Pour qui voteront les agriculteurs polonais qui dirigent près de 1,3 million d'exploitations à travers le pays, la plupart de moins de 10 hectares ? La réponse sera l’une des clés des élections législatives et sénatoriales du 15 octobre, déterminantes pour le futur de la Pologne. En 2019, lors du dernier scrutin, un sondage à la sortie des urnes révélait qu’une écrasante majorité d’entre eux (67 %) avait renouvelé leur confiance au parti Droit et Justice (PiS), qui gouverne depuis 2015.
Un exécutif de droite, aux accents populistes et nationalistes, qui n’a pas hésité à défier l’Union européenne ces dernières années sur la question de l’État de droit ou de l’importation de céréales ukrainiennes. Le parti agrarien historique PSL n’est arrivé que deuxième, toujours selon le même sondage, avec 17 %, suivi de la coalition de centre droit (KO) à 8 %. Sauf que cette année s’ajoute une nouvelle formation : Agrounia, emmenée par l’agriculteur Michał Kolodziejczak, et alliée à la coalition de KO, dominée par l’ancien président du Conseil européen, le libéral Donald Tusk.
Davantage de produits polonais dans les supermarchés ?
Le PiS a dans sa campagne, multiplié ses meetings et pique-niques au sein de l’espace rural, où il reste très populaire, surtout chez les petits exploitants. Le parti a également ajouté à son programme un point qui obligerait les supermarchés à garantir au moins deux tiers de fruits, légumes, produits laitiers, carnés et pains, issus de fournisseurs locaux. Une promesse attrayante mais qui semble encore vague et difficile à réaliser face à la concurrence étrangère, souvent moins chère que les produits polonais.
L’agriculteur Michał Kołodziejczak a fait une proposition similaire : au moins 51 % de produits d’origine polonaise dans les magasins et sur la base d’un contrat équitable. Il a également mis l’accent sur la modernisation des marchés, où dans chaque ville, les Polonais devraient pouvoir faire leurs courses à l’aide « d’une application moderne où l’on pourrait passer commande au travail et la chercher en rentrant chez soi ». Cet ancien conseiller municipal élu sur les listes du PiS en 2014 a aussi proposé de retenir davantage l’eau de pluie pour la mettre à la disposition des agriculteurs.
La question des céréales ukrainiennes plane
« Kołodziejczak est un candidat populiste, c’est un peu le Justin Bieber de mouvement agricole », analyse la politologue Anna Pacześniak, de l’université de Wrocław. « C’est une synergie gagnante qu’il ait été intégré à la formation KO, vue jusque-là à la campagne comme un parti élitiste, de citadins. »
Reste à savoir quel sera l’impact de l’afflux des céréales ukrainiennes sur le marché polonais de ces derniers mois. Le gouvernement du PiS a finalement opté, après plusieurs de semaines de grogne, pour la protection des agriculteurs décrétant un embargo au printemps dernier prolongé le 15 septembre, quitte à provoquer des frictions avec l’Ukraine.