Quelle est actuellement l’ambiance au sein du groupe d’études sur la condition animale, que vous présidez ?

Sur les quarante-deux députés de ce groupe, il y a des élus de toute sensibilité politique et des positions différentes au sein même des partis. L’animal déclenche des passions dans la société. Il y a deux blocs radicaux : ceux qui considèrent que l’animal est une usine de production. Et ceux pour qui ce sont des personnes. Entre ces deux extrêmes, il y a toutes les nuances. Y compris dans notre groupe parlementaire. L’option de Jean-Baptiste Moreau (lire « Nous devons sortir de l’émotion permanente ») n’est par exemple pas la mienne. Alors soyons dans des logiques de compromis. La majorité des Français considère qu’il s’agit des vraies questions.

 

Comment réagissez-vous face aux mises en cause de l’élevage intensif ?

Nous, politiques, ne pouvons pas dire du jour au lendemain à un éleveur, à qui on a demandé d’investir pour produire des protéines d’origine animale pour nourrir la population, que l’on a par ailleurs subventionné pour s’équiper, qu’il est un bourreau. On ne peut pas non plus lui demander de fermer son élevage. Mais de vraies questions de conditions animales se posent dans les élevages intensifs.

 

Quels progrès attendez-vous ?

La production intensive se base uniquement sur des critères de productivité : un maximum d’animaux au mètre carré qui doivent grossir et être abattus au plus vite. Ce n’est pas compatible avec des critères de bien-être. Aujourd’hui, il y a une défiance forte vis-à-vis de ce type d’élevage. Il faut une transition.

 

Les filières de production hors sol doivent s’engager dans des processus d’amélioration du bien-être animal. C’est obligatoire, ne serait-ce que pour l’éleveur au titre de son propre bien-être et de la rentabilité. Nous devons être très exigeants sur ces processus et leur contrôle.

Les consommateurs seront-ils prêts à payer plus ?

Oui, s’ils sont vraiment informés. Mais il faut un étiquetage qui valorise les efforts des éleveurs sur le bien-être animal, que ce soit en hors sol ou en plein air. Et qu’ils en soient récompensés.

 

Qu’attendez-vous du ministère de l’Agriculture qui s’apprête à faire des annonces ?

J’attends qu’il traite la question de la castration du porcelet, de la coupe de queue, des élevages en cage des lapins.

 

J’attends qu’il impose l’étourdissement systématique des animaux quelle que soit la forme d’abattage. Même si c’est un sujet tabou. Il y a des pays musulmans ou avec de la nourriture casher qui abattent avec un étourdissement postjugulation : cette voie peut recueillir une forme d’accord de la part des cultes. On ne peut pas laisser un animal se débattre dans son sang jusqu’à 10-12 minutes après l’avoir égorgé. Dans d’autres pays (NDLR : l’Autriche, la Malaisie…), cette dérogation n’existe pas. Cet étourdissement postjugulation n’est pas évacué par les religions d’un revers de main aujourd’hui. C’est une piste sérieuse sur laquelle il faut que l’on avance et trouve un accord. Aujourd’hui, apparemment le débat, pour le casher, c’est le temps entre la jugulation et l’étourdissement. C’est-à-dire qu’ils seraient d’accord à condition que l’on respecte un certain nombre de secondes entre la jugulation et l’étourdissement. Voilà où on en est…

Préparez-vous une proposition de loi ?

Vu l’agenda législatif, il ne nous reste peu de temps pour avancer sur ces questions. Notre proposition de loi sera prête à la fin de l’année. Si les ministres (NDLR : de l’Agriculture pour les animaux d’élevage, de la Transition écologique pour les animaux sauvages en captivité) n’annoncent pas de plan concret pour améliorer le bien-être animal, on la déposera. Mais je fais confiance aux deux ministres pour agir. C’est un sujet progressiste sur lequel La République en marche doit être motrice, et qui ne doit pas être laissé aux extrémistes de la cause animale. Les citoyens s’y intéressent de plus en plus : un demi-million de voix (2,2 %.) se sont portées aux élections européennes sur un parti symbolisé par une affiche avec seulement un chien et un chat.

Quels sont les grands sujets de votre proposition de loi ?

Tous ceux que je viens d’évoquer et davantage. Nous souhaitons aussi passer à la généralisation sur la vidéosurveillance. Il y a une autre vraie question, celle du gavage des oies. Même si les traditions culinaires françaises sont plus fortes que la volonté de députés… On envisage par ailleurs une transition pour qu’à terme, il n’y ait plus d’animaux élevés pour leur fourrure.

 

Sur les animaux de compagnie, nous réfléchissons à un permis peu onéreux mais qui demandent aux propriétaires d’animaux de compagnie d’avoir un minimum de connaissances pratiques sur ce que cela exige. Il y a trop d’abandons. Encore une fois, je suis sur des lignes de compromis. Il faut des avancées claires, réalistes dans le temps et dans la mesure.

Pourquoi maintenant ?

La loi EGAlim et les élections européennes ont accéléré la prise de conscience des députés. Certains ont été tancés via leurs messageries. Les filières se sont saisies de ce sujet, à partir des États-généraux de l’alimentation. Voyez la campagne Interbev sur les flexitariens.

Êtes-vous en faveur d’un ministère de la condition animale ?

Je suis favorable à un secrétariat d’État dépendant du Premier ministre, qui concernerait uniquement la condition animale. Aujourd’hui suivant le sujet, la question animale relève du ministère de l’Agriculture de l’Écologie, de l’Enseignement, de l’Intérieur…

Au regard de l’agribashing ambiant, ne devriez-vous pas temporiser ?

La condition animale ne se résume pas à la condition des animaux d’élevage. On a tendance à se focaliser sur le cochon et le poulet. Mais il y a aussi plein de problèmes avec les chiens et les chats en France, les abandons d’animaux, les animaux de cirque, les animaux d’expérimentation. Les vaches à hublot certes existent depuis un certain temps. C’est quand même une image choquante pour les gens qui ne savent pas que ça existe. Et aujourd’hui il y a des méthodes alternatives à l’expérimentation animale qui ne sont pas assez connues. Mais il n’y a pas suffisamment d’aides allouées aux start-ups ou jeunes entreprises qui travaillent sur ces alternatives, en particulier en France.

Doit-on légiférer à partir seulement d’images choquantes ? La mort n’est jamais belle…

La vache à hublot ne souffre pas. Elle rumine, elle est debout, elle mange, mais l’image choque. Tout comme le symbole. Ce n’est plus un animal mais une machine. On ne peut pas ignorer le sujet.

 

Les associations de protection animale ont bien compris que l’image, quand il s’agit d’un animal, peut être très choquante. Y a-t-il parfois de la manipulation ? Oui. Mais la perception des gens à la fin est insoutenable. On ne peut pas l’ignorer, donc il faut la traiter.

Vous pensez que l’agriculture cellulaire va s’imposer. Pourquoi ?

Aujourd’hui, quelqu’un qui mange des nuggets de poulet se fiche pas mal de ce qu’il y a l’intérieur si cela a le même goût… J’ai demandé une mission parlementaire sur l’agriculture cellulaire. Elle est une réponse, non pas à cet élevage traditionnel français mais à l’hyperproductivisme des élevages hors sol. Il y a de telles puissances financières derrière tout cela : doit-on laisser les Américains ou les Israéliens investir des millions de dollars sans rien faire ?

 

Je ne suis en aucun cas dans la logique des abolitionnistes qui y voient la bonne solution pour arrêter l’élevage. Mais je suis convaincu que peut-être dans cinquante ans, il n’y aura plus d’élevage industriel en France et que notre jambon sera cultivé. Il ne restera que les élevages traditionnels et de bons animaux élevés dans le pré.