Lourdeur de fin de campagne pour le blé

Sur le marché du blé, le commerce international reste le facteur d’influence majeur. Il pousse la concurrence à s’intensifier entre les grands exportateurs et tire les prix vers le bas. Le blé rendu Rouen fini ainsi la semaine à 188,25 €/t, en baisse de 6,75 €/t sur la semaine et au plus bas niveau depuis août 2020. Ce mouvement de repli est majoritairement lié à la compétition à l’exportation entre les blés européens et les blés mer Noire.

Les opérateurs russes, ukrainiens et européens ont encore beaucoup de disponibilités à exporter avant la prochaine récolte et l’activité s’accélère dans les ports. Les prix du blé russe continuent de se replier, revenant désormais en dessous de 210 $/t FOB. En février, la Russie a exporté 3,8 millions de tonnes de blé soit plus que les trois derniers mois. Ce niveau reste toutefois en baisse par rapport au niveau de l’été dernier, avec plus de 5 millions de tonnes de blé chargé mensuellement.

Du côté de l’Hexagone, le blé rattrape une partie de son retard à l’exportation en février avec plus d’un million de tonnes sortant du pays pour le troisième mois consécutif. Les acheteurs chinois, marocains et algériens se sont tournés vers l’origine française pour remplir une partie de leurs carnets de commandes, mais cette dynamique devra se maintenir d’ici à la fin de la campagne.

Dans le même temps, à l’échelle locale, la consommation de blé en alimentation animale ralentit fortement. Le rationnement de la demande et la forte concurrence des autres céréales fourragères en sont les principales raisons, avec seulement 311 000 tonnes de blé consommées en janvier, contre 366 000 tonnes en moyenne à cette période de l’année.

Tous les regards se tournent désormais vers la nouvelle campagne qui affiche pour le moment de très bons potentiels de production en Russie et aux États-Unis. Cela permet de nuancer les inquiétudes sur la récolte d’Europe occidentale. En effet, les pluies se poursuivent et les prévisions ne laissent pas entrevoir de réelles éclaircies. D’ailleurs, FranceAgriMer a encore abaissé ses chiffres de conditions de culture avec 68 % de surfaces en bonnes ou excellentes conditions contre 69 % la semaine passée et 95 % l’an dernier à date.

L’activité de l’orge se dynamise

Après plusieurs semaines d’inactivité, le marché de l’orge fourragère se dynamise et s’affiche en baisse de 4 €/t à 172 €/t en base juillet rendu Rouen.

Les festivités du nouvel an chinois se terminent et les acheteurs reviennent progressivement sur le complexe fourrager. Si leur attention est portée sur le maïs ukrainien, la Chine aurait contractualisé un million de tonnes d’orges fourragères sur les dix derniers jours. L’origine de ce volume reste optionnelle jusqu’à la livraison et il sera intéressant de voir si l’orge française arrive à se positionner face aux origines australienne et argentine.

Quoi qu’il en soit, la concurrence restera rude dans les prochains mois et l’activité à l’exportation sera déterminante pour l’évaluation des stocks de report. De plus, à l’échelle locale, la consommation d’orge en alimentation animale est également ralentie. Entre le rationnement de la demande et les bonnes disponibilités fourragères, seulement 77 000 tonnes d’orge ont été utilisées en janvier, contre 102 000 tonnes en moyenne quinquennale à cette date.

Enfin, l’attention se concentre de plus en plus vers la nouvelle campagne. L’excès de pluie perturbe le développement des orges d’hiver et retarde les semis des variétés de printemps. Les conditions de culture de l’orge d’hiver s’affichent à 70 % de bon à excellent, loin des 93 % de l’an passé à cette date. Du côté de l’orge de printemps, les pluies des dernières semaines ne permettent pas d’accélérer les semis et 27 % des surfaces sont emblavées, contre 90 % l’an passé à date et 54 % en moyenne sur 5 ans. S’il n’y a pas de corrélation entre la progression des semis et le rendement final, les conditions climatiques seront à suivre dans les prochaines semaines.

Des disponibilités confortables de colza dans l’immédiat

Les prix de la graine de colza poursuivent leur repli, chutant de 4 €/t sur la semaine à 410 €/t FOB Moselle. À court terme, la lourdeur du bilan européen empêche tout retournement de situation. En effet, près de 1,75 million de tonnes de colza ont été triturées sur le mois de janvier selon la Fediol, l’association des triturateurs européens, un record depuis août 2022.

D’un côté, ce chiffre conforte l’idée d’une production décente sur le Vieux continent, confirmée à 19,8 millions de tonnes par la Commission européenne pour cette année. De l’autre, les importations ont permis de maintenir cette cadence de trituration, bien que celles-ci ralentissent. Pour la troisième semaine consécutive, les importations de colza au sein de l’Union européenne sont inférieures à la moyenne des cinq dernières années.

Sur la première partie de campagne, l’Ukraine a été la principale source d’approvisionnement de l’Union européenne. Pour autant, si son disponible exportable n’est pas encore épuisé, avec près de 400 000 tonnes chargées en janvier et 190 000 tonnes à la mi-février, il faudra se tourner vers d’autres origines pour maintenir le bon approvisionnement des industriels européens.

Quand les prix du canola au Canada continuent de gagner en compétitivité, les flux en provenance d’Australie sont toujours ralentis par les tensions en mer Rouge, dans l’attente d’un éventuel cessez-le-feu. Ces perturbations se répercutent aussi sur le marché de l’huile de palme. La baisse de production saisonnière en Asie du Sud-Est, cumulée au possible retour des achats chinois après la période creuse du Nouvel An, contribuent à la fermeté de ce marché.

Ainsi soutenue par l’huile de palme, l’huile de colza à Rotterdam gagne 10 €/t à 870 €/t. Toutefois, à plus long terme, les potentiels de production en Ukraine et en Europe sont suffisants pour ne pas inverser la tendance baissière des cours.

Nouvelle baisse marquée des tourteaux de soja

Cette semaine, les prix des tourteaux de soja se replient une fois de plus, cédant 24 €/t sur la semaine en tombant à 445 €/t en spot délivré Montoir, soit le plus bas niveau depuis décembre 2021. En Argentine, les conditions de culture restent correctes, 30 % des surfaces sont en bonnes ou excellentes conditions, soit seulement un point de moins que la semaine passée.

Dans ce contexte, la Bourse de Buenos Aires maintient son estimation de production à 52.5 millions de tonnes, un retour en force après les 25 millions de tonnes de l’an passé. Cela ajouterait de la lourdeur au marché de la protéine puisque l’Argentine représente près d’un tiers des échanges de tourteaux mondiaux.

Dans le même temps, la pression de la récolte brésilienne se fait ressentir, celle-ci progressant plus rapidement qu’attendu : 76 % des surfaces ont été récoltées dans le Mato Grosso, contre 72 % en moyenne quinquennale à cette date. L’arrivée de ces volumes brésiliens vient menacer les exportations américaines, d’autant plus avec un écart de plus de 50 $/t en base FOB entre les deux origines.

C’est ainsi que les États-Unis ne parviennent pas à tirer leur épingle du jeu, à l’heure où la demande internationale reste peu dynamique. Les ventes export américaines hebdomadaires ressortent à seulement 160 000 tonnes cette semaine, dans la fourchette basse des attentes, et sous le rythme quinquennal pour la sixième semaine consécutive.

À suivre : compétitivité et rythme des exportations en mer Noire, conditions de culture des céréales d’hiver en Europe de l’Ouest, premières alertes de sécheresse en Russie (blé) et au Brésil (maïs), retour progressif de la demande chinoise, assolement maïs/soja aux États-Unis, importations européennes de colza, fermeté de l’huile de palme.

(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.