La forte hausse de l’euro par rapport au dollar, au plus haut depuis février 2022, pénalise la compétitivité des céréales et oléagineux européens. Pourtant, la semaine a bien été riche en informations fondamentales, forte des rapports de l’office américain de l’agriculture (USDA), du Brésil (Conab) et du Malaysian Palm Oil Board (MPOB).
Un marché du blé toujours sous pression
Le marché du blé meunier reste sous pression avec un repli hebdomadaire de 3,25 €/t pour revenir juste en dessous de 210 €/t en base juillet rendu Rouen. Les cours effacent ainsi le léger rebond de la semaine précédente. Il faut dire que la hausse de la parité, qui est passée de 1,079 au début du mois à 1,140 ce jour, pénalise la compétitivité du blé français. La capacité des exportateurs français à se positionner en Afrique du Nord d’ici à la fin de la campagne sera déterminante pour l’évolution des cours. À cela s’ajoute le revirement de situation aux États-Unis, où Donald Trump abaisse les droits de douane pour l’ensemble des pays à 10 % (à l’exception de la Chine) pour un délai de négociation de 90 jours.
Si les marchés sont davantage guidés par l’actualité géopolitique que par l’analyse fondamentale, l’USDA a tenté de clarifier l’état des bilans de blé à travers le monde. Sans surprise, un ralentissement du commerce mondial est une nouvelle fois mis en lumière. Les importations chinoises sont revues en forte baisse de 3 millions de tonnes, à 3,5 millions de tonnes, au plus bas depuis six ans. Pour compenser cela, les exportations européennes, australiennes et surtout russes sont également abaissés. Les stocks de report de blé en Russie s’alourdissent tandis que les conditions climatiques locales s’améliorent. Les dernières pluies rassurent et les potentiels de production pourraient même revenir proches de 85 millions de tonnes en 2025.
Du côté de l’Europe, le retour des pluies est attendu rapidement et 75 % des surfaces françaises sont toujours notées en bonnes ou excellentes conditions, loin des 64 % de l’an passé à cette date. Enfin, les premières notations à l’échelle nationale ont vu le jour aux États-Unis. Les conditions climatiques sont très hétérogènes selon les zones et les quelques vagues de froid ont freiné le développement des plantes. À ce jour, 48 % des surfaces s’affichent en bonnes ou excellentes conditions, contre 55 % lors du dernier rapport à la fin de novembre et 56 % l’an passé.
Des marchés du maïs européens et internationaux divergents
Les dernières semaines auront été animées, tant sur le plan géopolitique que fondamental. Déjà, il faut souligner que les exportateurs américains ont été soulagés d’apprendre que la mise en place des droits de douane est finalement reportée de 90 jours, exception faite de la Chine désormais sujette à 145 % de taxes. Le risque d’annulations des précédentes ventes à l’exportation s’amenuise. La voie des négociations est donc ouverte. D’ailleurs, l’Union européenne emprunte ce chemin et repousse sa réplique tarifaire de trois mois également. L’Espagne profite de cette période de latence et réalise l’achat exceptionnel de 240 000 tonnes de maïs américains.
Malgré cette période de trouble, la céréale américaine reste très sollicitée sur la scène internationale. L’USDA n’a donc eu d’autre choix que de rehausser son objectif à l'exportation sur la campagne de 2024-2025 de 62,2 millions de tonnes, à 64,8 millions de tonnes. Cela contribue au rebond des prix du maïs américain lesquels regagnent près de 15 $/t, à 223 $/t Fob Golfe sur les deux dernières semaines.
Face à la tension sur le marché mondial du maïs, les grands importateurs attendent l’arrivée des volumes sud-américains. Pas loin d’un quart des 50 millions de tonnes de maïs argentins attendus par l’USDA ont été récoltés. La récolte brésilienne devra pour sa part encore attendre le mois de juin. L’office américain maintient son estimation de production au Brésil à 126 millions de tonnes, restant ainsi plus optimiste que la Conab à 124,7 millions de tonnes. L’arrivée de cette récolte sera essentielle pour les acheteurs européens qui surveillent en même temps le début des semis.
En France, 15 % des surfaces sont désormais emblavées selon Céré’Obs. Dans ce contexte de regain de fermeté des prix internationaux, le maïs français cède paradoxalement 4 €/t sur les quinze derniers jours, en tombant à 195 €/t rendu Bordeaux. Il faut dire que les céréales européennes ne sont pas épargnées par la pression exercée par la hausse de l’euro par rapport au dollar qui revient sur ses plus hauts depuis février 2022.
En colza, le Canada devra s’adapter aux perturbations commerciales
Donald Trump reporte de 90 jours la date de mise en place des droits de douane aux États-Unis contre la liste élargie de 50 pays publiée une semaine auparavant. Les marchés financiers s’étaient pourtant préparés à cette mise en place officielle le mercredi 9 avril. Ce rétropédalage démontre une nouvelle fois la difficulté d’anticiper les actions du nouveau chef d’État américain et les impacts de ces allers-retours sur l’économie et le commerce mondial.
Fort de cette situation et d’un contexte morose aux États-Unis, le dollar continue de se dévaluer face à l’ensemble des devises dont l’euro qui se renforce sur ses niveaux les plus hauts depuis plus de trois ans, à plus de 1,13. Les fondamentaux et les échanges perturbés par ce contexte se retrouvent rétrogradés au second plan quant à leur impact sur le prix des matières premières.
Pourtant, la semaine fut riche en informations avec la publication ce 10 avril du rapport mensuel de l’USDA. En colza, les principaux changements proviennent du ralentissement de la trituration au Canada de plus de 300 000 tonnes. Les exportations d’huile se retrouvent donc diminuées du même volume alors que celles de graines augmentent de 1 million de tonnes pour atteindre 8,25 millions de tonnes. Ce levier permettra notamment à la graine canadienne de contourner les taxes chinoises sur les tourteaux et l’huile en exportant la matière première.
Au sujet des huiles végétales, la publication du MPOB de cette semaine a mis en évidence la reprise de production en Malaisie au cours du mois de mars. Face à des exportations toujours rationnées, les stocks se reconstruisent. Les besoins toujours importants du côté des importateurs asiatiques limitent pour le moment une pression baissière supplémentaire sur les prix. Dans ce contexte, la graine de colza Fob Moselle se replie au cours de la semaine de 5 €/t pour atteindre 513 €/t.
Nouvelle augmentation de la trituration mondiale de soja, selon l’USDA
L’actualité géopolitique anime actuellement les marchés. L’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine menace le commerce mondial et la carte des flux mondiaux pourrait rapidement être redistribuée. À l’exception de la Chine, Donald Trump a tout de même abaissé les droits de douane à 10 % pour les pays collaboratifs pendant une période de négociation de 90 jours. Si la tendance baissière est toujours en place, les prix des tourteaux de soja ont retrouvé quelques couleurs cette semaine, en hausse de 6 €/t pour revenir à 365 €/t sur le spot délivré Montoir.
La situation reste tout de même fragile et l’USDA a tenté d’ajuster les bilans mondiaux dans son rapport du mois d’avril. Cette publication a été marquée par la révision en hausse de l’activité de trituration, aussi bien aux États-Unis, qu’au Brésil ou en Argentine. Cela conduit à une hausse de la production mondiale de tourteaux de soja de 1,7 million de tonnes, à 278,6 millions de tonnes en 2024-2025.
Les autres ajustements ont été minimes et les regards se tournent du côté des potentiels de production en Amérique du Sud. Les récoltes de soja débutent en Argentine et sont réalisées à hauteur de 2 %. Les surfaces plus importantes cette année permettent d’attendre une production argentine de 49 millions de tonnes selon l’USDA, soit un plus haut depuis six ans. Les retours des producteurs seront à suivre tandis que la production brésilienne ressort inchangée sur le niveau historique de 169 millions de tonnes.
Les disponibilités mondiales de graines et de tourteaux rassurent les opérateurs mondiaux mais la situation reste sous surveillance en Europe. La mise en place du programme EUDR, prévue à partir de janvier 2026 et visant à lutter contre les importations de produits issus de la déforestation, pourrait nous priver d’une partie des volumes sud-américains. Les discussions à ce sujet tout comme les négociations commerciales avec les États-Unis seront déterminantes pour l’évolution des cours.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.
À suivre : négociations avec les États-Unis au sujet des droits de douane ; fermeté de la parité de l'euro par rapport au dollar ; chute des prix du pétrole ; ventes à l’exportation hebdomadaires aux États-Unis ; rythme des importations européennes (maïs, colza/canola) ; amélioration des conditions de culture en Russie ; retour des précipitations en Europe de l’Ouest ; conditions de culture du maïs safrinha au Brésil.