En novembre dernier, en plein cœur du mouvement « On marche sur la tête » et au début de la grogne agricole, un sondage réalisé par l’institut BVA commandé par le collectif Nourrir et Terranova était mené auprès de 607 agriculteurs et agricultrices représentatifs. Les questions relatives au revenu, à l’augmentation des coûts et l’instabilité des marchés regroupés remontent comme problématiques majeures. Plus d’un agriculteur sur deux cite l’une d’entre elles comme source principale d’inquiétude.
Présenté ce jeudi 22 février 2024, le sondage confirme les préoccupations des agriculteurs qui ont mené des actions au début de l’année 2024. En deuxième source d’inquiétude, viennent le poids des normes, les contraintes administratives et les contrôles, où plus d’un tiers des agriculteurs se disent concernés. Enfin, un quart s’inquiète en premier lieu du contexte climatique et de la vulnérabilité environnementale (dérèglement climatique, aléas climatiques, problèmes sanitaires).
Le dérèglement climatique inquiétude majeure
Plus précisément, à la question « Dans le contexte actuel, quels sujets constituent une source d’inquiétude pour votre exploitation ? », ils sont un exploitant sur cinq à citer d’abord « le dérèglement climatique et ses conséquences » (21 %), devant « les lois et normes encadrant mes pratiques » (19 %) et « l’augmentation des coûts, des charges, des prix d’achat » (18 %).
Alors que le plan Ecophyto avait été mis sur pause par le Premier ministre, le collectif tient à montrer que ce n’est pas la première préoccupation des agriculteurs : « Seulement 4 % des agriculteurs ont cité « l'interdiction et la réduction de l’usage des phytos, des produits de traitements » parmi leurs sources d’inquiétude », expose Mathieu Courgeau, agriculteur en Vendée et coprésident du collectif Nourrir. De quoi torde le cou à l’idée selon laquelle les agriculteurs ne sont pas prêts à modifier leurs pratiques, défend le collectif.
Renouvellement des générations
Si le tableau est sombre sur l’ampleur des inquiétudes du monde agricole, il n’est pas tout noir. « Au mois de novembre, deux tiers des répondants encourageraient un proche à devenir agriculteur, il y a surtout l’envie que les choses changent ! » observe Mathieu Courgeau. Le renouvellement des générations étant l’un des enjeux majeurs du secteur, le collectif déplore un manque d’ambition du projet de loi d’orientation agricole (PLOA). Le manque de perspective d’avenir (problèmes de succession, absence de repreneurs, baisse du nombre d’agriculteurs) arrive en cinquième préoccupation à 12 % derrière le manque de considération (19 %) et devant les conditions de travail (6 %).
Le collectif, qui regroupe 54 organisations et milite pour une refonte du système agricole et alimentaire, lance donc une campagne « Avec ou sans paysans » pour sensibiliser les citoyens et les mobiliser dans le processus de la loi, explique Clotilde Bato, coprésidente du collectif. « Le PLOA a lieu en moyenne que tous les 10 ans, c’est une occasion unique pour nous de se mobiliser ». L’objectif est d’inscrire le principe international de souveraineté alimentaire dans le PLOA. La définition de l’ONU défend une souveraineté « basée sur les droits des paysans » face aux entreprises privés et aux logiques de marché, soutien Clotilde Bato.
Le collectif espère aussi mettre le sujet de l’installation de nouveaux agriculteurs sur le devant de la scène.
Auparavant, près de la moitié des agriculteurs s’installaient directement après leurs études. Actuellement, les nouveaux installés (moins de dix ans) sont seulement un tiers à ne pas avoir exercé une autre activité professionnelle avant. Parmi ces derniers, ils sont plus de la moitié à n’avoir jamais exercé une activité agricole. « C’est important d’adapter l’accompagnement des nouveaux paysans », plaide Florent Sebban, exploitant en Essonne et porte-parole des Amap. L’agriculteur craint que la mise en place d’un guichet unique d’installation ne garantisse pas « la pluralité des installations » et « donne les clés de l’agriculture d’hier pour s’installer demain ».