« La crise conjoncturelle du Covid-19 a amplifié un phénomène sous-jacent. Elle a mis en exergue les problèmes structurels que la filière de la viande de chevreau connaît depuis des années », constate le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) dans un rapport publié le 28 septembre 2021, à la demande du ministère de l’Agriculture.
Pour les auteurs du rapport, cette filière saisonnière « de petit volume et à faible valeur » enregistre depuis plusieurs années une diminution de ses débouchés, aussi bien à l’exportation que sur le marché domestique. Et pour ne rien arranger, « l’organisation de la filière de la viande de chevreau est oligopolistique : les abatteurs fixent les prix et en détiennent le pouvoir, les relations contractuelles commerciales sont inexistantes, les informations économiques ne sont pas toutes partagées et l’interprofession reste balbutiante », juge le CGAAER. Le couperet est tombé.
Assainir la situation
Pour assainir la situation sur le long terme, les experts missionnés par le ministère de l’Agriculture ont formulé sept recommandations à destination des divers acteurs de la filière. L’euthanasie à la ferme, qui n’est « pas acceptable par la société », et l’utilisation croissante de semences sexées, qui ne limite pas l’afflux de marchandise, n’en font pas partie.
Le CGAAER mise sur « la diminution du nombre de petits chevreaux concernés par cette filière par la promotion des lactations longues et le développement d’une filière d’engraissement et d’abattage de chevreaux lourds. » Il espère également voir le chevreau traité comme un « coproduit » de la filière laitière, au lieu d’un « sous-produit » actuellement.
Développer la production de chevreaux lourds
Deux des sept recommandations concernent la filière des chevreaux lourds, qui « peut constituer une voie permettant de détourner une partie des chevreaux de la filière des chevreaux légers. » Pour ce faire, les experts demandent à la Fédération nationale des exploitants d’abattoirs prestataires de services (Fneap) de « réaliser une cartographie précise des capacités de prestation de service d’abattage et de découpe de chevreaux lourds » (Recommandation 1). L’objectif étant de développer les tonnages abattus et transformés dans ces établissements multi-espèces.
En plus de cette mesure, il est demandé au ministère « d’étudier la mise en place d’un soutien public incitant à la production de ces chevreaux, à titre transitoire » (Recommandation 5).
« Le marché des chevreaux lourds peut se développer avec des initiatives comme le projet de Label rouge développé par le Syndicat caprin de la Drôme », notifie le rapport.
« Modifier le fonctionnement de l’interprofession »
En parallèle, le CGAAER recommande à l’interprofession de repenser son fonctionnement (Recommandation 3). Le conseil recommande ainsi à la section caprine d’Interbev de mettre en place et de promouvoir « un observatoire des coûts de production », d’intégrer « une présidence tournante » entre naisseurs, engraisseurs et abatteurs et de créer « un comité de liaison » avec l’interprofession caprine laitière (Anicap).
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Il semblerait également opportun de « finaliser un accord interprofessionnel sur la mise en place de la charte de bonnes pratiques de production du chevreau chez les éleveurs naisseurs […] en échange d’une contractualisation portant sur la garantie de collecte et sur une référence aux indicateurs de coûts de production du chevreau de huit jours pour le prix payé par les engraisseurs » (Recommandation 4).
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Enfin, il revient également à l’interprofession « d’explorer les potentialités de développement des marchés au niveau national et au niveau international en viande de chevreau » (Recommandation 2). Le grand export halal est une piste parmi d’autres. Sur le marché domestique, l’action doit comprendre un volet communication mais aussi recherche et développement pour proposer à la vente des « présentations faciles à cuisiner ».
Former les futurs chevriers aux problématiques de la filière
Toujours dans cette logique de traiter la source du problème plutôt que les symptômes, le CGAAER invite le ministère de l’Agriculture et les organismes de formation à sensibiliser les futurs chevriers sur la question des chevreaux (Recommandation 6).
Toutes ces mesures ont un prix. L’ultime recommandation consiste donc à motiver la mise en place « d’un financement pérenne du plan de développement de la filière de la viande caprine » (Recommandation 7). La stratégie proposée « nécessitera des financements importants au niveau de l’État, peut-être au niveau de l’Europe, voire des Régions, mais il faut aussi rechercher des cofinancements », suggère les experts missionnés.