Les bonnes conditions des cultures d’hiver en Europe et mer Noire et l’avancée rapide des semis de soja et maïs aux États-Unis continuent de peser sur les prix, tout comme la reconduction du corridor maritime au départ de l’Ukraine. Les performances économiques décevantes de la Chine créent des inquiétudes pour la demande des prochains mois.

Les prix du blé baissent encore

La baisse des prix a été marquée pour les blés français cette semaine, poursuivant la tendance de ces derniers mois. Le blé meunier rendu Rouen de la récolte de 2023 a perdu 10 €/t, à 218,5 €/t, et le blé rendu La Pallice a cédé 8,5 €/t, à 231,5 €/t (échéances de juillet et de septembre 2023).

À l’exportation, le blé Fob Rouen perd 14 $/t, à 240 $/t pour la récolte de 2023. Les éléments baissiers restent de mise sur le marché.

En France, les blés bénéficient toujours de très bonnes conditions climatiques. L’accalmie actuelle des précipitations est de bon augure pour la fin de cycle, réduisant notamment la pression du risque de maladies. Les potentiels de rendement s’annoncent très bons. Plus globalement, la récolte européenne de blé s’annonce bonne, excepté en Espagne.

Au Canada, le retour des pluies devrait être profitable aux implantations des blés de printemps, tandis que les conditions sont toujours favorables dans l’ouest de la Russie pour les blés d’hiver. Le renouvellement du corridor maritime ukrainien pour deux mois supplémentaires a également contribué à la baisse des prix.

Face à l’offre, la demande mondiale est toujours assez timide et en bonne partie satisfaite par la Russie, surtout sur le bassin méditerranéen. Les exportations russes de blé devraient atteindre 4,3 millions de tonnes au mois de mai, un niveau très élevé pour la saison qui témoigne des fortes disponibilités dans ce pays. Les prix des blés russes ont même baissé sur la semaine, cédant 9 $/t, à 244 $/t (prix Fob et pour 12,5 % de protéines).

Les blés américains, quant à eux, n’ont pas suivi la baisse. Les perspectives de récolte restent très mauvaises pour les blés d’hiver, et les semis de blé de printemps peinent à avancer à cause des pluies (34 % semés à la mi-mai contre 57 % habituellement). Mais les précipitations devraient s’atténuer et permettre aux semis d’avancer plus rapidement. Les cours du blé subissent aussi la pression de ceux du maïs, dont les semis se déroulent bien en ce moment aux États-Unis.

En ce vendredi 19 mai 2023, à la mi-journée, les prix repartaient à la hausse sur Euronext (+3,5 €/t pour l’échéance de septembre 2023). La récente baisse des prix pourrait réveiller l’intérêt des acheteurs en attendant l’arrivée de la nouvelle récolte.

Les prix de l’orge fourragère suivent ceux du blé

Cette semaine, l’orge fourragère rendu Rouen a perdu 9,5 €/t, à 203,5 €/t (récolte de 2023). À l’exportation, la baisse est de 12 $/t, à 233 $/t Fob Rouen. L’orge a baissé à la suite des prix du blé, et ce, malgré des chargements qui continuent vers la Chine, avec près de 220 000 tonnes en cours de chargement dans les ports français. Les potentiels de rendement sont toujours bons pour les orges d’hiver et de printemps en France.

À l’échelle de l’Europe, les perspectives sont plus mitigées avec des surfaces en retrait et des rendements amoindris par la sécheresse en Espagne, ce pays étant un producteur important d’orge.

En revanche, les conditions de semis devraient s’améliorer au Canada avec le retour des pluies, tandis que les implantations se passent bien en Russie.

Les surfaces d’orge de printemps sont néanmoins prévues à des niveaux assez peu élevés dans ces pays. Finalement, le marché de l’orge subit la pression de celui du blé et d’une demande qui reste assez faible. Malgré de fortes disponibilités, la Russie n’a exporté que 400 000 tonnes en avril et ne devrait pas non plus exporter un volume élevé en mai.

Le marché mondial se fournit aussi au départ de l’Australie, mais les exportations d’orges australiennes ne s’affichent pas non plus à un niveau record, malgré des stocks importants dans le pays. Finalement, cette baisse des prix conforte l’intérêt des orges françaises vers la Chine.

Sur le segment brassicole, pour la récolte de 2023, les orges brassicoles d’hiver reprennent 4 €/t, à 238 €/t Fob Creil, tandis que les orges de printemps gagnent 3 €/t, à 258 €/t. La prime brassicole augmente donc, en raison de la baisse de la surface d’orge de printemps dans l’Union européenne par rapport à la campagne précédente, et des inquiétudes concernant la qualité des orges d’hiver françaises, dues aux pluies de ces dernières semaines.

Le prix du colza se rapproche des 400 €/t

Les prix de la graine ont de nouveau diminué cette semaine, perdant 14 €/t rendu Rouen et 22 €/t Fob Moselle, pour tomber à 403 €/t (récolte de 2023) sur ces deux marchés. À noter que les cotations pour la récolte de 2022 ne sont plus disponibles. Les cours ont été entraînés à la baisse par la chute du prix de l’huile de colza, qui recule de 45 €/t en une semaine en Fob Rotterdam à la suite de la reconduction du corridor maritime sécurisé au départ de la région d’Odessa.

Ce corridor est en effet le principal canal d’exportation d’huile de tournesol ukrainienne, qui est actuellement très compétitive sur le marché mondial et en compétition directe avec l’huile de colza. Les opérateurs étant rassurés, pour au moins quelques semaines, les offres de vente de l’huile Fob Ukraine ont repris, faisant passer les négociations pour les autres huiles à un second plan.

Par ailleurs, les prix des huiles ont aussi été plombés par une offre en huile de palme en hausse au départ de l’Asie du Sud-Est. D’un côté, la production malaisienne du mois de mai s’annonce meilleure que celle d’avril. Selon les estimations de la South Peninsular Mills Palm Oil Association publiées mardi 16, la production d’huile de palme entre le 1er et le 15 mai est supérieure d’environ 17 % à celle du mois précédent.

Par ailleurs, l’Indonésie a assoupli ses conditions pour l’attribution de certificats d’exportation au début du mois. Le ministère indonésien du commerce a notamment abaissé l’objectif d’utilisation intérieure pour la consommation alimentaire à 300 000 tonnes par mois (contre 450 000 tonnes précédemment). De plus, les exportateurs peuvent désormais utiliser tous les certificats qu’ils avaient acquis précédemment, alors que l’utilisation de ces permis d’exportation avait été suspendue jusqu’à la fin du mois d’avril.

Enfin, la Chine a publié au début de la semaine des indicateurs économiques pour le mois d’avril qui s’avèrent décevants. La reprise de l’économie chinoise, attendue après la fin de la politique du « zéro Covid », est freinée par plusieurs éléments, notamment la production industrielle et les ventes aux détails, qui augmentent moins qu’attendu. Cela a fait monter les inquiétudes quant aux perspectives de croissance de la deuxième économie mondiale pour 2023, et a plombé les prix de l’ensemble des huiles cette semaine.

Bonnes perspectives pour les nouvelles récoltes d’oléagineux en Europe

En ce qui concerne la nouvelle récolte, celle de 2023, les conditions de culture restent bonnes dans l’Union européenne et en Ukraine pour les colzas d’hiver. En Australie, les semis de canola devraient s’accélérer cette semaine à la faveur d’un temps sec. Les zones de production de canola ont été bien arrosées en avril, et le mois de mai s’annonce plus sec que d’ordinaire. Jusqu’ici, il n’y a donc pas d’inquiétude majeure pour la production australienne.

À noter que les semis de tournesol en mer Noire progressent et atteignent désormais 70 % de l’objectif en Ukraine, et plus de 60 % en Russie, où les travaux ont rapidement avancé depuis le début de mai. En Ukraine, un retour des pluies est attendu sur la dernière décade de mai, ce qui devrait ralentir la fin des chantiers de semis.

Tourteaux de soja : baisse des cours aux USA, hausse en France

Les prix du tourteau de soja sur le marché américain ont reculé cette semaine. Le cours sur le CBOT a perdu 14 $/t sur le rapproché et 26 $/t sur l’éloigné. Cette baisse s’explique par un repli généralisé des prix des céréales, de bonnes conditions de semis aux États-Unis, ainsi que par les inquiétudes grandissantes relatives à la demande chinoise.

En ce qui concerne l’offre, nous constatons une très bonne avancée des semis aux États-Unis grâce aux conditions météorologiques favorables. Au 14 mai, près de 49 % des surfaces ont été ensemencées, contre une moyenne quinquennale de 36 %.

Par ailleurs, la production brésilienne record continue d’alimenter le marché mondial en soja et contribue aussi à une offre abondante en tourteau de soja, ce qui fait pression sur les prix américains. L’apparition de cas de grippe aviaire hautement pathogène pour la première fois dans la faune sauvage au Brésil a aussi apporté de la nervosité aux marchés, qui craignent une contamination des élevages du principal exportateur de viandes de volailles.

Cependant, le prix français a pour sa part repris des couleurs. Le prix à Montoir-de-Bretagne a gagné 19 €/t, pour s’afficher à 506 €/t. L’offre en tourteaux reste très limitée dans l’Union européenne, compte tenu de la trituration qui atteint un niveau historiquement bas. Par ailleurs, les opérateurs sont revenus aux achats, profitant de la baisse des prix depuis la mi-avril.

À suivre : semis de printemps en Europe, mer Noire et en Amérique du Nord (céréales, soja, canola), semis des cultures d’hiver en Australie, précipitations en Argentine (semis de blé), croissance économique chinoise, prix du pétrole, parité euro/dollar