Le flux d’informations baissier de la semaine entraîne la correction des marchés céréaliers. Entre les négociations de paix en Ukraine et la remontée des températures à la suite des vagues de froid en Russie et aux États-Unis, la hausse des surfaces de maïs US et l’amélioration du climat en Amérique du Sud ont participé au repli de la semaine.
Pour autant, le regain de compétitivité du blé français pourrait limiter le potentiel de baisse. Du côté des oléagineux, le marché du colza se rapproche des plus hauts de campagne, bien aidé par la fermeté des huiles végétales, et notamment du palme.
Blé : Un blé français compétitif dans l’attente de demande
Le blé français corrige une nouvelle fois et revient désormais autour de 220 €/t en base juillet rendu Rouen, soit une baisse de 7 €/t sur la semaine. L’origine française se repositionne et retrouve de la compétitivité par rapport aux autres origines, notamment russe, ukrainienne et roumaine.
Il faut dire que les volumes sont de plus en plus limités en région mer Noire, entre les volumes restreints en Ukraine et en Roumanie et le quota à l’exportation russe en place depuis la mi-février. La pression est venue cette semaine du marché américain, qui a fortement corrigé. Le forum Outlook du département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) montre des surfaces de blé américain en hausse de 2 % par rapport à l’an passé et les craintes liées à la vague de froid s’éloignent face à la remontée des températures.
Les potentielles dégradations des cultures ne sont pour le moment pas visibles et seront à suivre à la reprise de végétation du printemps. Quoi qu’il en soit, le blé français est désormais le moins cher du monde dans l’attente du retour de la demande. Si l’Algérie a acheté 150 000 tonnes cette semaine, les tensions diplomatiques importantes ne permettent pas au blé français de se positionner sur cette destination. En l’absence de la Chine sur le marché mondial, les regards se tournent du côté du Maroc, un débouché qui se renforce depuis quelques années.
À plus long terme, il sera intéressant de se tourner du côté de la nouvelle campagne. Les potentiels de production sont encore incertains en France et les notations des cultures ressortent à 73 % de bons à excellents, contre 74 % la semaine dernière et se rapprochant des 68 % de l’an passé à cette date. Le retour du soleil dans la majeure partie de la zone de production rassure mais la période de risque climatique s’ouvre et sera à suivre jusqu’aux récoltes.
Maïs : la hausse des surfaces de maïs aux États-Unis fait pression sur le complexe céréalier
Après avoir mené la hausse des prix internationaux du maïs, la céréale américaine se replie brutalement. Depuis le 19 février, le maïs US a cédé 15 $/t en retombant à 219 $/t Fob Golfe, son niveau d’avant la mi-janvier. Si le maïs américain reste bien sollicité depuis plusieurs mois malgré de dernières ventes à l’exportation hebdomadaires décevantes, ce sont les perspectives nouvelles campagne qui ont accentué la pression à court terme.
En effet, lors de son forum annuel de la fin de février, l’USDA a estimé la sole 2025 de maïs aux États-Unis à 94 millions d’acres, soit 3,4 millions d’acres de plus que l’an passé et 0,4 million d’acres de plus que la moyenne des attentes. Sur le marché intérieur américain, la production d’éthanol quasi record semaine après semaine entraîne ses stocks au record historique de 27,6 millions de tonnes.
Face à cela, les conditions météo s’améliorent en Amérique latine. En Argentine, la part des surfaces en bon ou excellent état passe de 19 à 21 % sur la semaine. Le retour des pluies est bénéfique mais gare à l’excès, avec plus de 150 millimètres attendus sur les sept prochains jours dans la province de Buenos Aires. Au Brésil, les semis de maïs safrinha ont désormais comblé leur retard, avec plus de deux tiers des surfaces emblavées au Mato Grosso. Dans ce contexte, le maïs français cède de son côté 2 €/t en revenant à 205 €/t rendu Rouen.
La baisse est néanmoins moins marquée qu’outre-Atlantique, au vu des besoins d’importation conséquents de 19,5 millions de tonnes sur le Vieux Continent, comme le souligne la Commission européenne. D’ailleurs, cette demande européenne se manifeste à travers la consommation de près de 270 000 tonnes de maïs en France en janvier, un record depuis la récolte, et ce malgré les problèmes de qualité déjà bien connus.
Colza : retour du colza près de ses plus hauts de campagne
Le complexe oléagineux est partagé géographiquement. En Amérique du Nord, les cours du soja US et du canola canadien ont cédé du terrain. Les deux marchés sont pénalisés par la menace tarifaire que brandit Donald Trump. La baisse attendue des surfaces de soja aux États-Unis en 2025 n’apporte qu’un soutien limité.
Au Canada, le délai d’un mois supplémentaire avant la mise en place de la taxe à l’import américain sur les produits canadiens, et notamment l’huile de canola, arrive à son terme. Si de nouveaux rebondissements ne sont pas du tout à exclure au cours des prochaines semaines, la possible perte de débouchés pour les exportateurs canadiens inquiète.
C’est ainsi qu’après être revenu à 680 CAD/t à Winnipeg une semaine plus tôt, le prix du canola cède 20 CAD/t. Pourtant, le marché européen s’affranchit de cette pression baissière. Les disponibilités sont limitées et les besoins à l’import toujours élevés. Les flux en provenance du Canada, mais aussi de l’Australie seront donc à suivre, afin d’équilibrer un bilan européen aujourd’hui sous tension. La Commission européenne estime d’ailleurs à 5,8 millions de tonnes les importations de l’Union Européenne sur la campagne de 2024-2025.
Face à cela, l’huile de colza ne se coupe pas de la demande, en restant moins chère que l’huile de tournesol et l’huile de palme à Rotterdam, et ce depuis six mois. Dans ce contexte, le colza récolte de 2024 gagne cette semaine 5 €/t à 538 €/t Fob Moselle, s’approchant de ses plus hauts de campagne à 545-550 €/t. À l’heure où la production européenne en 2025 est attendue en hausse, les tensions à court terme soutiennent les prix de la nouvelle récolte qui sont aussi à leur plus haut niveau de campagne et juste au-dessus du seuil psychologique des 500 €/t.
Soja : vers une baisse de surface pour le soja aux États-Unis en 2025
Le Forum sur l’agriculture de l’USDA était l’événement phare de la semaine. Comme chaque année à la fin du mois de février, le ministère de l’Agriculture américain publie ses intentions de semis de maïs et de soja en prévision de la prochaine récolte. Sans réelle surprise, la sole de soja cède du terrain par rapport à la précédente campagne.
Au regard du ratio prix du soja prix du maïs d’à peine 2,2, l’oléagineux perd de l’intérêt chez les producteurs au travers de sa moindre rentabilité. Ainsi, sa surface affecée pour 2025 est attendue à 84 millions d’acres, soit 3,1 millions d’acres de moins qu’en 2024. Ce résultat est parfaitement en phase avec la moyenne des attentes estimée au préalable à 84,4 Macres.
Si les perspectives à long terme tendent vers une réduction de l’offre aux États-Unis, à très court terme le marché mondial pourra profiter de l’arrivée imminente de la récolte brésilienne. La météo plus sèche de ces dernières semaines a permis une avancée rapide des travaux. Ces derniers sont désormais réalisés à un peu moins de 40 % soit dans la moyenne des dernières années. Les retours de terrain permettront maintenant d’ajuster les perspectives de production attendues à 169 millions de tonnes par l’USDA dans son précédent rapport.
Toujours au sujet de l’offre, les conditions de cultures s’améliorent en Argentine. Les conditions bonnes à excellentes gagnent +7 points au cours de la semaine pour atteindre 24 %. Toutefois, ce sont maintenant les excès de précipitations qui pourraient constituer une menace pour les cultures en terre au regard du risque d’inondation. En France, le tourteau de soja délivré Montoir reste stable au cours de la semaine à 369 €/t sur son contrat Spot.
À suivre : évolution de la parité eurodollar, contexte politique sur les taxes à l’import entre l’Europe et les États-Unis, exportation de blé français vers les pays tiers sur la campagne en cours, évolution des conditions de culture pour les céréales d’hiver dans l’hémisphère Nord, avancée des semis d’orge en Europe, suivi des conditions de culture en Amérique du Sud, évolution du bilan en palme en Indonésie et Malaisie.