« Le terme + poulet + désigne une volaille, soit un animal », a indiqué le tribunal fédéral dans un communiqué diffusé ce vendredi 2 mai 2025. L’instance estime qu’au regard du droit suisse, « toute indication concernant des denrées alimentaires doit être conforme à la réalité ». Or « un produit végétal qui fait référence au terme + poulet + et ne contient pas de viande constitue une tromperie », a ajouté ce tribunal à l’issue d’une délibération publique.
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« Permettre au consommateur de reconnaître le type de denrée »
Selon ce tribunal, « les produits d’imitation » mais aussi « la publicité pour ces produits » doivent être « conçus de manière à permettre au consommateur de reconnaître le type de denrée alimentaire et de différencier la denrée des produits avec lesquels elle pourrait être confondue ». Ce conflit autour des noms utilisés pour décrire les produits d’origine végétale concerne l’entreprise suisse Planted Foods.
Créée en 2019, la start-up issue de l’École polytechnique fédérale de Zurich fabrique des substituts de viande, notamment à base de pois jaunes sous différentes formes, dont des burgers, steaks, saucisses ou émincés. Pour se faire connaître, la marque avait battu un record en 2021 en fabriquant, en version végane à base de protéine de pois, le plus long schnitzel au monde, une gigantesque escalope viennoise panée de 119 mètres de longueur.
Dans un communiqué, Judith Wemmer, cofondatrice de l’entreprise, s’est dite « déçue » par « une décision de cette ampleur » qui semble être « dictée par la politique et les émotions » et s’inscrit en « contradiction » avec la politique du gouvernement suisse qui cherche à encourager « une alimentation plus végétale ».
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« Des termes génériques comme steak ou filet » peuvent toujours être utilisés
L’entreprise a dit regretter que le tribunal fédéral n’ait pas tenu compte d’une étude menée auprès de consommateurs qui démontrait que « 93 % » d’entre eux comprenaient « en quelques secondes » que le mot « planted.chicken » désignait un produit d’origine végétale. Elle s’est toutefois félicitée que « des termes génériques comme steak ou filet » puissent toujours être utilisés.
En 2021, le laboratoire cantonal, l’autorité chargée de la protection des consommateurs, avait estimé que ces produits ne pouvaient pas être décrits avec des noms d’animaux. L’entreprise avait saisi le tribunal administratif de Zurich qui avait tranché en sa faveur, jugeant que ces noms donnent une information sur l’utilisation du produit — le mot poulet, par exemple, permettant de comprendre à quel succédané il correspond — pour peu qu’il soit clairement étiqueté comme végan.
Une start-up à la conquête de l’Europe
Ce vendredi, le tribunal fédéral a ainsi admis un recours du ministère de l’Intérieur visant à annuler cette décision du tribunal zurichois. Vendue dans les grandes chaînes de supermarchés helvétiques, la marque Planted Foods a connu un vif succès et s’est lancée à l’assaut d’autres marchés, dont la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni. L’entreprise ne divulgue pas son chiffre d’affaires mais emploie plus de 200 personnes moins de six ans après sa création.
Les sommes levées ont grimpé au fil des tours de table. L’entreprise avait récolté 7 millions de francs suisses (7,4 millions d’euros à taux actuels) en 2019 pour financer sa première usine à Kemptthal, au nord-est de Zurich. Lors d’une troisième levée de fonds en 2022, elle avait obtenu 70 millions de francs auprès d’un groupe d’investisseurs, incluant L. Catterton, un fonds d’investissement auquel est associé le géant français du luxe LVMH et son patron Bernard Arnault.
Planted Foods a annoncé en septembre un projet de nouvelle usine, en Allemagne. La marque s’est choisie pour ambassadeur un célèbre champion de lutte suisse, un sport étroitement lié aux traditions helvétiques, avec chaque année des tournois où les saucisses de veau et cervelas occupent une place de choix sur les stands de grillades.