Le temps sec en Amérique du Nord et dans les zones de production de céréales et de colza baltes et scandinaves a entraîné les prix vers le haut cette semaine. Tout comme la hausse des tensions en mer Noire, telle que la destruction du barrage de Kakhovka, et la prolongation de l’interdiction d’importer des céréales ukrainiennes dans les pays de l’est de l’Union européenne.

Les prix du blé rebondissent

Mettant fin temporairement à une tendance de baisse de plusieurs mois, les blés français se sont renchéris sur la semaine. Le blé meunier rendu Rouen a gagné 12,5 €/t, à 227 €/t (échéance juillet/septembre). Le blé rendu La Pallice augmente du même montant, à 230 €/t. Le marché réagit principalement à l’actualité météorologique et à ses impacts sur les récoltes à venir.

En Espagne, la récolte de blé est toujours attendue à un niveau catastrophique tandis que la sécheresse commence à affecter les potentiels de rendements en Europe du Nord et plus particulièrement en Scandinavie et dans les États baltes.

La situation est moins inquiétante en France pour le blé même si FranceAgriMer a diminué sa notation des cultures. La proportion de blé dans de bonnes et très bonnes conditions est passée de 90 à 88 %.

Dans le même temps, des rendements décevants sont toujours attendus pour les blés d’hiver aux États-Unis alors que la récolte commence.

Côté blés de printemps, la situation s’annonce difficile en Russie et au Kazakhstan. Les semis sont bien avancés mais le temps a été très sec et chaud, laissant craindre des problèmes de levée. La situation reste également difficile au Canada même si des pluies sont revenues dans certaines zones. Le ravivement des tensions en Ukraine, autour du corridor maritime et de la destruction du barrage de Kakhovka soutient également les prix du blé. La Commission européenne a par ailleurs prolongé jusqu’au 15 septembre l’interdiction des importations en provenance d’Ukraine dans les pays de l’est de l’Union européenne (Pologne, Slovaquie, Hongrie, Roumanie et Bulgarie).

Les prix montent alors même que l’actualité sur la demande n’est pas haussière. En effet, la zone Euro est officiellement entrée en récession avec le recul du PIB sur deux trimestres consécutifs, de -0,1 % d'octobre à décembre 2022 et à nouveau de -0,1 % entre janvier et mars 2023, d’après les données publiées le jeudi 8 juin par Eurostat.

Les prix des maïs français grimpent aussi

Après plusieurs semaines de baisse, le maïs Fob Bordeaux a gagné 12,5 €/t en une semaine pour atteindre 218 €/t (échéance juillet/septembre). Le maïs Fob Rhin gagne quant à lui 16 €/t, à 225 €/t.

Les conditions d’implantation des maïs sont particulièrement sèches aux États-Unis. Les semis sont avancés à 96 % et seulement 64 % des champs sont jugés comme étant dans de bonnes ou de très bonnes conditions selon l’USDA (contre 73 % à la même période l’an dernier). Il faut y voir l’impact de conditions sèches depuis le début des semis. Des pluies étaient prévues ces jours-ci mais elles ne devraient concerner que la moitié ouest de la « Corn Belt ». Le maïs américain Fob Gulf a ainsi gagné 6 $/t en une semaine, à 263 $/t.

Les prix du maïs trouvent aussi du soutien du côté du blé et du regain de tension en Ukraine. Le fonctionnement du corridor maritime n’est pas au beau fixe. Les inspections de bateaux sont souvent ralenties par les Russes au niveau du détroit du Bosphore. La prolongation jusqu’au 15 septembre de l’interdiction d’importations de céréales ukrainiennes dans les pays de l’est de l’Union européenne soutient également les prix des maïs européens. En effet, ce point peut susciter des inquiétudes dans l’ouest de l’Union européenne qui est très dépendante des maïs ukrainiens pour ses importations.

Les prix du maïs sont en revanche sous pression en Amérique du Sud. Les maïs brésiliens ont en effet perdu 8 $/t en une semaine, pour atteindre 231 $/t Fob. La pression de la récolte safrinha fait son office au Brésil. En effet, celle-ci a débuté et le niveau attendu s’annonce très bon. Pour la campagne 2022-2023, le Brésil pourrait récolter le niveau record de 125 à 130 millions de tonnes de maïs (pour l’ensemble de ses trois récoltes annuelles). Le pays pourrait connaître des difficultés de stockage dans les semaines à venir puisque toute la récolte de soja n’a pas encore été expédiée.

Rebond du prix du colza cette semaine

Entre le 1er et le 8 juin, le colza a augmenté de 21 €/t sur Euronext (échéance août), et il continuait de grimper à la mi-journée ce vendredi 9 juin 2023. Sur le marché physique le prix a suivi le même mouvement, en augmentant de 25 €/t à 423 €/t à Rouen, et de 26 €/t à 426 €/t en Fob Moselle. Les cours du colza ont été soutenus d’une part par le rebond des prix du pétrole, et d’autre part par l’annonce d’une baisse de la production de canola en Australie en 2023-2024. Le marché a également réagi à la destruction du barrage hydroélectrique de Kakhovka dans le sud de l’Ukraine. Le système d’irrigation de la zone, qui servait à irriguer les cultures céréalières et oléagineuses, est endommagé, ce qui réduit les perspectives de production dans cette région.

Le prix américain de l’or noir (en qualité WTI) a augmenté de 1,7 % sur la semaine. La principale raison de la hausse des prix du pétrole est l’annonce de l’Arabie saoudite (poids lourd de l’OPEP) de réduire la production de pétrole d’un million de barils par jour dès cet été.

En parallèle, Abares (le bureau australien de l’Agriculture) a publié ses premières estimations de production pour la prochaine campagne. Il prévoit une réduction de 11 % de la superficie de canola pour la campagne 2023-2024. Abares prévoit une production de colza à 4,9 millions de tonnes (Mt) en 2023-2024, soit en baisse de 41 % par rapport à la campagne précédente. Le Bureau s’inquiète de l’effet d’El Niño sur le climat australien. Néanmoins, pour l’instant les pluies sont proches voire supérieures à la normale dans les zones de production de canola depuis la mi-avril, ce qui a assuré un bon démarrage du cycle des cultures.

De l’autre côté de l’Atlantique, au Canada, les préoccupations concernant le déficit hydrique pour les semis de canola ont également contribué à faire grimper les prix européens du colza cette semaine. Bien que des pluies aient été enregistrées à la fin de cette semaine dans le Saskatchewan, ces dernières ont été insuffisantes pour résoudre le déficit hydrique. Le temps est également très sec dans le nord de l’Europe, et met en péril le rendement des colzas d’hiver mais aussi des colzas de printemps, récemment semés (Pologne, États Baltes, Scandinavie).

Enfin, la Commission Européenne a décidé de prolonger l’interdiction d’importer des produits agricoles ukrainiens (blé, maïs, colza et tournesol) jusqu’au 15 septembre dans cinq pays européens frontaliers de l’Ukraine. Cette mesure a également soutenu le prix du colza, étant donné que les achats de l’Union européenne au départ de l’Ukraine pourraient être réduits au début de la campagne 2023-2024. Toutefois, le transit reste autorisé. Cette mesure ne devrait soutenir les prix européens que temporairement. Les prix ukrainiens devraient en effet rapidement réagir et gagner en attractivité vers les autres pays de l’Union européenne et les pays d’Asie.

Le tourteau de soja est en hausse sur la semaine

Cette semaine le cours du tourteau de soja sur le marché de Chicago a progressé de 7 $/t à 445 $/t sur le contrat de juillet. En effet, les conditions climatiques sèches dans le Midwest américain font monter les inquiétudes pour perspectives de production de soja aux États-Unis. D’autre part, les premières notations de l’état des cultures de soja aux États-Unis s’affichent sous les attentes du marché, à 62 % de champs dans un état « bon à excellent » seulement. Contre 70 % en début de cycle en 2022 en raison d’une météo moins favorable. Le temps sec a permis une avancée très rapide des semis, qui étaient quasiment terminés au 6 juin (91 % des surfaces ont été semées, contre 83 % l’an dernier à la même période).

En Argentine, la récolte de soja est quasiment finie également, avec 94 % des surfaces récoltées, et une récolte qui se confirme au très faible niveau de 21 Mt (selon la Bourse de Buenos Aires). Elle est en baisse de 50 % par rapport à l’an dernier, à cause de la sécheresse historique qui a touché le pays pendant tout le cycle de culture.

Dans l’Union européenne, le prix de la protéine de soja a suivi le mouvement de son homologue américain. Il augmente de 10 €/t sur la semaine à 485 €/t, départ Montoir.

À suivre : conditions climatiques en Europe et en Amérique du Nord (céréales et oléagineux), propagation de la grippe aviaire (UE et Amérique du Sud), conflit militaire en Ukraine, croissance chinoise et européenne, prix du pétrole.