La qualité sensorielle de la viande bovine a peu de relation avec le classement des carcasses. C’est ce que révèle une étude réalisée auprès de 3 450 consommateurs européens à partir de 17 muscles différents prélevés sur 455 bovins (1). « Le classement EUROP, sur lequel se base la rémunération des éleveurs, évalue les qualités d’une carcasse du point de vue du transformateur, pas du consommateur », estime Isabelle Legrand, de l’Institut de l’élevage. Par conséquent, le système actuel n’encourage par les acteurs de la filière à produire des viandes de bonne qualité organoleptique. Une enquête de 2009, réalisée auprès de 1 440 consommateurs français, révèle qu’aucune relation nette n’existe entre le prix de vente du produit et sa tendreté. Or, la tendreté est le facteur numéro un de l’appréciation sensorielle et la viande est un produit coûteux. La déception récurrente du consommateur explique donc en partie sa tendance à se détourner de la viande bovine.
L’exemple australien
Ce même constat a été fait dans les années 1990 en Australie. La filière a réagi en mettant en place un système de classement des viandes bovines basé sur des appréciations de consommateurs. Des équations permettent de prédire la tendreté, le goût et la jutosité de chaque morceau de la carcasse, selon sa durée de maturation et le type de cuisson. Le calibrage du système MSA (2) a pris plus de dix ans et des tests sont toujours en cours pour le perfectionner. Il est exploité depuis l’année 2000 et s’applique aujourd’hui à 38 % des gros bovins abattus en Australie.
Cet exemple a fait grand bruit et une première expertise française de cette méthode a été réalisée en 2007. « Ce système m’intéresse, car il part du consommateur pour aller à l’éleveur, explique Isabelle Legrand. C’est une approche scientifique qui s’affranchit des idées préconçues. » Plusieurs tests ont été menés, au niveau français ou européen. « Nous avons maintenant une bonne idée des ajustements qui seraient nécessaires pour élaborer un prototype s’inspirant du système MSA en Europe, ajoute Isabelle Legrand. On pourrait imaginer qu’il complète à l’avenir le classement EUROP. Huit pays européens sont en réflexion sur le sujet, en particulier l’Irlande, la Pologne, le Royaume-Uni et la France (lire l’encadré ci-contre). La Nouvelle-Zélande a déjà mis au point son propre système et la Chine se lance à fond dans le projet. De nombreux opérateurs français se déclarent intéressés, mais le chemin est encore long. »
Beef2Compete
Huit pays (France, Irlande, Royaume-Uni, Espagne, Pologne, Allemagne, Roumanie, Italie) ont déposé en février 2017 une demande de financement « Horizon 2020 » (programme européen pour la recherche et l’innovation) pour le projet Beef2Compete.
L’objectif est d’améliorer la compétitivité des filières de la viande bovine en développant la communication entre chercheurs et avec les professionnels de la viande bovine. La réponse aux attentes des consommateurs en matière de qualité sensorielle sera l’une des quatre thématiques abordées par le réseau. La réponse des financeurs sera connue durant l’été 2017.
Préserver et améliorer la tendreté des viandes
En matière de tendreté, les solutions techniques sont nombreuses. Stimulation électrique de la carcasse, maturation longue, suspension pelvienne et attendrissage mécanique en font partie. Cependant, à quelques exceptions près, les abatteurs et les transformateurs français investissent peu dans ce domaine. Le travail de la viande (technique de l’affranchi, parage, épluchage) et l’orientation des carcasses sont aussi déterminants.
« Il existe également des études portant sur la phase d’élevage, explique Isabelle Legrand. L’utilisation des biomarqueurs se révèle très complexe du fait de la variabilité des résultats en fonction des races et même des muscles. En revanche, la création d’un index génétique sur la qualité en bouche est envisageable, à l’exemple de l’index MSA, testé par l’Australie depuis quelques années. » L’influence des conditions d’élevage fait aussi l’objet de recherches.