Alors que des négociations sont en cours avec le ministère de l'Agriculture, la réforme de l'assurance récolte a été largement commentée par les responsables de l'AGPB (Association générale des producteurs de blé), lors d'une conférence de presse le 8 septembre 2022 à Paris.

Pour le syndicat agricole, le succès de cette réforme repose sur deux éléments clés : l’application des seuils de soutien public obtenus au niveau européen avec le règlement Omnibus (soutien de 70 % des cotisations d'assurance à partir de 20 % de pertes de la récolte). Ainsi que l’équité de traitement entre les filières (prise en charge par l’État à hauteur de 90 % des pertes exceptionnelles).

« Un prérequis indispensable »

Pour son président, Eric Thirouin, la définition de paramètres compréhensibles et véritablement incitatifs pour les agriculteurs est un prérequis indispensable. » Et de lancer : « Pas la peine de faire une réforme si on n'arrive pas à appliquer le règlement Omnibus. »

Selon le responsable syndical de l'AGPB, ce règlement encourage les agriculteurs à payer une assurance récolte et c'est vertueux pour les finances de l'État qui n'a pas à débourser des millions d'euros pour prendre en charge telle ou telle calamité.

« Engager le maximum d’agriculteurs est un gage de la réussite de la réforme, insiste le syndicat des céréaliers. C’est une question de bon sens. »

Appliquer une vraie réforme

« Je ne peux pas comprendre ce qui est sur la table pour les grandes cultures, à savoir 25 % pour les pertes de récolte et moins de 70 % de soutien, fustige le président de l'AGPB. Le gouvernement dit qu'il a entendu la difficulté des aléas climatiques mais il va faire une réforme qui reconduit l'existant. Il y a quelque chose qui ne colle pas ! Soit le président de la République est au rendez-vous, soit c'est un échec pour plusieurs années et en complète contradiction avec les déclarations du gouvernement cet été. »

« La stricte application du règlement européen Omnibus est une ligne rouge que nous portons avec toutes les organisations agricoles, insiste Eric Thirouin. J’appelle donc le gouvernement à rester fidèle à l’esprit originel de la loi. C’est maintenant qu’il faut agir pour la refondation de ce système assurantiel. »

Des engrais trop chers

L'autre sujet qui préoccupe fortement les céréaliers concerne la hausse des coûts de production, liée notamment à la flambée du prix des engrais.

« Par rapport à janvier 2021, le prix du blé a été multiplié par 1,5 et celui de l'azote par 3 », rapporte Cédric Benoist, secrétaire général adjoint de l'AGPB.

Si les revenus des céréaliers s'améliorent en 2022 en moyenne, portés par des hausses historiques des cours du blé avec la guerre en Ukraine, les producteurs ne savent pas si les cours resteront hauts l'an prochain; ils redoutent un « effet ciseau » dévastateur en 2023 si « la courbe des prix des engrais croise celle des céréales ». 

« La situation actuelle est sans précédent »

« Aujourd'hui avec des propositions de prix exploitation à 290-295 €/t, on est légèrement au-dessus de notre prix de revient qui a pris plus de 100 euros par rapport aux années précédentes et atteint 260 à 280 €, note Eric Thirouin. Pour l'instant ça passe, mais l'effet ciseau n'est pas loin. »

« La situation actuelle est sans précédent et à rebours du marché mondial », décrit l'AGPB. La France est en effet en pleine saison d'achat mais l'offre est insuffisante en engrais européens (ammonitrate), avec un rationnement à 1 000 tonnes pour une commande de 10 000 tonnes.

« Il y a aussi des délais pour les importations (urée, solution azotée) du fait de contraintes portuaires et administratives », commente le syndicat, qui juge le marché européen des engrais « trop protégé ».

Demande de suspension des droits de douane

Cédric Benoist se réjouit donc de la volonté de l'Union européenne de suspendre les droits de douane sur l'ammoniac et l'urée qui entraînent, selon lui, une concurrence insuffisante et des prix plus élevés qu'ailleurs. Cette suspension est en attente de décision au niveau du Conseil européen.  

« Les producteurs se sont moins couverts que d'habitude, de l'ordre de 20 points de moins que l'année dernière à la même date », précise par ailleurs Eric Thirouin. Ils hésitent à acheter de l'engrais à des prix si élevés pour se couvrir avant les semis de printemps. D'où un écart de deux mois sur le calendrier des achats. Mais ensuite, encore faut-il pouvoir être approvisionné.

« Les volumes d'engrais disponibles au printemps seront probablement insuffisants », s'inquiète Cédric Benoist. Ce qui aurait un impact sur les choix de cultures, la quantité et la qualité des récoltes de 2023.