Ce dimanche 1er mars à 23 h 59, se sont clôturées les négociations commerciales pour 2020. Même s’il est encore trop tôt pour faire le bilan de cette deuxième année d’application de la loi portant sur l’alimentation, la plupart des acteurs, producteurs, industriels et grande distribution, estiment que les premiers retours sont plutôt positifs.
Une ambiance bien meilleure
« Ce qui est indéniable, c’est que l’ambiance est bien meilleure que l’année précédente, a estimé Francis Amand, le médiateur des relations commerciales agricoles, lors d’une table-ronde organisée par le cabinet d’avocats Jeantet, le 28 février 2020 au Salon international de l’agriculture. On est sorti des postures et on a un travail de fond qui porte ses fruits notamment dans les filières du lait et de la charcuterie, peut-être moins sur la viande. »
« Il semble que les négociateurs ont mis de l’intelligence dans leurs échanges, que l’ensemble de la chaîne prend mieux en compte les données économiques, poursuit-il. Cela reste néanmoins tendu dans certaines filières comme les fruits et légumes [en conserve] où il y a des difficultés à négocier sur des bases objectives. »
Même analyse pour la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) et l’Association nationale des industries agroalimentaires (Ania). Valérie Weil-Lancry, directeur juridique en charge des relations commerciales de l’Ania, salue « un climat des négociations moins conflictuel que les années passées ». « On regrette pour le moment une différence de traitement entre les produits ayant une forte teneur en produits agricoles (lait, porc…) et les produits élaborés pour lesquels il y a encore beaucoup de demandes de déflation », signale-t-elle.
Du temps pour rééquilibrer les relations
Pour Benjamin Guillaumé, chef de service économie des filières à la FNSEA, il est encore trop tôt pour faire un bilan des négociations en matière d’amélioration du revenu des agriculteurs. Il estime que l’effet des outils mis en place par la loi Alimentation, dite loi Egalim (relèvement du seuil de revente à perte et encadrement des promotions) est difficile à évaluer tant que la construction du prix en marche avant « ne fonctionne pas pleinement ».
« Le dernier comité de suivi des relations commerciales a été plutôt plus apaisé entre les maillons de la chaîne. On observe un effort des distributeurs et industriels pour valoriser l’origine France sur les produits bruts comme transformés, mais il faut aller plus loin sur le cadre légal communautaire », convient Benjamin Guilaumé.
« L’objectif d’Egalim était de rééquilibrer le rapport de force, cela prendra du temps, notamment pour constituer des organisations de producteurs qui pèsent dans la négociation face aux centrales d’achat », poursuit-il.
Des difficultés pour mettre en œuvre les outils
Sans compter que dorénavant ce sont les fournisseurs des industries agroalimentaires et des magasins, et donc parfois les producteurs, qui doivent fournir une proposition de convention, intégrant les indicateurs faisant référence pour la construction du prix du produit. Interbev a d’ailleurs publié des modèles de contrats pour aider les organisations de producteurs à s’y retrouver. Ils sont d’ailleurs très utilisés par les autres filières d’après les experts de la table-ronde.
« La mise en œuvre des outils des Egalim est encore hésitante, voire à la peine pour les indicateurs à reprendre dans les contrats, ajoute Francis Amand. Je suis régulièrement saisi sur ce point. Il y a donc une page blanche à écrire collectivement pour mettre en œuvre ces nouveaux dispositifs. » Un avis partagé par Jacques Davy, directeur des affaires juridiques et fiscales à la FCD, qui « aurait préféré la publication de lignes directrices sur les indicateurs plus tôt que sur le SRP ou les promotions ». Ce dernier confie d’ailleurs qu’elles devraient bientôt être diffusées.
Elles seront bienvenues pour y voir plus clair dans la jungle des indicateurs à utiliser pour construire le prix en marche avant. Mais le vrai sujet n’est-il pas le prix payé au producteur justement, plutôt que les indicateurs ?