En quantité comme en qualité, la moisson de blé tendre française de 2023 permettra de répondre à la demande, assurait le 24 août 2023 Alexandre Marie, chef analyste à Agritel, à la conférence de presse annuelle du cabinet. Ce dernier table pour la campagne de 2023-2024 sur un disponible exportable à 17 millions de tonnes, légèrement supérieur aux exportations de la campagne précédente. Un niveau « tout à fait convenable » malgré une récolte dans la moyenne, soutenu par une demande domestique en repli tendanciel.
Reconquérir les marchés
« Vers l’Union européenne, le débouché potentiel est estimé à 7,5 millions de tonnes en 2023-2024 », détaillait Alexandre Marie. Des flux soutenus par la demande de la péninsule Ibérique, dont la production est grandement amputée par les aléas climatiques, mais réduits par l’abondance de grains ukrainiens sur le marché européen. Bien que modérées, les ventes vers le nord de l’Union européenne progresseraient légèrement sur un an : les excès d’eau en fin de récoltes y ont conduit à des taux élevés de déclassement. « Le blé français a donc un atout intéressant à valoriser : sa part de blé meunier reste tout à fait cohérente et pourra trouver sa place sur ces marchés », analysait l’expert. La concurrence sera en revanche plus forte sur les blés fourragers. L’Ukraine compte notamment près de 65 % de déclassement du fait d’économies réalisées sur l’azote.
« Vers les pays tiers, la France devrait exporter 9,5 millions de tonnes, mais elle est davantage concurrencée sur ses marchés historiques du Maghreb par l’origine mer Noire, face à laquelle le blé français devra rester compétitif tout au long de la campagne », poursuivait Alexandre Marie. À la fin d'août, l’écart de prix entre les origines russe et française s’était réduit. L’Hexagone pourrait également couvrir une partie de la demande chinoise en blé meunier, puisqu’une part importante de sa production a elle aussi été déclassée pour cause d’aléas climatiques.

« La domination russe doit et va durer »
Avec une récolte de 2023 « plus que correcte » qui s’ajoute au stock restant de la campagne précédente, la Russie pourrait réaliser un nouveau record d’exportations à 49 millions de tonnes, contre 48,1 en 2022-2023. Le pays a, depuis quelques années, réussi à faire sa place sur le marché, assurant une régularité dans sa production, tant en quantité qu’en qualité. Une domination qui devrait donc durer, mais rester nécessaire à l’équilibre mondial aujourd’hui « précaire », soulignait Alexandre Marie.
En effet, la tension géopolitique qui perdure en mer Noire, où se concentrent près de 40 % des échanges mondiaux de blé, s’ajoute aux aléas climatiques en l’Amérique du Nord et de l’hémisphère Sud. Les productions y seront probablement réduites. « Selon nos estimations, les huit principaux exportateurs voient leur production réduite à 374,7 millions de tonnes pour 2023-2024, soit une baisse de 23 millions par rapport à l’an dernier, ce qui ne laisse pas de marge de manœuvre en cas de nouvelles contraintes climatiques ou géopolitiques qui affecteraient les exportations, ajoutait-il. À court terme, le marché mondial du blé est bien approvisionné, mais les stocks tendus chez les grands exportateurs vont réduire les disponibilités de la seconde partie de campagne. » Un marché du blé qui reste donc fragile, mais modéré par l’abondance de maïs.