Les prix des céréales continuent de se contracter sous l’influence de stocks importants en Europe et dans la zone de la mer Noire (notamment en blé) et de bonnes perspectives de récolte. Outre Atlantique, les conditions s’améliorent, notamment en Argentine, mais restent à surveiller en Amérique du Nord. La demande mondiale reste modérée, malgré un regain d’intérêt pour la graine de colza en Europe.
Les prix du blé français s’effritent
Cette semaine, le blé rendu Rouen a perdu 2,5 €/t, à 209,5 €/t sur l’ancienne campagne, mais a gagné 1 €/t, à 219,5 €/t sur la nouvelle. À La Pallice, la tendance est également à une petite baisse, sur l’ancienne comme sur la nouvelle campagne. En dollars, le blé Fob Rouen a perdu 4 $/t, à 240 $/t. Pour la troisième semaine consécutive, l’euro s’est très légèrement effrité face au dollar. Les blés français se sont contractés à la faveur de conditions qui restent très propices aux cultures.
Les prévisions dans l’Hexagone pour la semaine à venir indiquent une hausse des températures et un temps sec, les rendements restent donc prometteurs à ce stade. En Allemagne, l’association des coopératives agricoles a revu à la hausse sa prévision de production par rapport à celle d’avril. Les conditions chez notre voisin germanique sont également bonnes. Ailleurs dans le monde, les conditions climatiques se sont améliorées. C’est le cas en Argentine avec un retour salvateur des pluies sur les zones de production, de bon augure à l’approche des semis. La surface de blé en Argentine est prévue à la hausse sur un an. Au Canada, les pluies ont aussi fait leur retour, mais de manière disparate et en petite quantité. Les températures restent assez nettement au-dessus des moyennes saisonnières. L’humidité des sols est encore insuffisante pour un bon démarrage des cultures.
Sur cette fin de campagne, la demande mondiale n’est pas très dynamique puisque les pays importateurs sont plutôt centrés sur leur propre récolte. Actuellement, les chargements de blé dans les ports français sont restreints avec seulement 100 000 tonnes à destination de l’Algérie, de l’Angola et de Cuba. D’un côté, cette faible demande mondiale pèse sur les cours, mais d’un autre côté la tension militaire accrue en mer Noire est de nature à soutenir les prix de la région. Le blé russe s’est d’ailleurs renchéri de 6 $/t, à 250 $/t.
Cette semaine, la Russie a empêché les navires transportant des céréales de quitter le port ukrainien de Pivdennyi, alors même qu’il fait partie du « Grand Odessa », et donc inclus dans l’accord d’exportation des céréales. Bien que le corridor ait été reconduit la semaine dernière, son fonctionnement reste entravé par les autorités russes. Euronext a ainsi évolué de manière quelque peu anarchique ces derniers jours, tout en restant stable d’une semaine sur l’autre.
Les prix du maïs reculent en Europe mais pas outre Atlantique
Les semaines se suivent et se ressemblent, avec une nouvelle baisse des prix des maïs français. Le maïs Fob Bordeaux cède 8 €/t, à 213 €/t (base : juillet, échéance de juin/septembre), tandis que le maïs Fob Rhin recule de 6,5 €/t, à 218,5 €/t. Le contexte est baissier pour les céréales européennes. Le maïs subit la pression de stocks de blé très importants en Europe mais aussi celle des maïs ukrainiens. Ces derniers ont cédé 11 $/t, pour s’afficher à 218 $/t Fob.
Les exportations ne s’accélèrent pas malgré le renouvellement du corridor maritime, la faute à une demande mondiale qui reste contrainte par le contexte économique morose. Les stocks de maïs ukrainiens s’annoncent donc conséquents.
En revanche, les prix rebondissent aux États-Unis (à 255 $/t Fob Gulf) et au Brésil (à 235 $/t Fob). Ce rebond fait néanmoins suite à une chute vertigineuse intervenue entre la mi-avril et le début de mai. Les semis de maïs ont bien avancé aux États-Unis avec 81 % semés au 22 mai, contre 75 % en moyenne ces dernières années. Les conditions sont néanmoins sèches et relativement chaudes. Les pluies devront impérativement revenir en juin pour assurer de bonnes implantations.
Au Brésil, la seconde récolte dite « safrinha » s’annonçait bonne jusqu’à récemment, mais les conditions sèches depuis le début de mai commencent à inquiéter. Ces conditions pourraient venir ternir légèrement les très bons potentiels de rendement envisagés. En cette fin de mai, la récolte débutait dans l’État du Mato Grosso qui a bénéficié des meilleures conditions. Elle ne devrait cependant véritablement débuter qu’à partir de la mi-juin. Il y a des craintes de gelées au mois de juillet dans les États du sud du pays (surtout le Paraná) où les semis ont été tardifs cette année.
En France, les semis de maïs étaient quasi terminés à la fin de mai. Sans que la situation soit inquiétante à ce stade, le retour des pluies serait bienvenu sur la moitié nord du pays afin de confirmer les bonnes implantations.
Petit rebond du colza
Cette semaine, les prix français du colza sont descendus jusqu’à 386 €/t en rendu Rouen avant de remonter. Le marché du colza était en début de semaine sous la pression des très importants stocks de fin de campagne. De plus, les perspectives pour la nouvelle récolte restent bonnes, les conditions de cultures étant favorables dans la plupart des pays d’Europe.
Depuis deux jours les prix du colza ont retrouvé des couleurs : le colza rendu Rouen vaut désormais 400 €/t (prix du 25 mai). Cette petite remontée des prix résulte d’une part de la hausse du cours de l’huile de palme malaisienne, le Malaysian Palm Oil Board ayant déclaré jeudi que la production de ce pays pourrait diminuer en 2024 à cause du phénomène climatique El Niño. D’autre part, les industriels ont retrouvé de l’intérêt pour la graine de colza, les incitant à acheter, ce qui a stoppé le recul des cours.
Toutefois, au niveau international, l’ambiance était plutôt baissière pour les oléagineux. Le canola canadien a vu son prix chuter de 18 à 20 $/t selon les échéances (sur le marché à terme de Vancouver) en raison de la bonne avancée des semis dans les plaines de l’Ouest canadien. Si le temps chaud et sec a de quoi inquiéter, les prévisions récentes annoncent un retour des pluies sur les grandes zones de production canadiennes pour les deux prochaines semaines, ce qui devrait soutenir l’émergence des plants.
Effondrement du tourteau de soja
Le prix du tourteau à Montoir a perdu plus de 30 €/t sur la semaine et se fixe à 475 €/t (le 25 mai). Les prix du tourteau ont été entraînés à la baisse par celui du soja américain qui bénéficie de conditions de semis plutôt bonnes. L’avancée des travaux est très rapide, et les objectifs devraient être atteints sans difficulté cette année. Néanmoins, le temps est sec dans le Midwest américain. Un retour des pluies en juin sera nécessaire pour assurer un bon début de cycle des cultures. Ce point sera à surveiller dans les prochaines semaines.
À noter que le prix du tourteau est aussi plombé par les difficultés rencontrées par le secteur des volailles, qui fait de nouveau face à une résurgence assez sévère de la grippe aviaire, principalement dans le sud-ouest de la France.
L’Amérique du Sud est également touchée par cette épizootie. Des cas ont désormais été détectés dans des élevages de grande taille en Argentine, notamment dans la province d’Entre Rios, où se trouve la moitié de la population de volailles en élevages. Au Brésil, des cas ont été répertoriés dans la faune sauvage. L’apparition de cas dans un élevage brésilien pourrait sérieusement affecter les exportations de volailles du principal exportateur de viandes de volailles au monde, ainsi que la demande locale en tourteaux de soja. Par conséquent, le ministère de l’Agriculture du Brésil a déclaré lundi soir l’« urgence zoosanitaire ». Des mesures ont été prises pour empêcher le virus de toucher les fermes brésiliennes.
À suivre : conditions sèches/chaudes en Europe, Amérique du Nord et au Brésil, avancée des semis au Canada (colza, céréales), propagation de la grippe aviaire (UE et Amérique du Sud), intensification du conflit militaire en Ukraine.