L’ouverture du conflit entre Israël et l’Iran le 13 juin 2025 « conduit à une volatilité des cours du baril de pétrole », explique Maria Gras, adjointe à la cheffe de l’unité des grains et du sucre de FranceAgriMer, le 18 juin 2025 à l’issue du conseil spécialisé des grandes cultures de l’organisation. « Il avait dépassé les 75 dollars la semaine dernière, qui correspondait au niveau qui avait été atteint en avril dernier. Il s’était replié ensuite à 72,8 dollars le 16 juin. Il a clôturé hier à 77,19 dollars, soit une variation de 8,8 % sur 5 jours. »
Biocarburants
Les cours du pétrole sont intimement liés à ceux du colza et du maïs, ces espèces étant en partie transformées en énergie (biodiesel et bioéthanol). Les variations du pétrole entraînent ainsi régulièrement les autres matières premières dans leur sillage. Le 13 juin 2025 sur Euronext, les cours du colza ont par exemple clôturé en nette hausse (+12,50 €/t par rapport à la veille sur l’échéance d’août, à 494,75 €/t), avant de se replier ensuite.
Au-delà du prix, l’aggravation des tensions géopolitiques avec l’Iran « fait craindre une perturbation de l’approvisionnement mondial en pétrole, estime Maria Gras. Il y a eu en particulier des attaques israéliennes qui ont ciblé les infrastructures pétrolières iraniennes ». D’un autre côté, elle note « des signaux plutôt baissiers, en lien avec une demande mondiale moindre. » Cette situation est « plus ou moins entretenue par la guerre commerciale et les tarifs douaniers entre les grandes puissances, ou l’augmentation des volumes produits par l’Opep + » (groupe de 23 pays producteurs de pétrole).
« Le prix des engrais commence à augmenter »
S’agissant du gaz, les cours sont pour l’heure assez stables. Mais dans ce contexte géopolitique, « il y a encore potentiellement de la fermeté à attendre », a estimé Arthur Portier, consultant chez Argus Media, lors de l’assemblée générale de l’Union des industries françaises de la fertilisation (Unifa) le 18 juin. Or, le prix des engrais azotés est directement lié à celui du gaz, utilisé pour sa fabrication.
« Le conflit impacte fortement le marché des engrais, car 40 % des exportations mondiales d’urée sont concernées », chiffre Maria Gras. Elle évoque des problèmes d’approvisionnement en gaz pour certains pays, en particulier en Égypte. La production d’urée est réduite dans le pays par l’arrêt de l’approvisionnement en gaz en provenance d’Israël. L’Iran a également fermé des unités de production. Dans une note diffusée le 18 juin, l’AGPM souligne que l’Iran est le troisième exportateur mondial d’urée. « Le prix des engrais commence à augmenter et sera à surveiller », signale Maria Gras.
À cette situation s’ajoute, sur le moyen terme, l’application de nouvelles restrictions européennes à l’importation d’engrais en provenance de la Russie. La réorganisation du secteur pour garantir l’approvisionnement des producteurs français sera aussi suivie de près. « Même s’il y a des complications, nous ne pouvons pas assurer qu’il y aura un désapprovisionnement qui ne soit pas remplacé par d’autres fournisseurs », commente María Alejandra Linares, chargée d’études économiques pour FranceAgriMer.
Menaces sur le stratégique détroit d'Ormuz
Le détroit d'Ormuz, qui se situe à la frontière sud de l’Iran, retient toutes les attentions des opérateurs, qui craignent son blocage par le pays. C’est en effet un point stratégique : « Environ 20 % du pétrole mondial et une part importante du gaz naturel liquéfié transite par ce détroit, situe Maria Gras.
Cela concerne en particulier les importations européennes en provenance des États du Golfe. La Chine est potentiellement fortement impactée, car elle a récemment effectué des achats de pétrole iranien acheminé par ce détroit, dans le but de contrer les sanctions douanières américaines. » Le blocage du détroit « pourrait conduire à une flambée des prix mondiaux du pétrole, ou une pénurie énergétique pour les pays qui dépendent des énergies du Moyen-Orient », analyse-t-elle.
L’Iran, un « grand importateur de maïs »
Dans sa note du 18 juin, Sitagri souligne que pour le moment, « aucune perturbation de l’approvisionnement en brut n’a été signalée, bien que la nouvelle d’une collision entre deux navires dans le golfe d'Oman ait provoqué une autre brève secousse sur le marché du pétrole pendant la nuit [du 17 au 18 juin]. » Selon le cabinet, « il n’y aura pas de blocage délibéré du détroit mais le trafic peut souffrir d’événements accidentels liés aux opérations militaires ».
FranceAgrimer pointe aussi une « diminution drastique » du trafic via le canal de Suez (reliant la Méditerranée à la mer Rouge), avec des « répercussions sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, notamment pour les produits agricoles. » L’AGPM souligne par ailleurs que « l’Iran est un grand importateur de maïs ». C’est en effet le premier client à l’exportation du maïs brésilien.