En France, les surfaces de grandes cultures conduites en bio ont connu une croissance forte et relativement continue jusqu’en 2022, pour atteindre plus de 780 000 ha. Près de 10 000 exploitations sont spécialisées dans cette production. Depuis deux ans, les conversions ont cependant nettement ralenti, après la forte vague entre 2015 et 2021. « En 2022, il y a eu autant de nouveaux convertis que d’exploitations biologiques qui ont arrêté », indique Bruno Barrier-Guillot, directeur des études d'Intercéréales, le 7 novembre 2023.

La même dynamique a été observée sur les huit premiers mois de l’année 2023. « Il y aura certainement plus d’arrêts que de nouveaux, et donc des surfaces en baisse, anticipe le spécialiste. Mais il reste encore des surfaces en conversion, et donc des volumes supplémentaires qui peuvent arriver sur le marché demain. »

La collecte de graines bio (céréales et oléoprotéagineux) a été multipliée par trois en cinq ans, avec des variations annuelles liées aux fluctuations des rendements. Le million de tonnes de grandes cultures bio collectées a été atteint à la récolte de 2021. La collecte est attendue encore plus importante pour la campagne de commercialisation de 2023-2024, du fait de bons rendements. « Il y a trop de marchandises dans les silos, alerte Bruno Barrier-Guillot. Une part significative va être déclassée en conventionnel, qui pourrait atteindre 100 000 tonnes. Ce volume concernera surtout les céréales. »

Stocks historiques

Depuis 2021, la France est autosuffisante en blé tendre bio et est même devenue exportatrice. La gestion des stocks est un enjeu majeur. « Malgré les prévisions de déclassement de blé tendre d’environ 60 000 tonnes, les stocks sont encore à des niveaux historiques », constate Bruno Barrier-Guillot.

L’alimentation animale représente le premier débouché des grandes cultures bio, et en particulier les volailles. Après une période de progression (+80 % en cinq ans), la demande en alimentation animale est en recul de 18 % à 20 % sur les deux dernières campagnes (2022-2023 et 2023-2024). « C’est un retour en arrière de quatre ou cinq années en termes de volumes utilisés », commente le spécialiste. Même constat pour la demande en blé bio pour la meunerie qui, après une hausse de 70 % en cinq ans, a reculé de 10 % entre 2021-2022 et 2022-2023, et la tendance est attendue similaire en 2023-2024.

« Il est très compliqué de donner des perspectives vu la situation des marchés aujourd’hui, ajoute Bruno Barrier-Guillot. Le contexte international a modifié les échanges, et l’inflation alimentaire la consommation des produits bio. Après de fortes années de croissance, les marchés ont d’abord été au ralenti, et puis ont amorcé une décroissance. Les déclassements sont nécessaires pour assainir le marché. On pense qu’il y a une carte à jouer à l’exportation, chez nos voisins européens. »