €/kg entrée abattoir. La situation reflète la réduction drastique du nombre de têtes outre-Rhin, en particulier de truies reproductrices. Entre 2013 et 2023, le pays a perdu un quart de son troupeau porcin et environ un tiers de ses truies.

Davantage de contraintes

Installé près de Pirmasens, dans le sud-ouest de l’Allemagne, Uwe Bißbort énumère les raisons qui ont poussé tant de collègues à arrêter l’élevage dans sa région particulièrement touchée par le phénomène : les investissements pour offrir plus d’espace aux truies, l’obligation de castrer les porcelets sous anesthésie générale, la chute des revenus entre inflation des coûts, cours en chute, notamment à cause de la peste porcine africaine et d’une consommation de viande en berne.

Uwe Bißbort a lui même arrêté l’engraissement en 2022 pour se concentrer sur ses 170 truies reproductrices. « Quand on paye pour aller travailler tous les jours, il faut en tirer les conséquences », indique le responsable de l'élevage du principal syndicat d’agriculteurs de Rhénanie-Palatinat (BWV).

La réduction de production s’accommodait de la baisse du nombre de porcelets. « Mais maintenant, on a toujours des éleveurs de truies qui arrêtent avec le changement de génération et des engraisseurs qui veulent continuer de produire », observe Uwe Bißbort, qui a deux « très bonnes années » derrière lui. Et il ne voit pas la situation changer car de gros investissements vont être nécessaires pour mettre les stalles aux normes pour le bien-être animal d’ici à la fin des années 2020 et le milieu des années 2030.

Des importations accentuées

Le gouvernement fédéral a prévu des aides pour cette transformation mais le syndicat d’éleveurs porcins ISN les juge trop faibles. « Elles ne bénéficieront pas à toutes les exploitations. La subvention est couplée à une certaine surface, à la présence d’une proportion de porcs à la queue non coupée. C’est une condition difficile à remplir », ajoute Klaus Kessing, analyste marché à l’ISN.

Pour combler le trou, l’Allemagne a accentué ses importations de en provenance du Danemark et des Pays-Bas : 200 000 têtes de plus en 2023 par rapport à 2022. Ces deux pays fournissaient déjà par le passé environ 20 % des porcelets élevés outre-Rhin. Leur part est appelée à augmenter.

« Il n’est pas sûr que cela se traduise par une augmentation en chiffres absolus car la demande baisse », fait valoir Klaus Kessing. Les deux pays réduisent aussi leur nombre de porcs en raison de problèmes de pollution aux nitrates. « On produira simplement moins de cochons », philosophe Uwe Bißbort.

L’éleveur craint qu’à terme, l’Allemagne importe la viande de porc à bon marché au regard des pressions sur le secteur conventionnel. « La production de qualité doit trouver ses clients. Je ne sais pas s’il y a tant de gens prêts à payer le kilo d’escalope panée entre 60 et 80 euros le kilo. »