Les prix européens du blé et du colza ont remonté sur fond d’inquiétudes à propos des exportations de l’Ukraine. Mais les fondamentaux, majoritairement baissiers, ont repris le dessus pour les céréales. Avec de bonnes disponibilités au Brésil, les prix du tourteau de soja baissent aussi.

Les prix des blés européens sont sous l’influence des flux en provenance de l’Ukraine

Les prix du blé rendu Rouen ont cédé 0,5 €/t sur la semaine, à 241 €/t (base juillet). Le blé rendu La Pallice a, quant à lui, baissé de 1,5 €/t, à 242 €/t. Exprimée en dollar, la baisse est un peu plus forte, avec un blé Fob Rouen qui perd 4 $/t, à 278 $/t. Les prix ont fluctué cette semaine, avec une hausse initiale, dans un contexte incertain pour les exportations ukrainiennes.

La Russie menace toujours de ne pas renouveler le corridor maritime le 18 mai 2023 et entrave aussi les inspections de bateaux dans le détroit du Bosphore. À cela s’ajoute les pays d’Europe de l’Est qui ont, dans un premier temps, annoncé vouloir interdire les importations de céréales en provenance de l’Ukraine. Ces dernières ont effectivement engendré des stocks très importants de blé qui s’accumulent dans l’est de l’Union européenne et font pression sur les prix. Ces pays ont par la suite convenu d’autoriser le transit de marchandises ukrainiennes à destination directe d’autres pays, malgré les difficultés pour mettre en place ce type de mesure.

L’association hongroise des céréales et de l’alimentation animale a finalement annoncé aujourd’hui qu’une interdiction des importations en provenance de l’Ukraine mettrait en difficulté les transformateurs hongrois, en raison d’une récolte domestique faible. La Roumanie a, quant à elle, annoncé qu’elle n’allait pour le moment pas interdire les importations ukrainiennes, dans l’attente d’une décision au niveau européen.

La hausse initiale des prix du blé a finalement été effacée par la baisse sur cette fin de semaine, suivant la tendance encore baissière des fondamentaux. Les exportations en provenance de la Russie restent élevées même si elles ont été ralenties ces dernières semaines à cause de conditions climatiques défavorables. Elles font toujours concurrence aux origines européennes.

De bonnes conditions de croissance pour les blés européens

En France, les perspectives de la récolte de 2023 sont toujours bonnes grâce aux pluies bénéfiques des dernières semaines. Il en va de même dans le reste de l’Union européenne et en mer Noire. Seule l’Espagne fait figure d’exception, avec une sécheresse qui ne cesse de s’aggraver. L’Afrique du Nord subit les mêmes difficultés, avec des pertes de surfaces et de rendement dues au manque de pluie.

Outre-Atlantique, les prix du blé HRW ont augmenté de 8,5 $/t, à 383 $/t Fob, tandis que le blé SRW a augmenté de 10 $/t, à 287 $/t. Les blés d’hiver américains sont toujours en mauvais état à cause d’un manque de pluie persistant, tandis que les semis de blé de printemps avancent timidement. La situation de la récolte mondiale est donc contrastée selon les zones. Quoi qu’il en soit, le haut niveau de surface estimé devrait permettre d’atteindre un bon niveau de production.

Les prix des orges françaises baissent de nouveau

En une semaine, l’orge fourragère rendue Rouen a perdu 15 €/t, pour se situer à 218 €/t. L’orge Fob Rouen a, quant à elle, perdu 19,5 $/t, à 252 $/t (base : juillet). Le prix des orges russes continue sa baisse, perdant 5 $/t cette semaine, à 238 $/t Fob. Les stocks russes sont toujours très importants et devraient continuer de peser sur la prochaine campagne.

À l’inverse, le prix de l’orge australienne continue sa tendance légèrement haussière, en gagnant 2 $/t sur la semaine, pour atteindre 268 $/t Fob. Cette hausse résulte principalement du climat positif qui entoure les relations entre la Chine et l’Australie. En effet, ces deux pays se sont mis d’accord pour résoudre leur différend, sans l’aide de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), pour réviser la taxe chinoise sur les importations d’orges australiennes. À ce jour, aucune décision finale n’a été prise, mais cette annonce a fait pression sur les prix des orges françaises qui pourraient voir leur débouché vers la Chine diminuer.

Du côté de la demande, selon les statistiques officielles, les exportations d’orge australienne ont plus que doublé en février par rapport à janvier, passant de 417 000 tonnes à 914 000 tonnes. L’Australie continue donc d’alimenter le marché (Chine exceptée), tandis que la demande mondiale reste relativement faible. Ainsi, du côté des affaires, l’activité est faible depuis plusieurs semaines. À noter, le 13 avril 2023, un appel d’offres de 120 000 tonnes d’orge fourragère de la Jordanie.

Sur le segment brassicole, l’orge de printemps (Fob Creil, récolte de 2022) a perdu 16 €/t, à 264 €/t. L’orge d’hiver (Fob Creil, récolte de 2022) est rapportée à 230 €/t. La dernière cotation, le 14 mars 2023, était de 260 €/t. En récolte de 2023, l’orge de printemps est rapportée à 272 €/t, soit une hausse de 5 €/t par rapport à la semaine dernière. L’orge d’hiver de la récolte de 2023 baisse, quant à elle, de 1 € pour se situer à 252 €/t. Les orges brassicoles suivent ainsi la tendance des orges fourragères, influencée par les relations entre la Chine et l’Australie.

Le prix du colza rebondit

La décision de plusieurs pays de l’Union européenne d’interdire, de contrôler plus rigoureusement, ou encore de limiter le transit via leur territoire les importations de graines depuis l’Ukraine, a fortement perturbé les marchés en début de semaine. À cela s’ajoute un arrêt des inspections de bateaux ukrainiens en Turquie deux jours de suite, provoquant la crainte d’une forte réduction des flux d’huile et de graines de tournesol vers l’Union européenne.

Ces évènements n’ont que peu d’impact sur le marché du colza. Cependant, le moindre manque supplémentaire de graines ou d’huile de tournesol entraînerait un report de la demande sur l’huile et la graine de colza, comme cela s’était produit au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine. Aussi, le colza rendu Rouen a grimpé de presque 40 €/t entre le 14 et le 18 avril. Dans les jours qui ont suivi, ces craintes se sont progressivement atténuées. Les opérateurs européens étant fortement dépendant des volumes ukrainiens, et la préoccupation concernant la fermeture du corridor maritime au départ d’Odessa, après le 18 mai, n’étant pas totalement écartée, la baisse des prix à la fin de la semaine n’a pas complètement effacé le fort rebond du début de la semaine.

Ainsi, l’huile de colza est en progression de 45 €/t entre le 14 et le 20 avril. Le prix du colza de l'ancienne récolte a suivi la tendance, avec une hausse de 14 €/t rendu Rouen et en Fob Moselle. Les prix de la nouvelle récolte (2023) ont été également entraînés à la hausse, de 18,5 €/t en rendu Rouen et de 20,5 €/t en Fob Moselle. Le printemps pluvieux et frais retarde par ailleurs les semis de printemps, et affecte notamment les semis de tournesol dans l’Union européenne et en Ukraine. Cela a aussi participé à un petit rebond des cours.

Le tourteau repart à la baisse

L’arrivée des chargements de soja et de tourteaux de soja brésilien sur le marché mondial a fortement pesé sur les prix cette semaine. Le prix du tourteau de soja a perdu 21 €/t à Montoir, et a diminué de 17 $/t en Fob Argentine. En effet, une récolte de soja record au Brésil et une activité industrielle et portuaire dynamique dans ce pays permettent d’alimenter les opérateurs sur le marché mondial, et compensent sans grande difficulté la chute des disponibilités argentines. Les exportations de soja du Brésil sont prévues à plus de 15 millions de tonnes sur le mois d’avril 2023, alors qu’elles avaient atteint 11 millions de tonnes en avril 2022. Les exportations de tourteaux de soja sont, quant à elles, attendues à 2 millions de tonnes, en hausse de plus de 10 % sur un an.

Par ailleurs, le tourteau de soja n’est pas très attractif actuellement, ce qui conduit les fabricants d’aliments composés à limiter le plus possible le recours à cette matière. En proportion, les besoins en protéines sont davantage couverts par d’autres matières (tourteaux de colza et de tournesol, pois, acides aminés). Cette faible demande contribue aussi au recul des prix du tourteau de soja sur la semaine.

De plus, les semis de soja ont démarré aux États-Unis. La campagne de semis de 2023 commence bien. Ainsi, au 16 avril, 4 % des champs déjà ensemencés, contre 1 % en moyenne sur les cinq campagnes précédentes. Les semis ont notamment déjà démarré dans les États de la Soybelt (Iowa, Illinois et Missouri), ce qui est plutôt précoce pour ces régions.

À suivre : corridor maritime en Ukraine, restrictions d’importations dans l’est de l’Union européenne, prix du pétrole, situation économique mondiale, climat en Amérique du Nord (semis de blé de printemps, de maïs, de soja et de canola), en Europe (toutes cultures), évolution de la politique sur les biocarburants de l’Allemagne, conditions de croissance du maïs au Brésil.