Les échanges s’intensifient en cette période de début de moisson dans l’hémisphère Nord, soutenant un rebond des prix en cette fin de semaine. L’USDA (ministère américain de l’Agriculture) publiera d’ailleurs ses estimations de surfaces américaines ce vendredi 28 juin, un rapport très attendu par les opérateurs.

Regain de dynamisme de la demande en blé

Depuis deux semaines, la demande sur le marché du blé fait preuve de dynamisme, profitant de la chute de 38 €/t des prix en rendu Rouen sur le mois. L’Égypte et l’Algérie ont émis un deuxième appel d’offres en quinze jours, rachetant respectivement 470 000 t et près de 150 000 t de blé tendre. Dans le même temps, l’Arabie Saoudite a également publié un appel d’offres pour 595 000 t hier. Ce regain d’activité de la part des grands pays importateurs fait ressurgir la concurrence entre les origines européennes et le bassin mer Noire. L’Égypte a acheté des blés russes, bulgares, roumains et ukrainiens pour des prix évoluant entre 227 $/t et 230 $/t Fob, soit environ –15 $/t moins chers que les blés français.

En parallèle, la tension persiste sur les fondamentaux du blé. Au Canada, StatCan a publié ses estimations de surfaces. Celles de blé tendre sont abaissées en ce mois de juin, passant à 8,2 Mha contre 8,4 Mha au mois de mai. Du côté de l’Europe continentale, les moissons commencent. En Russie, les premiers rendements de la région de Krasnodar ressortent au-dessus des attentes mais semblent très hétérogènes.

En France, la récolte d’orge d’hiver a commencé cette semaine. Les premiers retours de rendement en dessous de la moyenne inquiètent quant à la récolte de blé à venir. Enfin dans l’hémisphère Sud, l’Argentine rassure quelque peu les opérateurs, avec des semis qui avancent rapidement et dans de bonnes conditions. 81 % des surfaces sont désormais emblavées dans le pays. Dans ce contexte le blé rendu Rouen reprend des couleurs, gagnant 3 €/t depuis vendredi dernier à 223,5 €/t ce vendredi 28 juin.

Regards tournés vers les conditions de culture du maïs

Dans le sillage du blé, le maïs rendu Bordeaux se raffermit quelque peu, reprenant 2 €/t sur la semaine en s’affichant à 195 €/t, bien que cela s’inscrive après un repli de 17 €/t sur le mois. Alors que les semis sont enfin terminés, l’attention se porte sur les conditions de culture.

La chaleur actuelle sur l’Hexagone permet aux maïs de rattraper une partie de leur retard après un démarrage tardif. De son côté, FranceAgriMer estime la part des maïs en bonnes ou excellentes conditions à 81 %, en baisse de 6 points par rapport à l’an passé à la même période. S’il est encore tôt, les inquiétudes se lèvent également dans le bassin de la mer Noire, à l’heure où le chaud et le sec s’installent. C’est notamment le cas en Ukraine, et ce d’autant plus que les stocks de début de campagne s’amenuisent au fur et à mesure que la bonne dynamique à l'exportation se poursuit. D’ailleurs, les exportations de maïs hebdomadaires du pays dépassent le seuil des 800 000 t, un record en fin de campagne.

Dans ce contexte, les opérateurs seront attentifs aux productions des autres grands exportateurs de maïs. En Argentine, 55 % des surfaces ont été moissonnées, en ligne avec la moyenne des dernières années. Par ailleurs, la Bourse de Buenos Aires maintient son estimation de production à 46,5 Mt, quand l’USDA est toujours à 53 Mt, symbole de l’incertitude entourant l’hémisphère Sud. Enfin aux États-Unis, si les conditions sont un peu moins favorables après quelques précipitations excessives, les perspectives n’en restent pas moins confortables, à l’approche de la période clé de floraison. Le rapport de l'USDA à paraître ce vendredi sur les stocks trimestriels et les surfaces américaines sera à suivre, et source de volatilité.

Colza : StatCan remonte son estimation de surface en canola

La récolte de colza débute en Europe et en Ukraine. En France, les premières coupes confirment la déception attendue depuis plusieurs semaines. Si les surfaces récoltées sont encore insuffisantes pour parler d’une baisse de production sous les 19 Mt, le pessimisme s’installe. À l’est du continent, une moisson plus fructueuse est attendue en Roumanie. L’origine roumaine gagne même en attractivité puisque les marges à l’importation s’améliorent pour les acheteurs de l’ouest. L’équilibre du bilan européen dépendra également de la production ukrainienne où plus de 4 Mt de graines sont attendues.

À la fin de la campagne de 2023-2024, l’activité de trituration reste soutenue en Europe. L’objectif annuel de 26 Mt de graines de colza transformées reste atteignable après un mois de mai dynamique. Deux issues sont envisageables pour la campagne de 2024-2025. Soit une baisse de la consommation devra être opérée. C’est pour cette raison que l’huile de colza à Rotterdam rebondit cette semaine au-dessus des 1 000 €/t et entraîne avec elle la graine de colza qui atteint 471 €/t Fob Moselle. Soit l’Europe devra procéder à des importations massives. Dans ce cas, l’origine canadienne pourrait être convoitée, mais la route est encore longue jusqu’à la récolte.

Du point de vue de la surface de canola, StatCan affiche une nette hausse de son estimation par rapport à sa précédente publication du mois de mars. La sole canadienne pourrait dépasser 22 millions d’acres, soit sur des niveaux proches de la précédente campagne. Les conditions de culture présentent un tout autre visage que sur cette dernière et les perspectives de production sont pour le moment optimistes du côté des producteurs.

Des surfaces de soja sous surveillance aux États-Unis

Après plusieurs semaines de baisse sur le complexe soja aux États-Unis, bien que l’huile soit davantage préservée en raison de la bonne activité de trituration en mai, l’intérêt acheteur se redynamise. C’est notamment le cas avec une vente exceptionnelle de 120 000 t de graines de soja US cette semaine vers une destination inconnue. Pourtant, les opérateurs financiers intègrent pour l’instant les bonnes conditions de culture sur la Soy Belt américaine. À 67 % de « bons à excellents », contre 51 % un an plus tôt, les cultures de soja conservent un bon potentiel, bien que ces résultats ne laissent pas encore présager du rendement final, la période de risques climatiques étant encore longue.

Outre cette question, les regards se porteront sur le rapport trimestriel de l’USDA, attendu ce vendredi 28 juin. Si l’office US devrait confirmer des stocks au 1er juin confortables, les ajustements des estimations de surfaces seront à suivre. Les opérateurs tablent sur une légère hausse des surfaces semées cette année à 86,8 Macres, contre 86,5 Macres précédemment estimées. Dans le même temps, la récolte argentine se termine, à l’heure où la production est toujours projetée à près de 50 Mt par la Bourse de Buenos Aires. Les grèves continuent d’agiter l’actualité localement, une partie des travailleurs au sein des sites de trituration protestant contre une proposition de réforme sur le marché du travail.

Du côté de l’Europe, la baisse de la parité euro/dollar autour de 1,07, sur fond d’incertitudes politiques, limite le potentiel de baisse des cours, à l’heure où les tourteaux de soja ont repris 4 €/t sur la semaine, à 454 €/t en spot délivré Montoir.

À suivre : début des récoltes en France : rendements décevants sur les orges ; début de moisson en mer Noire : rendements et qualités du blé russe à surveiller ; pression récolte américaine avec le début de la récolte de US Winter wheat qui avance rapidement ; rapport de l'USDA de ce soir ; inondations et pluies dans la Corn Belt ; conditions des cultures canadiennes ; retour des pluies en France, nouvelle pression maladie pour les blés ; record de trituration en Amérique et en Europe ; évolution de l’euro par rapport au dollar.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.