Il a tout tenté pour sauver ses vaches. De la maladie d’abord, de l’euthanasie ensuite. Dès que le premier cas français de dermatose nodulaire contagieuse (DNC) a été déclaré à Entrelacs en Savoie, Pierre-Jean Duchêne, installé sur la même commune, les a rentrées. Tout en sachant qu’elles pouvaient avoir déjà été exposées au virus, il a mis toutes les chances de son côté : « Dès le 29 juin, elles ont été confinées dans un bâtiment désinsectisé et ventilé, traitées contre les mouches, avec une ration complète équilibrée enrichie en vitamine C », explique-t-il.

Le 5 juillet 2025, un cas était confirmé dans son bâtiment et la vache était euthanasiée à sa demande. Puis l’ordre de « dépeuplement » tombait. Toutes les laitières en production — une centaine de montbéliardes — devaient y passer.

Inacceptable pour le jeune éleveur de 28 ans, dont un lot de génisses au pré avait déjà été abattu. « Je suis conscient de la gravité de la maladie, soulignait-il le 15 juillet. Je n’ai rien caché, j’ai déclaré les suspicions et je comprends l’abattage d’un lot exposé en pâture. Mais en bâtiment, ma seule vache malade était faible car fraîchement vêlée. Toutes les autres sont en pleine forme avec une production en hausse ! »

Symbole de résistance

La durée d’incubation pouvant atteindre un mois, il a guetté l’apparition de symptômes. Chaque jour renforçait sa conviction et celle des soutiens venus de tous bords pour empêcher le dépeuplement, ils étaient deux cents le 14 juillet. Le Gaec Duchêne devenait symbole de résistance : inspirant pour les opposants à l’abattage total, dangereux pour ceux reconnaissant la nécessité de tarir les sources de virus.

Le 21 juillet, deux jours après la découverte de nodules sur deux vaches, son espoir est anéanti. « J’ai encore été transparent en déclarant ces cas, souligne-t-il. J’abandonne la lutte car j’ai aussi appris que mon recours au tribunal a été rejeté. » Il lui restera quelques génisses et trois vaches dans un pré éloigné. « Ma salariée va être au chômage, mes parents vont prendre leur retraite et le Gaec sera dissous, confie-t-il. Et moi, vu mes emprunts, je ne sais pas encore si je repartirai. »