Engagée au lendemain de la crise agricole, la mission parlementaire sur Egalim a été stoppée de plein fouet par la dissolution de l’Assemblée nationale. Alors que les députés en charge du dossier, Anne-Laure Babault (Modem) et Alexis Izart (LREM) avaient presque achevé les plus de soixante-dix auditions menées de mars à mai, leur mandat remis en jeu ne leur permettait pas de remettre officiellement le rapport au ministère de l’Agriculture.

C’est donc pour l’instant une note envoyée le 14 juin 2024, obtenue par le média Contexte qui remplace le rapport d’une soixantaine de pages.

Les auditions des « principales organisations professionnelles des filières agricoles et agroalimentaires », d’industriels, d’enseignes de la grande distribution, de responsables politiques ou d’organisations du commerce équitable visaient à établir le bilan des trois lois Egalim (pour l’équilibre des négociations commerciales) et former des propositions pour une éventuelle loi.

La production agricole « échappe aux lois Egalim »

La note dresse de nombreux constats sur les manquements des lois Egalim, en particulier sur la faible étendue de son application. Actuellement, une « large partie de la production agricole française échappe aux lois Egalim », remarquent les députés. D’abord, parce que la grande distribution ne représente qu’une partie des débouchés des industriels. Ensuite, parce que certaines filières, en particulier végétales, sont exclues du dispositif.

Les filières végétales, qui avaient choisi d’être exclues du dispositif de la contractualisation et de la non-négociabilité de la matière première agricole, ont réaffirmé leur volonté de rester en dehors d’Egalim, souligne la note.

Même dans les secteurs concernés, les productions impliquées dans Egalim restent faibles. « En première approximation — qui mériterait d’être confirmée — la part des viandes bovine et ovine concernée par les lois Egalim serait proche de 15 %, celle pour le lait de 40 % et enfin celle pour la viande porcine et de volailles de 50 % », estiment les auteurs.

Les filières des vins sous AOP-IGP seraient, contrairement aux filières végétales, « plus enclines » à intégrer Egalim.

Besoin de contractualisation

« La mise en œuvre plus large des lois Egalim (chaînage des contrats, non-négociabilité de la matière première agricole) nécessite au préalable d’avoir un recours plus systématique à la contractualisation entre les acteurs économiques qu’il convient donc d’inciter », résume la note.

Parmi les autres défauts des négociations commerciales, les députés pointent la hausse des importations de produits agricoles étrangers, notamment internes au marché européen, affecté à la restauration hors domicile (RHD).

Contrairement aux autres pays de l’Union européenne, les organisations de producteurs ne sont pas assez fortes pour « inverser le rapport de force », observent les députés. Si les filières, particulièrement en bovins lait et viande, estiment que les coûts de production, doivent « être intégrés de façon prépondérante dans les formules de prix », la DGCCRF alerte sur le risque d’un alignement des prix contraire au droit de la concurrence.

Évolution du cadre législatif

La note porte plusieurs propositions d’évolution de la loi.

Afin d’éviter que les industriels négocient avec la grande distribution avant de le faire avec les producteurs, la mission propose la création d’une date butoir en amont avant le 1er novembre. Les députés soulignent que les industriels interrogés y sont « globalement opposés », mais la date butoir amont permettrait que « les industriels aient intérêt à trouver un compromis avec les producteurs avant le début des négociations ».

Pour accompagner les producteurs indépendants, la mission suggère d’assouplir les règles relatives à la proposition de contrat émanant du producteur, restreinte aux « éléments clés » (prix déterminé ou formule de prix, volume, durée du contrat, nature et qualité du produit). Ce serait alors au premier acheteur de fournir aux agriculteurs une proposition de contrat complète.

Faisant suite aux entretiens, les députés affirment la nécessité pour les filières d’une meilleure organisation. Cela pourrait passer par une « aide financière aux organisations de producteurs ou aux producteurs adhérents », proposent-ils, sans en préciser les modalités pratiques.

Pour protéger l’origine France, « les députés [auteurs de la note, NDLR] étaient sensibles à ce que les revalorisations de prix affectent bien les matières premières agricoles provenant des exploitations françaises » lors des révisions de prix en cours d’année.

Une éventuelle loi réformant Egalim dépendra du portrait de l’Assemblée à l’issue des législatives. Mais tous les partis entendent mener une politique active en matière de prix rémunérateurs, étudiant tantôt des « prix minimums » (Nouveau Front populaire et RN), s’appuyant sur des prix fixés par filière (Ensemble, majorité présidentielle) ou en indexant sur les coûts de production (LR).