« Nous mettrons en œuvre tous les moyens nécessaires pour trouver des débouchés rémunérateurs pour notre production et ce, avec tous les partenaires de la filière, même s’il reste encore des lacunes dans le carnet d’adresses », reconnaît Philippe Auger, président d’Elvea France, lors de son congrès tenu le 9 septembre 2021 à Orléans.

 

« La clé d’une amélioration des revenus des éleveurs dépend également de la volonté de l’aval de la filière à s’engager dans une valorisation plus forte de la production », appuie Gilbert Delmond, vice-président d’Elvea France, avant de rappeler la flambée généralisée des coûts des matières premières auxquels font face les éleveurs depuis la fin de l’année 2020. « Les opérateurs de l’aval doivent désormais s’engager sur une ligne claire auprès des producteurs », reprend-il.

La contractualisation obligatoire ne fait pas l’unanimité

Mais si toute la filière aspire à une amélioration des revenus des éleveurs, tous ne sont pas d’accord sur le chemin à emprunter pour y parvenir. La proposition de loi Besson-Moreau visant à rendre obligatoire la contractualisation a notamment fait ressortir les divergences d’opinions lors de l’assemblée.

 

Pour Elvea France, c’est un outil qui peut apporter de la perspective aux éleveurs de bovins viande. « Mais il est primordial que les moyens soient donnés pour s’assurer de la pleine application de la loi, et veiller à des sanctions en cas de non-respect », prévient Gilbert Delmond, faisant référence aux désillusions de la loi Egalim 1.

 

Pour la Fédération française des commerçants en bestiaux (FFCB), la contractualisation obligatoire n’est pas envisageable sur l’ensemble de la production française. « Elle peut s’appliquer pour les filières de qualité et une partie de la production de jeunes bovins aux éleveurs et abatteurs volontaires mais ce n’est certainement pas à une loi d’imposer un monopole d’organisation de marché », estime Dominique Truffaut, le président de la FFCB, qui craint que les relations commerciales n’en soient « complètement perturbées ».

« La loi de libre concurrence joue en faveur du prix »

Selon lui, quatre familles sur les sept siégeant à l’interprofession émettent « de fortes réserves » ou se prononcent en défaveur de ce décret. La Fédération des marchés de bétail en vif (FMBV) en fait partie. Clément Boubal, son vice-président, propose comme alternative « d’obliger les distributeurs à s’approvisionner à hauteur d’un tiers de leurs achats auprès des marchés aux bestiaux pour faire valoir une mise en concurrence et une transparence entre acheteurs et ainsi jouer en faveur du prix ».

 

« Cela fait dix ans que nous évoquons la contractualisation et que rien ne bouge. D’où la nécessité de passer par des moyens un peu plus directifs », répond Bruno Dufayet, président de la Fédération nationale bovine (FNB), qui assure qu’après la mise en application de la loi, les éleveurs resteront tout aussi libres dans leurs choix de commercialisation. « Ce sera aux différents maillons de la filière de travailler sur le contenu du contrat pour aller chercher de la valeur jusqu’à la distribution et la répartir justement. » « La contractualisation doit être rendue obligatoire quand cela est possible », tranche Philippe Auger.

La Pac post-2022 cristallise les tensions

À l’ordre du jour, les représentants sont également revenus sur la future Pac post-2022. « Les arbitrages suscitent la colère et l’incompréhension des éleveurs », rapporte Gilbert Delmont. Tous s’indignent de la « volonté affichée de réduire le soutien aux producteurs de bovins à viande pourtant au plus bas des revenus agricoles ». « Pratiquement tous les systèmes de production se retrouvent perdants », conforte Christophe Perrot, agroéconomiste à l’Institut de l’élevage (Idele). Ce dernier alerte sur la baisse du couplage marquée, qui pourrait renforcer la décapitalisation allaitante en cours.

 

« Si les politiques de la future Pac, du pacte vert et de la stratégie « De la ferme à la table » s’appliquent tel quel, les modèles du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) et du Centre de recherche de la Commission européenne (JRC) concluent à une baisse de la production agricole globale de l’ordre de 15 % », calcule Christophe Perrot.

 

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Elvea AOP suscite de l’espoir chez les adhérents

« D’où la nécessité de poursuivre activement les efforts déployés pour porter de nouvelles solutions aux producteurs », évoque Gilbert Delmond. Pour Elvea France, « la structuration apportée par les organisations de producteurs (OP) adhérentes est un ciment essentiel pour entretenir une dynamique de filière et agir en faveur de la pérennité de la production sur les différents territoires ».

 

Selon la fédération, la concrétisation de l’association des OP (Elvea OP) constitue un outil complémentaire majeur pour structure la mise sur le marché et obtenir une meilleure valorisation des animaux commercialisés. « Nous avons pu tenir le calendrier que nous nous étions fixés malgré les contraintes sanitaires. Les sections raciales seront mises en place dès le mois d’octobre. Je ressens une réelle envie des organisations membres d’avancer sur ce sujet », se réjouit Philippe Auger.

 

À ce stade, vingt-quatre OP sur trente et une ont pris part au projet. Chacune d’entre elles met à disposition 30 à 40 % de ses volumes de production à l’association d’organisations de producteurs. « Je ne dis pas que la totalité des effectifs sera contractualisée mais cela offre une base de négociation forte pour peser face aux acheteurs », poursuit le président d’Elvea France. Ce dernier espère présenter aux différents acteurs de la filière les accords-cadres (1) élaborés pour chaque déclinaison raciale des labels dès le premier trimestre de 2022.

 

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(1) Conformément au code rural, dans le cas d’un éleveur ayant confié un mandat de commercialisation et/ou de négociation à une OP non commerciale reconnue de mise sur le marché, celle-ci doit ainsi conclure un accord-cadre avec son acheteur. L’accord-cadre doit ensuite se décliner en contrat individuel entre l’éleveur et cet acheteur.