La moisson 2023 a comme un arrière-goût de déception. « On espérait une récolte fantastique, résume un opérateur gersois. Ce n’était pas beau, c’était magnifique. Mais ça s’est mal fini ». Un peu partout, les rendements ne sont pas à la hauteur des potentiels attendus. La météo, globalement favorable au printemps, a permis des pousses régulières. Mais la fin de cycle séchante a précipité la maturité des céréales. « C’était le yoyo, appuie un agent dans le Berry. Les stades avaient quinze jours d’avance en février, puis ont ralenti à l’épiaison des orges. Au final, on moissonne plus tôt que d’habitude avec la sécheresse de juin. »

C’est une « campagne bizarre », qualifie un autre dans la Somme. Son secteur a connu de l’eau au printemps, puis du sec, avant de se retrouver sous les pluies en juillet. Dans de nombreuses régions, les averses ont ralenti les chantiers. « Il n’y a pas d’embouteillage au silo ! », constatait mi-juillet un opérateur en Île-de-France. Si les pluies ont parfois légèrement pénalisé la qualité, plus au nord, en bordure maritime notamment où de nombreuses parcelles sont encore debout, l’inquiétude est palpable.

Résultats satisfaisants en blés

Bien que décevants, les rendements des blés tendres restent corrects. Ils se classent dans la moyenne quinquennale, à quelques exceptions près, comme dans le quart sud-est où la sécheresse au printemps les a limités. Dans le Pas-de-Calais, les parcelles récoltées avant la pluie présentent un rendement « plus que correct », à 92 q/ha, estime un opérateur sur place. En Champagne, la moyenne est plutôt bonne « mais cache une grande disparité, de 75 q/ha à 120 q/ha, selon le type de sol et la date de semis », rapporte une coopérative locale.

Les taux de protéines sont parfois irréguliers par effet de dilution dans les blés à fort rendement.

Cette campagne est marquée par une forte hétérogénéité. « La sécheresse de la fin de printemps a mis en évidence les différences de sol », ajoute un opérateur lorrain. Les terres avec une meilleure rétention en eau s’en sortent mieux que les sols superficiels. En Île-de-France comme en Picardie, les blés de blés ont décroché. « Les zones profondes et les rotations plus longues se tiennent. L’agronomie joue cette année », estime un agent en Pays de la Loire. Dans plusieurs régions, une pression septoriose supérieure aux dernières années a été constatée.

Une qualité satisfaisante

La qualité est globalement satisfaisante. Les taux de protéines sont parfois irréguliers, en Alsace par exemple, par effet de dilution dans les blés à fort rendement. En Pays de la Loire, la protéine est « un peu juste », par la dilution mais aussi la fertilisation. « L’agriculteur a parfois sous-estimé la dose par rapport au potentiel réel, ou bien a fait des économies d’azote compte tenu des prix », indique un opérateur du secteur. Plus au sud, la sécheresse a donné des petits grains et des poids spécifiques (PS) plus faibles, à 70 kg/hl en moyenne par exemple dans le Gers. De l’échaudage a également entraîné une perte de qualité en Lorraine ou dans le Limousin, où 25 % des blés seront déclassés en fourragers.

En Bretagne, où il restait 40 % du blé à récolter, on craignait le risque de germination.

La pluie a par ailleurs entraîné quelques baisses de PS, mais ce sont surtout les parcelles restantes sur la façade maritime au nord qui inquiètent. Fin juillet en Île-de-France, il restait « deux à trois jours de moisson » mais les pluies ont stoppé les chantiers. « On n’a pas le moral », déplore un opérateur. En Seine-Maritime, la récolte n’avait même pas encore commencé pour certains. En Bretagne, où il restait 40 % du blé à récolter, on craignait le risque de germination. Même anxiété dans les Hauts-de-France.

Les blés durs sont « mauvais » en qualité et quantité en Paca, avec environ 30 % de mitadinage. Les rendements sont moyens avec des PS bas en Midi-Pyrénées et Poitou Charentes à cause de la sécheresse, mais plutôt bons en Pays de la Loire, avec une qualité au rendez-vous. Dans le quart Sud-est, le mauvais coefficient d’utilisation de l’azote en lien avec la sécheresse, et les cours élevés des engrais ont donné une faiblesse en protéines.

Bonne année en orge d’hiver

« Très correcte », « supérieure à la moyenne », « mieux qu’attendue »… La récolte de l’orge d’hiver est en majorité satisfaisante. En région Centre, « c’est la bonne surprise de l’année » avec des records, sauf dans le Berry où le nombre de talles important ne s’est pas reflété dans le rendement. Même constat en Lorraine. Plusieurs régions rapportent un rendement en paille exceptionnel. Si la qualité est plutôt au rendez-vous, des PS bas sont rapportés plus au sud.

Le bilan est plus mitigé en orge de printemps. C’est la « mauvaise surprise » en région Centre, tant sur le rendement que le calibrage, en lien avec un mauvais enracinement. En Bourgogne, celles semées en automne ont un bon rendement mais un calibrage faible, à l’inverse de celles semées au printemps. En Poitou-Charentes, les semis les plus tardifs ont souffert de la sécheresse de fin mai. La récolte est très satisfaisante dans le Pas de Calais, et correcte en Picardie.

Mauvaise récolte en colza

La déception est générale en colza, malgré une belle végétation. Fraîcheur et manque de lumière à la floraison, sécheresse au remplissage, maladies, insectes… Plusieurs facteurs sont avancés pour expliquer les rendements en berne et les faibles PMG. « Tous les malheurs se sont abattus sur le colza », résume un opérateur en Vendée. Le Limousin se dénote avec un rendement correct à plus de 40 q/ha en moyenne.

En Pays de la Loire, les rotations avec un retour du colza tous les deux ou trois ans décrochent. En Bretagne, sur les parcelles récoltées avant la pluie, la performance est également meilleure sur les rotations plus longues. Il restait 20 % de colza à moissonner fin juillet dans la région, mais la récolte s’annonçait compliquée, des coups de vents entraînant de l’égrainage et des casses de tiges.