Les moissons des blés en France sont maintenant avancées aux trois quarts, confirmant des rendements très satisfaisants. Le retard des récoltes en mer Noire pourrait offrir une courte fenêtre de tir pour les producteurs en Europe de l’Ouest, mais la demande reste encore trop timide.

Retard des récoltes de blé en mer Noire

L’hésitation est de mise sur le marché du blé, qui voit le prix en rendu Rouen osciller depuis une semaine, pour s’afficher à 196 €/t. Les bonnes disponibilités attendues en Europe de l’Ouest rassurent les opérateurs, et les bons rendements compensent très légèrement un prix de vente inférieur au coût de production. Dans ce contexte, les producteurs restent frileux pour avancer dans leurs ventes, malgré une opportunité à court terme sur de la demande rapprochée.

Le retard des récoltes en Russie avancées à seulement 20 % des surfaces de blés, soutient les prix physiques, à l’instar du prix FOB russe 12,5 % qui poursuit sa hausse ces derniers jours, en s’affichant désormais + 3 $ de plus que le prix FOB France. Le récent mouvement de baisse de l’euro-dollar à 1,163 favorise une meilleure compétitivité des blés européens. Mais celle-ci restera à mettre en compétition face à des blés d’Europe de l’Est, aujourd’hui très compétitifs comme le prouve le dernier appel d’offres de l’Algérie en début de semaine. La demande devra se montrer plus dynamique afin d’équilibrer un bilan français qui inquiète. FranceAgriMer publie cette semaine un stock de fin 2025-2026 attendu à 3,86 millions de tonnes soit au plus haut depuis 2005.

En plaine, les récoltes françaises avancent à 71 % des surfaces selon Céré’Obs, en marge de la moyenne quinquennale à 43 % avec des échos de très bons poids spécifiques et une protéine qui semblerait être aux normes. Les inquiétudes se portent maintenant sur les cultures de printemps, avec le décrochage en France de l’indice végétatif pour les maïs. Faute de précipitations imminentes, le potentiel de production pourrait être revu à la baisse en France, comme cela est déjà le cas en Europe.

Opportunité à très court terme pour l’orge

Dans un contexte de bilan qui reste lourd, la prime fourragère parvient toutefois à rebondir autour des -10 €/t à Rouen, entraînée par un regain de demande à court terme. La Chine aurait en effet contractualisé quelques bateaux en remplacement de l’origine mer Noire, aujourd’hui en retard de récolte. Les opérateurs, conscients des difficultés à venir pour trouver des débouchés sur la scène export pour la nouvelle campagne, profitent de cette opportunité à court terme.

FranceAgriMer estime d’ailleurs que la demande export devrait augmenter de + 17 % sur un an à 2,8 millions de tonnes, mais cela reste toujours inférieur aux 3,5 millions de tonnes de moyenne entre 2019-2020 et 2023-2024. L’institut français estime ainsi que la demande n’est pas suffisante pour compenser la hausse de production, résultant d’une hausse des stocks de report à 1,64 million de tonnes, au plus haut depuis la campagne 2010-2011.

En plaine, les travaux des champs sur les orges d’hiver sont désormais terminés, avec un taux de « bons à excellents » affiché par Céré’Obs à 65 %, à comparer à 67 % en moyenne quinquennale. Les rendements semblent avoir agréablement surpris les opérateurs, qui devront rester attentifs à la concurrence internationale à venir. Au Canada, les conditions climatiques sont hétérogènes, à l’instar de la province du Saskatchewan, où la part des orges en « bon ou excellent état » se dégrade en deux semaines de -6 points, à 58 %. Les prochaines semaines seront déterminantes pour le pays.

Sur le marché des orges brassicoles la tendance baissière a repris dans un contexte de retours rassurants en Scandinavie. La prime s’enfonce pour s’afficher à 23 €/t à Creil, et le prix des orges de printemps à Creil chute à 217 €/t, après avoir perdu 33 €/t depuis mi-mai.

Bonnes perspectives en Europe pour le colza

Le cours du colza FOB Moselle marque un rebond de près de + 20 €/t depuis une semaine pour s’afficher désormais à 479 €/t. Plusieurs facteurs ont soutenu la graine récemment avec tout d’abord une activité de trituration et une demande d’huile attendue en hausse en Europe en raison des nouveaux projets de loi sur les biocarburants. Le marché des huiles à Rotterdam affiche une certaine fermeté avec des cours au-dessus des 1 050 €/t sur l’ensemble des quatre huiles végétales.

Au Canada, les conditions climatiques pour le moins hétérogènes permettent au marché de Winnipeg de franchir les 700 CAD/t, malgré des conditions de culture au Saskatchewan qui s’affichent pour l’instant stables à 60 % de « bons à excellents »

En France, les bons retours de rendements dans l’Hexagone rassurent les opérateurs. Agreste remet à jour cette semaine son estimation de production française de colza à 4,2 millions de tonnes, soit une hausse de 8,9 % par rapport à la moyenne des cinq dernières années.

Les retours de rendement sont pour le moment similaires du côté de l’Allemagne et de la Roumanie et la production européenne pourrait même être supérieure à 20 millions de tonnes, contre 17,8 millions de tonnes l’an passé au sein de l’Union européenne incluant le Royaume-Uni. Cette production viendra compenser un potentiel en forte baisse en Ukraine à seulement 3,2 millions de tonnes, qui pourrait être encore une fois revu à la baisse au vu des récentes conditions climatiques. Enfin les opérateurs seront attentifs au retour à la normale des flux à Moselle, après l’incident endommageant une écluse.

La macroéconomie soutient un très léger rebond du soja

Les tourteaux de soja marquent pour la première fois depuis des mois un très léger rebond de + 5 €/t à Montoir, pour s’afficher à 307 €/t. Plusieurs facteurs macroéconomiques ont pu favoriser ce regain de fermeté, avec tout d’abord une chute de l’euro-dollar à 1,163. Mais les opérateurs sont surtout tournés vers les annonces attendues ces prochains jours, des droits de douane américains pour les exportations européennes. Il ne fait nul doute que le Vieux continent imposera à son tour des droits si nécessaire, qui pourront alors avoir un impact sur le flux des importations de tourteaux américains. L’Europe pourra toutefois facilement compenser avec des origines d’Amérique du Sud et ainsi préserver un niveau d’imports régulier.

Du côté des huiles, la fermeté est de mise, entraînée par l’huile de palme. L’huile de soja à la Bourse de Chicago marque quant à elle un plus haut depuis l’été 2023. Les bonnes perspectives d’incorporation soutiennent ce marché, à l’heure où les stocks aux États-Unis sont ressortis sous les attentes dans le rapport mensuel de la Nopa en début de semaine. La fermeté des huiles végétales incite les triturateurs à maintenir une activité soutenue, ce qui continuera d’alimenter le marché des tourteaux, en exerçant une pression baissière.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.

(2) À suivre : Évolution de la parité euro-dollar ; Négociations entre l’Europe et les États-Unis sur les tarifs ; Évolution de la météo en Australie ; Poursuite des moissons en mer Noire, Europe et en Amérique du Nord ; Évolution de la position des fonds, tant à Chicago que sur Euronext.