Une conjoncture économique morose limite les achats dans différents secteurs, ce qui, associé à une offre mondiale abondante et à une amélioration des conditions climatiques en Europe, en mer Noire et aux États-Unis, tirent les prix vers le bas. Toutefois, le désastre climatique qui touche les cultures en Argentine soutient toujours le prix du tourteau de soja.

Les prix du blé baissent de nouveau pour toutes les origines

Cette semaine est à nouveau marquée par une baisse des prix du blé. Le blé meunier rendu Rouen (base : juillet) a encore perdu 10 €/t, à 259,5 €/t, tandis que le rendu La Pallice a perdu 12 €/t, à 262 €/t. C’est une chute continue depuis la mi-février avec près de 30 €/t perdus pour le blé français en moyenne selon les cotations. La baisse s’observe également à l’international pour les blés russes et américains.

Le retour des précipitations dans l’ouest de l’Union européenne a pesé sur les prix des blés français cette semaine, de même que des prévisions de pluies abondantes pour les dix prochains jours en Russie, en Ukraine, sur une grande partie de l’Europe, en Turquie et aux États-Unis, ce qui est positif pour le développement des cultures en place, ainsi que pour les semis de printemps.

Par ailleurs, les exportations russes et australiennes vont bon train et continuent d’alimenter le marché mondial. Abares, le bureau australien de l’Agriculture, a confirmé dans sa publication du 7 mars 2023 une production record de blé de 39,2 millions de tonnes (Mt).

Dans le même temps, le gouvernement russe a annoncé qu’il ne changerait pas ses quotas d’exportations, ni son mécanisme de taxe à l’exportation jusqu’à la fin de la campagne, reflétant les fortes disponibilités de blé au sein du pays. La baisse des prix provient aussi de l’optimisme des marchés concernant le renouvellement du corridor maritime ukrainien, pour lequel les discussions sont toujours en cours. Enfin, les fortes exportations russes et australiennes se font au détriment de celles des États-Unis et de l’Union européenne, participant à la baisse des prix pour ces origines.

Bonnes conditions pour les blés français, mais temps sec en Afrique du Nord

Selon FranceAgriMer, 95 % des blés français sont dans de bonnes à très bonnes conditions cette semaine, augurant d’un bon niveau de récolte. Cela est d’autant plus le cas que les pluies sont de retour sur l’Hexagone.

À l’inverse, le temps sec se poursuit en Afrique du Nord et les perspectives de récolte se dégradent de semaine en semaine.

En Russie, le centre hydrométéorologique a publié une estimation de dégâts hivernaux de 5 à 6 % sur les cultures d’hiver, un chiffre légèrement au-dessus de la moyenne quinquennale et qui confirme, pour le moment la baisse, de récolte prévue après le record de 2022.

Face à ces nouvelles contrastées sur l’offre et en raison du contexte économique difficile, il n’est pour le moment toujours pas prévu un très fort rebond de la demande mondiale. Le bilan mondial de blé pourrait ainsi être de nouveau bien approvisionné en 2023-2024.

Nouvelle baisse des prix de l’orge française

En France, les conditions de croissance pour l’orge sont correctes. L’hiver a été clément pour la croissance des orges de printemps semées précocement à l’automne. Aussi le retour de la pluie est de bon augure pour la reprise de la végétation des orges d’hiver et l’implantation des orges de printemps. Les chargements d’orge contractés à destination de la Chine se poursuivent cette semaine. Ces chargements découlent de contrats passés antérieurement.

À l’heure actuelle, l’origine française est peu compétitive face aux origines de la mer Noire. Aussi, en raison d’une demande morose, les prix de l’orge fourragère ont chuté cette semaine : ils ont notamment reculé de 12 €/t, à 254 €/t pour le rendu Rouen (base : juillet).

Sur le marché mondial, les orges européennes font face à une forte compétition : les exportations de l’Union européenne sont en baisse de 30 % par rapport à la campagne précédente à la même date. Même si les orges russes ont évolué en légère hausse cette semaine (+1,5 $/t, à 265 $/t Fob), elles restent les plus compétitives sur le marché.

Quant aux orges australiennes, leur prix est stable cette semaine à 278 $/t Fob. Les discussions entre la Chine et l’Australie au sujet de la levée de la taxe à l’importation sur les orges australiennes sont à surveiller. Cette levée permettrait d’exporter une part plus importante de la récolte de 2022. La production s’avère meilleure que prévu : elle a été revue à la hausse dans la dernière publication d’Abares à 14,1 millions de tonnes, un niveau presque équivalent aux deux très bonnes récoltes de 2020 et 2021. Il y a eu peu de transactions cette semaine sur le marché.

Il faut noter seulement un achat de 50 000 tonnes de la Jordanie et un appel d’offres de ce même pays pour l’achat de 120 000 tonnes. Nous constatons aussi une demande très faible de la part des pays d’Afrique du Nord, alors que la sécheresse en cours dégrade l’état des cultures. Cela a aussi contribué au recul des prix cette semaine.

Tout comme pour les orges fourragères, les prix brassicoles ont été revus à la baisse cette semaine (–10 €/t, à 260 €/t Fob Creil pour l’orge brassicole d’hiver et –7 €/t, à 298 €/t Fob Creil pour celle de printemps).

Le prix du colza passe sous la barre des 500 €/t

Les cours du colza se sont nettement effrités depuis la semaine dernière. En France, le prix rendu Rouen a perdu 35 €/t, à 487 €/t. Cela se doit principalement à la nette dépréciation du cours de l’huile de colza à Rotterdam qui diminue de 10 % sur la semaine, et tombe à son plus bas niveau depuis deux ans.

Le marché européen est actuellement surapprovisionné en huile. La bonne récolte de colza et à la bonne dymamique des importations ont permis une nette augmentation de la trituration de colza dans l’Union européenne et ainsi d’augmenter l’offre en huile.

Du côté de la demande, l’huile de colza continue d’attirer des acheteurs du secteur alimentaire grâce sa très bonne compétitivité. En revanche, un ralentissement de la demande de cette huile de la part du secteur biodiesel européen est rapporté avec la fin de la saison hivernale et la remontée progressive des températures. En outre, la tendance baissière du cours du pétrole et les mauvaises perspectives économiques tirent vers le bas l’ensemble des prix des oléagineux et des huiles végétales.

L’offre mondiale abondante en graine de colza pèse également sur les prix européens. La récolte australienne de canola a été révisée en forte hausse par Abares, comme pour l’orge. Elle est désormais estimée à un record historique de 8,3 Mt, en augmentation de près de 1 Mt par rapport à l’estimation de décembre.

Abares a également publié sa première estimation de la récolte de canola de 2023-2024. Celle-ci pourrait reculer de 35 % sur une année, à 5,4 Mt en raison d’une baisse simultanée de la surface (moindre intérêt des agriculteurs pour le canola) et du rendement (retour à des conditions de cultures normales après une excellente année).

Tourteaux de soja : les prix se redressent avec le temps sec qui perdure en Amérique latine

Les cours se sont redressés cette semaine, soutenus par les perspectives de voir l’offre sud-américaine se réduire encore plus qu’envisagé auparavant. À Montoir-de-Bretagne, le prix a gagné 24 €/t sur le rapproché pour s’afficher à 620 €/t. Le Fob argentin a, quant à lui, progressé de 26 $/t sur le rapproché.

L’Argentine, le plus grand exportateur mondial de tourteaux de soja, subit actuellement sa pire sècheresse depuis soixante ans. Le temps chaud et sec perdure dans les principaux bassins de production, affectant les conditions de culture du soja. Certains agriculteurs indiquent même une réduction de rendement allant jusqu’à 50 % par rapport à la moyenne des vingt dernières années. Peu de précipitations sont attendues dans le centre du pays pour les prochains jours.

Par ailleurs, les pluies annoncées au sud de l’Argentine ne semblent pas pouvoir compenser les dégâts déjà causés par les températures extrêmes et le manque d’eau survenu pendant les stades critiques de développement des cultures (remplissage des grains). Des avortements floraux sont constatés dans certaines régions. La deuxième récolte montre un développement végétatif plutôt lent, ce qui laisse présager une réduction de la production à venir. Les notations de culture mensuelles au 2 mars confirment le mauvais état du soja, avec 2 % seulement d’état « bon à excellent » pour un taux de « mauvais à très mauvais » état de 67 %.

Plusieurs instituts ont revu à la baisse leurs estimations de productions, l’USDA table désormais sur une production de 33 Mt (contre 41 Mt lors du précédent rapport). D’autres, plus pessimistes encore, prévoient une production en dessous des 30 Mt, du jamais vu depuis les années 2000.

Le sud du Brésil (Rio Grande do Sul) subit également ce coup de chaud, conduisant à la révision en baisse de la production dans cet État. Ces réductions de disponibilités de matières premières pour les triturateurs sur le marché mondial devraient réduire l’offre de tourteaux, ce qui tire les prix vers le haut.

Dans le secteur animal, à noter que l’Amérique du Sud est sous le feu des projecteurs avec l’apparition de plusieurs cas de grippe aviaire en Argentine notamment. Ce pays a arrêté préventivement ses exportations de viandes de volailles. Le Brésil est pour le moment préservé, mais l’apparition d’un cas dans ce pays pourrait avoir un impact important sur les échanges mondiaux de viandes de volailles, le Brésil étant le principal exportateur mondial pour ces produits.

À suivre : conditions climatiques en Amérique du Nord (blé), du Sud (maïs, soja), en Europe (cultures d’hiver), conjoncture économique mondiale, prix du pétrole, dialogue diplomatique Chine-Australie, épizootie de grippe aviaire (Europe, Amérique du Sud).