Le temps sec dans le nord de l’Union européenne et en Amérique du Nord fait grimper les prix des céréales et des oléagineux. Les cultures de printemps sont les plus exposées au manque d’eau sont l’orge de printemps en Europe et le soja aux États-Unis. L’état des cultures d’hiver se dégrade aussi. Par ailleurs, la forte tension entre la Russie et l’Ukraine entraîne un rebond d’intérêt des importateurs pour les céréales françaises.
Reprise des prix du blé
Ce vendredi, l’agence FranceAgriMer a de nouveau revu en baisse de 88 % à 85 % la notation des blés considérés dans un état bon à très bon. Des cas de mauvais remplissage des grains sont signalés, mais les potentiels de rendement étaient jusque-là si excellents que l’impact ne pourrait être que limité, excepté peut-être dans les parcelles les moins avancées.
Des précipitations sont attendues dans les prochains jours et pourraient offrir un répit aux blés. Le blé rendu Rouen a tout de même gagné 3 €/t cette semaine, à 230 €/t. En dollars, le blé Fob Rouen a même pris 8 $/t et s’élève à 258 $/t. Le dollar s’est de nouveau renchéri face à l’euro après avoir cédé du terrain ces dernières semaines. L’origine française est ainsi celle qui progresse le plus cette semaine, puisque le blé russe est resté stable (à 232,5 $/t) et que le blé ukrainien a perdu 10 $/t.
La contre-offensive ukrainienne a provoqué une recrudescence des tensions en mer Noire et l’avenir du corridor n’a jamais été aussi incertain. Vladimir Poutine a annoncé mardi dernier qu’il songeait à se retirer de l’accord, considérant comme insuffisantes les facilités d’exportation de fertilisants faites à la Russie. En tout état de cause, le corridor fonctionne mal depuis plusieurs semaines. Les autorités ukrainiennes reprochent aux Russes d’entraver les inspections de bateaux à Istanbul.
Le blé en Ukraine a réagi en conséquence, en gagnant encore plus en attractivité. Au contraire, les blés français se sont renchéris et de manière significative. La dégradation des conditions culturales dans le nord de l’Union européenne (Scandinavie et Pays baltes) participe également à la reprise des prix, tout comme le temps toujours sec et chaud en Amérique du Nord (des pluies sont tout de même prévues dans les prochains jours au Canada et aux USA sur les zones de production du blé).
Les récoltes sont révisées en baisse au fil des semaines dans ces régions du monde. De plus, le ministère australien de l’Agriculture a annoncé une prévision de production de blé tendre en recul de 34 % par rapport à la récolte de 2022. Cette baisse reflète les craintes engendrées par le phénomène climatique El Niño, responsable de sévères sécheresses en Australie.
Les prix des orges sont à la hausse, surtout en orge de printemps brassicole
Le cours de l’orge fourragère rendu Rouen a progressé au cours de la semaine, gagnant 4 €/t, à 218 €/t (échéance de juillet/septembre). Ce renchérissement s’inscrit dans la continuité de la hausse progressive observée depuis le début du mois. Elle est la conséquence d’une détérioration des conditions de croissance pour les céréales dans plusieurs parties du monde.
Les conditions sèches dans la moitié nord de l’Europe suscitent des craintes de pertes de rendement en orge de printemps. En France, la récolte a débuté pour l’orge d’hiver et les rendements devraient être bons. Du côté de l'orge de printemps en revanche, FranceAgriMer a abaissé de 89 à 83 % sa notation hebdomadaire d’orges considérées en bonnes et très bonnes conditions. Cette proportion reste néanmoins bien supérieure à celle de l’an dernier (54 %).
Au Canada, les implantations restent fragiles malgré le retour des pluies. En effet, les fortes températures sont un frein à une augmentation significative et durable de l’humidité des sols. Dans le centre de la Russie, ainsi qu’au Kazakhstan, les conditions d’implantation des orges de printemps ont jusqu’à présent été compromises par le manque de pluie.
À cela s’ajoutent les craintes relatives à la production australienne de l’hiver prochain en raison de la mise en place du phénomène climatique El Niño. De leur côté, les orges russes se stabilisent à 230 $/t Fob. Les orges françaises augmentent nettement en revanche, à 244 $/t Fob (+8,5 $/t en une semaine), à cause de la parité euro/dollar. L’origine russe continue de s’exporter avec plus de 460 000 tonnes en mai (contre 141 000 tonnes en mai 2022), tandis que l’Australie a exporté 594 000 tonnes en avril. Ces volumes auraient pu être plus élevés au regard des disponibilités dans ces pays et témoignent d’une demande mondiale morose.
Sur le segment brassicole, pour la récolte de 2023, les orges brassicoles d’hiver montent de 6 €/t, à 248 €/t Fob Creil. Les orges de printemps augmentent beaucoup plus (+23 €/t), à 295 €/t Fob Creil.
Le colza rebondit
La sécheresse qui touche les principales zones de production du soja aux États-Unis a fait grimper les prix de la fève à Chicago (+24 $/t sur la cotation de juillet cette semaine). Ils ont entraîné dans leur sillage les cours du canola au Canada et du colza en France. Ainsi, le colza rendu Rouen rebondit à 440,5 €/t (+17,5 €/t en une semaine), et le colza Fob Moselle à 445 €/t (+19 €/t) au 16 juin.
Dans la journée du 16 juin 2023, les prix sur Euronext continuaient à flamber (+14 à 16 €/t en milieu d’après-midi pour les contrats de la campagne de 2023-2024). En effet, dans la Soybelt, les précipitations sont inférieures à la normale depuis plusieurs mois, et cela devrait se prolonger sur les deux prochaines semaines.
Au 12 juin, les champs de soja jugés comme « bons à excellents » représentaient 59 % de la surface cultivée aux USA, soit trois points de moins par rapport à la semaine précédente, et ces chiffres devraient encore se dégrader dans le prochain rapport de l’USDA qui sera publié lundi.
Au Canada, la situation est un peu moins mauvaise pour les canolas. Le sec commence néanmoins à stresser les plantes dans quelques zones du Saskatchewan, de l’Alberta et du Manitoba, mais l’état des cultures est pour le moment globalement satisfaisant. Les champs de canola au Saskatchewan étaient notamment jugés comme « bons à excellents » sur 77 % de la surface au 12 juin.
Plus près de chez nous, les champs de colza souffrent du manque d’eau dans le nord de l’Europe. Que ce soit dans les États baltes, en Scandinavie ou dans le nord de la Pologne, la sécheresse s’est installée depuis plusieurs semaines. Son effet sur les rendements potentiels est aujourd’hui déjà acté. Cela a aussi contribué à soutenir les prix du colza en France.
Par ailleurs, en Indonésie et en Malaisie, le manque d’eau semble commencer à avoir un impact sur les rendements des palmiers, plus sévèrement dans les plantations malaisiennes. En effet, les pluies cumulées depuis le début d'avril sont nettement inférieures à la normale sur une partie de ces territoires. Cela a entraîné à la hausse le cours de l’huile de palme. Celui de l’huile de colza a également nettement progressé (+70 €/t en une semaine) et il est désormais coté à 900 €/t Fob Rotterdam.
Le tourteau plonge
À contre-courant du reste des prix du complexe oléagineux, et malgré le rebond des prix du soja à Chicago, le prix du tourteau de soja recule encore, et s’effondre de presque 30 €/t à Montoir cette semaine. Il s’établit à 457 €/t, son niveau le plus bas depuis la fin de décembre 2021.
La faible demande animale en France, affectée par un cheptel porcin en déclin, et par des populations de volailles nettement réduites par la grippe aviaire, pèse sur les prix. Par ailleurs, la production de tourteaux de soja rebondit légèrement, grâce à l’amélioration des marges de trituration du soja enregistrée au début du printemps.
Cela avait conduit les triturateurs à repositionner le soja dans leurs usines sur la fin de campagne de 2022-2023. Cependant, la demande est inférieure à l’offre, d’autant plus que le tourteau de soja n’est pas attractif dans les rations animales, avec une forte concurrence des céréales, des tourteaux concurrents, et du pois fourrager.
Les exportations de tourteaux de soja du Brésil sont par ailleurs très dynamiques, avec des envois qui sont passés de 1,7 million de tonnes (Mt) en avril, à 2,3 millions de tonnes en mai, et qui pourraient grimper à 2,5 millions de tonnes en juin (selon les prévisions de l’ANEC, l’Association nationale des exportateurs de céréales du Brésil). Les disponibilités brésiliennes permettent un approvisionnement confortable du marché mondial, ce qui pèse aussi sur les prix européens.
A suivre : renouvellement ou non du corridor maritime en Ukraine, conditions climatiques en Europe, Amérique du Nord, Australie et Asie du Sud-Est (céréales, soja, canola, huile de palme), avancée des récoltes de céréales en Europe, prix du pétrole, contexte économique mondial.