Avec 1,5 million de contrats et un quart des heures agricoles réalisées, les saisonniers sont la force vive de l’agriculture. Pourtant, de leur trajectoire professionnelle à leur vision du métier, « on ne connaît pas grand-chose des saisonniers », admet Bertrand Oudin, du cabinet Ceresco. Ce 28 février 2025 au Salon de l’agriculture, il présentait une étude financée par Ocapiat, l’organisme de formation des salariés agricoles.
L’objectif ? Observer dans quelle mesure il est possible de « créer des passerelles entre les métiers saisonniers agricoles, agroalimentaires et des autres secteurs » pour recruter plus facilement, explique Cécile Barlier, chargé d’étude à Ceresco. L’enquête écarte rapidement cet objectif. « C’est un idéal peu opérationnel », observe Cécile Barlier. Quatre facteurs doivent être réunis pour que les saisonniers passent d’un emploi à un autre facilement : il faut que les métiers concordent sur le plan du calendrier, du bassin géographique, des compétences clés et que le cadre du travail corresponde aux attentes.
Des passerelles difficiles
Les besoins agricoles ou touristiques se situent souvent en juillet-août. Les saisonniers sont souvent seulement mobiles dans un périmètre de 15 kilomètres autour de leur habitation. Il n’y a pas de compétences « couteau suisse » que pourraient s’échanger les employeurs. Et si certains ne sont pas dérangés par une récolte sous la chaleur d’été, conditionner des légumes à la chaîne dans une usine les emballe beaucoup moins.
En bref, difficile de formuler des trajectoires de saisonniers qui puissent passer facilement d’un emploi civil à un travail agricole pour répondre au besoin de main-d’œuvre dans le monde paysan.
Développer les groupements d’employeurs
Dès lors, que faire ? Il existe une opportunité qui se développe, plaident les auteurs de l’étude : s’appuyer sur des structures tierces. « Les groupements d’employeurs ont plus de facilités à mettre en relation différents employeurs et permettent d’apporter de la stabilité auprès du saisonnier », explique la chargée d’étude. Le saisonnier réalise plusieurs contrats gérés au même endroit.
Il existe aussi de nombreuses initiatives locales, qui permettent d’attirer les saisonniers vers le secteur agricole : mise en place de bus à Limoges pour venir chercher les saisonniers, une « labellisation employeur » en Normandie, la formation des chefs d’exploitation aux ressources humaines… L’objectif est bien de fidéliser les salariés dans un secteur où parfois certains abandonnent faute de conditions de travail sereines.
En particulier les femmes, rapporte un professeur en viticulture dans l’assemblée : « Deux étudiantes qui vendangeaient devaient faire 1,8 kilomètre pour accéder aux toilettes en période de menstruation. Il y a aussi ça à prendre en compte pour la féminisation des métiers. »
Une intervenante rebondit : sa nièce a « un véritable talent pour les animaux ». Elle enchaîne les concours. Exerçant en service de remplacement, elle a finalement arrêté. La raison ? Sur certaines fermes, aucune toilette n’était disponible pour les salarié(e)s agricoles : une situation « intenable » pour la jeune fille.
Le secteur agricole est l’un des premiers où la part des femmes est la plus faible dans les saisonniers : 34 %. Installer des toilettes à proximité, serait-il le premier pas pour recruter plus de saisonnières ?