En 2022, 136 500 élèves, 57 000 apprentis et 33 000 étudiants ont fait leur rentrée en formation agricole. En baisse régulière entre 2012 et 2018, les effectifs dans l’enseignement agricole restent aujourd’hui stables.
Pourtant, les derniers chiffres du recensement agricole de 2020 sont sans appel : près de la moitié des agriculteurs a plus de 55 ans et sera donc susceptible de quitter le métier dans les prochaines années. Et l'élevage est particulièrement en tension : un quart des exploitations de ruminants a disparu en 10 ans et le taux de renouvellement est plus faible qu'ailleurs (lire encadré p. 44) Alors comment regonfler les rangs de l’enseignement agricole ?
Dans un rapport de 2020 (1), le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) tire la sonnette d’alarme sur la méconnaissance de l’enseignement agricole d’une majorité de chefs d’établissement de l’Éducation nationale. Un frein à l’orientation vers les métiers de l’agriculture. Interrogé sur ce sujet sur le stand de Jeunes agriculteurs le 3 mars 2023 au Salon international de l’agriculture, le ministre de l’Éducation nationale veut développer les passerelles avec l’enseignement agricole.
Pap Ndiaye espère beaucoup du développement des parcours "découvertes métiers" mis en place dans 10 % des collèges et de la prochaine évolution du stage réalisé en troisième.
Mais selon le CGAAER, l’enseignement agricole pâtirait également de l’image négative dont souffre l’agriculture. Dans un tel contexte, comment attirer de nouveaux publics vers les formations agricoles ?

Sensibiliser dès le plus jeune âge
Depuis plus de trente ans, Chantal Vimbert et son mari adhèrent au réseau Bienvenue à la Ferme, porté par le réseau des Chambres d’agriculture. Avec ses enfants récemment installés, elle accueille sur sa ferme pédagogique de l’Epaville à Montivilliers (76) une grande diversité de publics. « Du bébé au retraité, résume l’exploitante. Mais nous recevons majoritairement des écoles, y compris des élèves venant de Paris ». Plusieurs thématiques sont proposées aux visiteurs, tels que la fabrication du pain ou du jus de pomme, la saisonnalité des productions végétales et animales, ou encore la reconnaissance des céréales. L’occasion pour l’exploitante de « remettre beaucoup de pendules à l’heure » au sujet de l’agriculture.
« Les plus grands reviennent plusieurs fois dans l’année pour suivre tout un cycle de production », indique Chantal Vimbert qui ne manque pas de sensibiliser les publics aux métiers agricoles. « Du vétérinaire au conseiller de gestion, en passant par le contrôleur laitier ».
Casser les clichés
Mais lorsque le public ne vient pas à la rencontre du monde agricole, c’est ce dernier qui vient à lui. Pour promouvoir les métiers agricoles auprès des élèves, Jeunes Agriculteurs a lancé l’association « Demain, je serai paysan ». Créée en 2021, l’association permet notamment à de jeunes agriculteurs d’intervenir dans les établissements de formation générale pour présenter le métier de chef d’exploitation. « L’association rassemble toutes les filières et l’ensemble des organisations professionnelles agricoles pour promouvoir nos métiers au cœur des établissements », explique Rémi Dumas, son président. Nous sommes les mieux placés pour en parler. Et entre jeunes, le lien se créée plus facilement. » Au-delà de ces interventions, l’association mise aussi sur une panoplie de supports variés : exposition itinérante, jeu des 7 familles, journal trimestriel pour les écoles primaires, podcast, mais aussi jeu vidéo. « On casse les clichés ! », résume l’élu.
Séduire d’autres publics
Et « Demain je serai paysan » ne compte pas s’arrêter là. « Nous avons amorcé le travail avec Pôle emploi pour former les agents sur le métier d’agriculture », confie Rémi Dumas. Car la filière agricole attire en énorme majorité de nouveaux publics. En 1990, près de 40 % des élèves étaient enfants d’agriculteurs ou salariés agricoles. En 2021, ces derniers ne représentent plus que 10 % des effectifs. Les publics en reconversion professionnelle viennent eux aussi gonfler les rangs de l’enseignement agricole, l’obtention d’un diplôme agricole de niveau IV étant obligatoire pour accéder aux aides à l’installation.
Dans le Cantal, où 40 % des chefs d’exploitation (soit 2 000 actifs) pourront prendre leur retraite d’ici 5 à 7 ans, le renouvellement des générations agricoles est une priorité. La chambre d’agriculture, accompagnée de Jeunes Agriculteurs et de Landestini, une association qui agit pour créer des emplois en milieu rural, viennent de lancer « Devenir agriculteur dans le Cantal ». Un programme innovant ouvert aux personnes en PSE (plan de sauvegarde de l’emploi) ou souhaitant opérer une reconversion professionnelle. « Le sens de ce programme est de dire que l’agriculture recrute », explique Gérard Vigier, conseiller transmission à la chambre du Cantal. Pendant 12 à 18 mois, les futurs porteurs de projets vont découvrir l’agriculture cantalienne, déterminer leurs envies, et s’immerger dans le métier au travers de deux stages. Accompagnés par les conseillers de la Chambre d’agriculture, ils pourront également définir un projet d’installation et s’orienter vers une formation diplômante.
Des initiatives qui pourront nourrir les débats en cours sur l'attractivité des métiers et la formation, deux thématiques du Pacte et de la Loi d'orientation agricoles, dont le texte sera déposé cet été.
(1) L’orientation des élèves vers l’enseignement agricole et son attractivité, CGAAER, 2020.