« L’élevage est-il en danger ? », s’interroge au début de l’année 1972, La France Agricole (FA) qui pointe du doigt la proposition de la Commission européenne d’augmentation très faible des prix du bœuf et du maïs. Mais, quelques mois plus tard, ce sont les producteurs de lait qui manifestent leur colère. Selon eux, le prix proposé ne tient pas compte de l’évolution des coûts de production. En Bretagne, un mouvement de grève du lait est déclenché. Des cadres de la transformation laitière sont séquestrés. Attitude que dénonce l’éditorialiste de la FA (02/06/1972) : « Il est fatal dans ces conditions que les industriels et les coopératives laitières se montrent assez décontenancés et se voyant réclamer à eux, ce que seule peut donner une décision européenne. »
Quinze jours plus tard, le billettiste se veut encore plus sévère : « Le pain gâché, le lait répandu me causent un malaise physique. Mais ce qui m’inquiète vraiment, c’est que les hommes aient fait tant de progrès dans leur façon de soigner leurs vaches et si peu dans leur façon de traiter leurs semblables, de se comprendre entre eux, de coopérer même dans leurs coopératives. » Dans le même numéro, le journaliste qui suit l’actualité laitière constate un apaisement du conflit mais s’interroge : « Le problème soulevé par les éleveurs bretons est-il réglé pour autant ? Il est permis d’en douter. »
Car dans les décennies qui suivent, la question laitière va demeurer d’actualité : excédents et stocks colossaux, mise en place des quotas en 1984, avant leur suppression en 2005. Cette dernière décision bouleverse la donne. « La crise laitière ébranle les certitudes. Sonnera-t-elle le glas de la politique libérale ? », s’interroge en couverture la FA (24/07/2009). En effet, les producteurs de 14 pays européens appellent à la grève du lait.
« Dans quelques années, écrit Yvon Herry, dans un édito (04/09/2009), les décideurs européens ou nationaux qui demandent aux producteurs de s’adapter à la libéralisation, auront poursuivi leur carrière et ne seront plus forcément là pour compter le nombre des exploitations disparues. Ni pour évaluer les conséquences en termes d’occupation du territoire et d’emploi. Ainsi il n’est pas interdit de se battre aujourd’hui pour être là demain. » Trois semaines plus tard, l’éditorialiste, Éric Maerten qui constate que le mouvement est parvenu à peser sur les négociations, souligne combien la grève du lait a ébranlé les politiques : « Le mouvement de révolte actuel remet les yeux en face des trous et brise le consensus mou de “l’après-quota” qui s’était installé. »