Terra Nova, cercle de réflexion « progressiste », dirigé par Thierry Pech, essayiste, coprésident avec Laurence Tubiana, du comité de gouvernance de la Convention citoyenne pour le climat, a publié un rapport sur la transition alimentaire dans les cantines des établissements scolaires du premier degré. Avec 3,8 milliards de repas servis par la restauration collective en France, il s’agit pour le think-tank d‘une cible majeure dans la transition alimentaire, en raison de son impact sur l’économie alimentaire mais aussi la population touchée.
Le cercle de réflexion estime en effet que l’éducation alimentaire et nutritionnelle des enfants du premier degré est centrale notamment en termes de santé et de sensibilisation aux enjeux environnementaux. La loi Égalim impose à la restauration collective de servir, à l’horizon 2022, 50 % de « produits bio, de qualité et durables », dont 20 % de produits bio (ou en conversion) contre 3 % aujourd’hui.
Le rapport, rédigé par Élyne Étienne et Alizée Ostrowski, souligne que la mesure n’est pas toujours facile à mettre en place. « Il ne suffit pas de vouloir mettre davantage de bio dans les assiettes, encore faut-il trouver les quantités disponibles sur le marché à des prix abordables. Il ne suffit pas de vouloir favoriser les producteurs locaux, encore faut-il les identifier, leur assurer des volumes de commande réguliers et suffisants […] Bref, dans la réalité, ici comme ailleurs, il ne suffit pas d’avoir de bonnes intentions… ». Le rapport, intitulé « Les enfants à table : accélérer la transition alimentaire dans les cantines scolaires » propose ainsi des pistes d’action afin « d’accélérer la transition alimentaire ».
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1. Doter les collectivités de moyens humains et financiers
Le cercle de réflexion conseille de créer un service d’appui aux collectivités pour les accompagner dans la réorganisation des approvisionnements en produits locaux. Les comités régionaux de l’alimentation pourraient assurer le rôle de « hotline » pour recenser les acteurs et les informations utiles. Les auteurs estiment qu’il faudrait pour cela qu’ils aient « un volet plus opérationnel : un guichet unique de service aux agriculteurs et aux collectivités afin de faciliter les contacts et de faire circuler l’information ».
Il suggère également de leur permettre de réaliser des audits de leurs services, de leurs outils et de consolider les financements des projets alimentaires territoriaux. Selon la FNH (Fondation pour la nature et l’homme), il faudrait un peu plus de « 300 millions d’euros par an, pendant trois ans, pour aider au financement des investissements nécessaires afin d’atteindre les objectifs de la loi EGAlim ». Les auteurs proposent donc la mise en place d’une prime à l’investissement ; une aide qui pourrait être financée par une réaffectation d’une partie du fonds « public et territoires » de la Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales).
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2. Favoriser l’économie d’échelle et créer du lien social
Terra Nova recommande de mutualiser les infrastructures, les moyens, les commandes et les ressources humaines dans les territoires. Il conseille aussi de mener un examen approfondi des « opportunités de mutualisation ». De plus, afin de favoriser la mixité sociale et générationnelle, les auteurs suggèrent de regrouper différents publics de la restauration collective, comme ceux d’une école et d’une maison de retraite, par exemple. « Certains grands groupes de restauration collective ont conduit des expériences de ce type avec des résultats très prometteurs », ajoutent les auteurs.
3. Éducation alimentaire des enfants
Le cercle de réflexion estime qu’il faut changer le statut juridique des écoles et des cantines afin de reconnaître le temps du repas comme un temps éducatif. « La transition alimentaire étant un processus global impliquant une grande diversité d’acteurs, il importe de faire revenir les enseignants dans le monde de la restauration scolaire », soulignent les auteurs. Le think-tank appelle à favoriser les initiatives éducatives en termes de transition alimentaire et agricole afin de mieux connecter le temps du déjeuner à la cantine aux corpus pédagogiques.
4. Mettre à jour les recommandations nutritionnelles
Pour le cercle de réflexion, les recommandations du plan national de nutrition et de santé doivent être mises à jour. Il estime qu’il faut « proposer une alternative végétarienne quotidienne à partir de 2022 dans les communes de plus de 100 000 habitants ». Une option végétarienne qui « assurera également un progrès culturel en garantissant le pluralisme alimentaire et la liberté de choix ». Il souligne aussi qu’il faut favoriser le fait maison réalisé avec des produits bruts.
Il lui importe aussi de « revoir les recommandations nutritionnelles en termes de quantité, de fréquence, et diversifier les sources de protéines ». Pour donner tout leur poids aux recommandations nutritionnelles, Terra Nova appelle à rendre plus transparente la gouvernance de la politique alimentaire, et autant que possible, partagée par des débats scientifiquement argumentés. Il réfléchit dans ce cadre à une exception alimentaire de 30 % de produits régionaux dans les cahiers des charges. Le think-tank appelle enfin à impliquer davantage les enfants et leur famille dans l’organisation de la cantine, à lutter contre la production de déchets et à valoriser tous les excédents inévitables.
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