« À moyen terme, les pays du nord de l’Afrique et du Moyen-Orient vont continuer à être dépendants des importations de blé, [ce qui représente] une opportunité pour la filière céréalière française », observait Roland Guiragossian, responsable pour l'Algérie et le Proche- et Moyen-Orient à Intercéréales (interprofession), le 19 mars 2025. Il intervenait à une table-ronde organisée à l’occasion de la seizième matinée export qui précède la Bourse de l’exécution.

« Dans ces régions, le blé fait office de base dans l’alimentation des populations, et c’est la protéine la plus accessible », exposait-il. Les volumes importés par ces pays, d’environ 54 millions de tonnes par an, sont aujourd’hui « considérables ». Selon les pays, la consommation par habitant peut y être jusqu’à cinq fois supérieure à celle observée en France. « Une tendance qui se maintient et qui va s’accentuer : cette grande région regroupe aujourd’hui quelque 570 millions d’habitants, avec une croissance démographique forte encore attendue », a projeté le spécialiste.

Rester compétitif

Roland Guiragossian évoque une dépendance quasi-totale au blé importé pour plusieurs pays du golfe Persique et à hauteur de 80 % pour l’Algérie ou encore de 60 % pour l’Égypte. L’ancien ministre de l’Agriculture marocain, Mohammed Sadiki, invité pour l’occasion, parlait quant à lui d’une dépendance de 30 à 70 % pour son pays. Une fourchette très large, qu’il a justifiée par les aléas climatiques.

« Le Maroc est un client historique du blé français. Il a représenté jusqu’à 60 % de nos importations mais ces dernières années, la concurrence très forte des pays de la mer Noire [a pu réduire les parts de marché françaises], a-t-il reconnu. Il y a [aujourd’hui] un travail très important pour relancer les échanges entre la France et le Maroc. [...] Il faut être lucide, nous ne [jouons pas] l’autosuffisance mais plutôt une meilleure articulation entre la production nationale et la sécurisation des approvisionnements. »

Lourds investissements

S’ils restent largement dépendants des importations en blé et autres céréales, certains pays ne ménagent pas leurs efforts pour relocaliser des productions. L’Algérie et l’Égypte, par exemple, ont lancé des projets pour exploiter les zones arides du sud de leurs pays, notamment par forage dans la nappe souterraine. Avec pour l’Algérie, l’objectif d’être autosuffisant en blé dur et en orge.

Dans les pays du golfe Persique, souvent dotés de moyens financiers plus importants du fait de leurs activités pétrolières, des investissements massifs ont aussi été réalisés pour des fermes verticales, comme l’a rapporté Roland Guiragossian. Mais on y préfère les fruits et légumes ou les cultures à plus forte valeur ajoutée pour rentabiliser ces lourds investissements.

« La culture hors sol des céréales est possible mais pas rentable », appuyait Stéphane Jezequel, directeur scientifique d’Arvalis. Et ce dernier de faire le parallèle avec les robots en France et en Europe : « Les grandes cultures seront les dernières espèces à [profiter de solutions technologiques] efficaces » par manque de rentabilité pour les utiliser dès aujourd’hui.