Ils sont unanimes : « La meilleure communication en agriculture reste le bouche-à-oreille. Mais ça ne suffit pas. » Trois agriculteurs de l’Eure en Normandie, conseillés par David Allais, spécialiste en communication, ont accepté de témoigner de leur expérience en matière de marketing et d’image. Tous trois ont un même objectif : vendre leur produit. Ils misent sur leur image, la transparence et le local pour y parvenir.
« Nous voulons montrer qui nous sommes »
La Ferme du Pavillon a fait appel à David Allais en 2018, pour une refonte totale de ses étiquettes destinées aux filets de pommes de terre. « Les anciens dataient d’au moins trente ans, se rappelle Thomas Vandecandelaere. Nous avions déjà un logo, très basique et nous voulions quelque chose de plus moderne, qui intègre un code de couleur pour mieux distinguer les espèces de pommes de terre. Cela faisait plusieurs années que nous cherchions à avancer sur ce chapitre. En vain, parce que nous ne savions pas faire. »
Les quatre associés (Thomas, son père Philippe, son frère Romain et leur mère) ont alors convenu de recourir à un expert extérieur. « David ne décide pas à notre place, mais nous l’écoutons beaucoup. Nous discutons avec lui de nos choix. Il nous conseille et propose des solutions. Dans notre cas, ce qui est compliqué, c’est d’être quatre : nous n’avons pas tous les mêmes idées. Mais nous engageons notre image et de l’argent. Donc, il est important, même si je m’occupe en priorité de la communication avec David, que les décisions soient prises à quatre. » En clair, la communication réclame du temps, mais il est « primordial » de s’y consacrer, estime l’exploitant. « On ne peut pas se limiter au bouche-à-oreille. »
Concernant le conditionnement des pommes de terre, les couleurs ont ainsi fait leur apparition pour discerner leurs « destinations culinaires », la localisation géographique est mise en avant, tout comme le logo de la ferme et l’image des agriculteurs, puisque les deux frères et le père figurent sur l’emballage. C’est David Allais qui a assuré le suivi de la fabrication des filets ainsi revisités.
« À travers toutes nos actions de communication, nous voulons montrer qui nous sommes. Nous ne sommes pas là pour répondre aux critiques de la société, nous vendons nos productions. »
Les Vandecandelaere disposent également d’un site internet désormais pour les sapins. « C’est une vitrine, nous ne voulons pas faire de vente en ligne pour le moment, explique Thomas. J’y avais déjà un peu réfléchi en démarrant un blog. Mais nous voulions quelque chose de plus professionnel. Les idées, nous les avions. Mais nous n’avions ni le temps, ni la technique pour les mettre en place. » Les résultats, au bout d’un an, sont convaincants, puisque les ventes ont augmenté de 5 % depuis la mise en ligne du site. « Cela nous fait venir de nouveaux clients, des fleuristes, des grossistes nous ont découverts ainsi. »

Associée au site, une page Facebook dédiée à la Ferme du Pavillon a été créée, uniquement pour la vente des sapins de Noël. « Nous voulions toucher les particuliers par ce biais. » David Allais s’occupe des publications sur le réseau social, à raison d’un post par jour, de la fin de novembre jusqu’à Noël. « Durant cette période de grande activité, nous n’avons pas le temps de nous occuper de cela, reprend Thomas, nous sommes vraiment débordés. Donc recourir à quelqu’un de l’extérieur qui nous connaît bien pour gérer les publications est un souci en moins. » L’idée est de valoriser le produit au travers de différentes photos (aériennes notamment) des produits et des producteurs.
Plaquette commerciale pour les sapins, banderole pour les promotions des pommes de terre, habillage des meubles dédiés aux sapins en magasins : David Allais gère la création et la fabrication de ces supports. Les Vandecandelaere vont désormais s’atteler cette année à peaufiner leur affichage en magasins pour les sapins. Ils réfléchissent à de nouveaux panneaux.
« Se rendre visible sur les routes et le web »

Il est le premier à avoir fait appel à David Allais en 2015. « J’avais besoin d’un site internet, se souvient Éric Bellenguez. Je lui ai demandé s’il était capable de faire cela. »
« Il est important d’être visible, et surtout transparent. C’est ma force : je gère les céréales, l’élevage, etc. Je peux ainsi montrer en image tout le circuit et la façon, totalement transparente, dont il est géré. Je voulais aussi montrer mes produits. »
L’éleveur de porcs estime que la meilleure communication en agriculture reste le bouche-à-oreille. « Un client qui fait un buffet avec cent invités, cela peut aller très vite. Pour autant, ça ne suffisait plus pour l’éleveur qui souhaitait toucher un public plus large. David lui a ainsi créé un site internet. « Je savais ce que je voulais, mais j’ignorais comment m’y prendre, explique Éric. Cela m’a paru évident de faire appel à un partenaire extérieur. Chacun son métier.
Le site internet de la Ferme charcutière présente les produits vendus en magasin et donne aux clients la possibilité de commander en ligne, le paiement n’est en revanche pas possible. « Je ne veux pas voler le client. Nous sommes sur des produits artisanaux. Une saucisse chez moi ne fait pas toujours 300 grammes – comme on peut voir sur les flyers des distributeurs. La commande en ligne donne lieu à une remise de 5 % lors du retrait à la ferme. Cela permet ainsi à Éric de gagner du temps. Et de constater plus de fluidité en magasin. Des mises à jour du site sont réalisées surtout en hiver, avec les photos de nouveaux plats. « Nous réfléchissons ensemble, selon la période de l’année, aux produits disponibles. »
Le site est associé à un compte Facebook géré par David à raison d’une publication tous les quinze jours, et un compte Instagram. « Les gens cherchent une confiance. Ils la retrouvent à travers les images de l’éleveur et de ses produits », soutient David Allais.
L’expert en communication s’est par ailleurs occupé de l’habillage du camion d’Éric qui a, sans tarder, fait des envieux. « Il y a quelques mois un ami m’appelle pour me demander si je fais les marchés désormais. Ce qui n’est pas le cas. Il pensait en effet avoir vu ma camionnette au marché du Neubourg, à 3 km de la ferme. Alors je m’y suis rendu. Mon logo avait en effet été recopié par un revendeur. Il l’a retiré depuis. » Quand Éric traverse une commune avoisinante avec son camion, les habitants lui font signe, s’il est en voiture, ce n’est pas le cas. « J’ai vu tout de suite les retombées. Ces différents outils ou supports m’ont donné beaucoup de visibilité. »

Éric et David se voient régulièrement, en moyenne au moins une heure par semaine, pour échanger ensemble sur la stratégie à poursuivre en communication ou pour toute publication. « Il y a deux ans, l’année d’élection de Macron, nous avons fait un poisson d’avril qui a très bien marché. Le post disait « Merguez choisies à l’Élisez pour la Garden-party. Pendant plusieurs semaines, les gens sont venus féliciter Éric pour son nouveau client, se souvient David Allais. L’exploitant n’a pas pour autant renoncé à une journée portes ouvertes annuelle. « Pour expliquer comment je fonctionne. C’est encore de la transparence. »
« Toucher la presse »
David Allais gère notamment les réseaux sociaux pour Philippe et Isabelle Cocagne de la Ferme du Bois Louvet, à Saint-Jean-de-la-Léqueraye (Eure). Les publications qui paraissent une fois par semaine sur Facebook, portent sur les produits et sur le couple. La ferme dispose également d’un compte sur Twitter pour cette fois-ci, non pas toucher d’éventuels clients, mais les médias.
Quand BFM TV a voulu réaliser un reportage sur les magasins de glaces à Honfleur, la chaîne a tout de suite ciblé la Ferme du Bois Louvet. Avec le site internet et le relais sur les réseaux sociaux, les Cocagne ont capté l’attention des journalistes. David Allais qui prend également en charge les relations de presse n’a pas eu de démarches à faire dans ce cas. Et la performance a perduré en douze mois, Philippe et Isabelle Cocagne sont passés sur toutes les chaînes gratuites de la télévision (TF1, les carnets de Julie, BFM TV et M6), grâce à leur présence sur internet.
« L’image de l’agriculteur passe avant son produit »
Opérant dans tous les secteurs, notamment en agriculture, David Allais a rapidement constaté la force des exploitants « Ils sont très ouverts en matière de communication et ils savent écouter. Un agriculteur n’a aucun problème à dire qu’il ne sait pas faire. Il n’a pas peur d’innover non plus.
Dans le secteur agricole, « la meilleure communication repose sur l’image du producteur lui-même. Pour atteindre la confiance du client, cela passe d’abord par l’honnêteté, la transparence du producteur avant même son produit. C’est pour cela que je m’attache à avoir une proximité, une disponibilité et une réactivité avec mes clients. »
Pour se donner un ordre d’idée, les tarifs s’ajustent selon les créations. Pour les réseaux sociaux avec une publication par semaine, il faut compter environ 120 euros par mois, et pour la création d’un site, autour de 1 200 euros.
« Tous les producteurs devraient communiquer. Il faut montrer pour quoi on existe. Il faut faire parler de soi. Et c’est toujours utile : aujourd’hui l’agriculteur qui ne fait pas de vente peut aussi recruter par le biais d’un site, il s’ouvre à de nouvelles opportunités. »