Ce sera ce lundi 30 juin 2025, dans le huis clos de la commission mixte paritaire (CMP), que sept députés et sept sénateurs chercheront un compromis sur la proposition de loi visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur, dite loi Duplomb (du nom de son coauteur).
En attendant, l’opposition s’active sur le terrain, en particulier la Confédération paysanne. Le syndicat a multiplié les actions dans les territoires pour montrer son désaccord avec le texte, depuis que l’Assemblée nationale a rejeté la proposition de loi, le 26 mai. Cette tactique politique avait permis à ses partisans d’envoyer le texte directement en commission mixte paritaire pour s’affranchir d’une longue discussion à cause de nombreux amendements déposés contre le texte.
Multiplication des opérations
À Rennes, environ 500 personnes ont répondu à l’appel de treize organisations (1) dont la Confédération paysanne pour manifester contre la proposition de loi le 19 juin. Opérations péages gratuit dans le Puy-de-Dôme, inscription dans les champs en Haute-Vienne de son refus de la proposition de loi, manifestations à Rouen, dans les Alpes-de-Haute-Provence, à Millau… Un peu partout en France, le syndicat a mis les bouchés doubles pour espérer peser auprès des parlementaires avec un fort écho dans la presse quotidienne régionale.
Le 5 juin, Sylvie Colas, porte-parole de la Confédération paysanne du Gers a même voulu restituer son ordre du mérite agricole à la ministre de l’Agriculture Annie Genevard en déplacement dans le département, pour interpeller cette dernière et protester contre la loi.
📢✊PPL Duplomb : mobilisations ce week-end dans le Puy-de-Dôme et en Haute-Vienne contre cette proposition de loi qui va accélérer la disparition des fermes pour satisfaire les intérêts de l'agrobusiness👇
— Conf' Paysanne (@ConfPaysanne) June 23, 2025
Samedi opération péage gratuit dans le Puy de Dôme pic.twitter.com/Z7fAdrJVA5
Au niveau national, la Confédération paysanne dénonce un texte qui « accélère la disparition des fermes pour satisfaire les intérêts de l’agrobusiness ». Dans le viseur du syndicat, le relèvement des seuils pour les installations classées pour l’environnement (ICPE), la facilitation des projets de stockage de l’eau, et la « réautorisation des néonicotinoïdes » (ici l’acétamipride), qui risque, d’après le syndicat de « sacrifier la santé des paysans et la biodiversité sur l’autel de la compétitivité ».
Les apiculteurs sont aussi montés au créneau le 20 juin dans une lettre de l’Unaf (Union nationale des apiculteurs français) adressée aux députés sur la décision du Conseil d’État du 5 juin 2025. « Les juges confirment le bien-fondé scientifique de l’interdiction de l’acétamipride », écrivent les représentants des apiculteurs. Le produit, utilisé pour les betteraves et les noisettes, avait été interdit depuis 2020 en raison de sa toxicité sur les pollinisateurs.
Des mobilisations ce week-end
Le Collectif Nourrir, qui regroupe une cinquantaine d’associations paysannes, environnementales et de citoyens, prévoit une manifestation sur l’esplanade des Invalides à Paris dimanche, le 29 juin, la veille de l’examen du texte pour protester avec « des prises de parole de paysans, de victimes de pesticides et de scientifiques ». Le collectif « appelle à un rassemblement national » et recense près de 30 mobilisations durant le week-end à travers la France, de Perpignan à Strasbourg en passant par Poitiers ou Valence.
Ces rassemblements sont organisés par différentes associations et collectifs environnementaux comme Générations futures, Greenpeace, Extinction Rébellion, Avenir Santé Environnement, ou les antennes locales de la Confédération paysanne. Un « banquet paysan » est également prévu à l’appel du syndicat le lundi 30 juin devant le Sénat, là où se tiendra la commission mixte paritaire.
Une CMP favorable au texte
Le nom des députés et sénateurs participant à la commission mixte paritaire a été officialisé dans un décret publié ce jeudi 24 juin. Sa composition a fait l’objet d’un réel enjeu, pour ses partisans et opposants. Les premiers sont en position de force avec une majorité des 14 parlementaires en faveur du texte (deux membres du parti RN, quatre LR, deux Renaissance, un Modem, un Union centriste, trois PS, une LFI).
En raison de leur minorité à l’Assemblée, les écologistes — très actifs sur le texte à raison de près de 1 500 amendements déposés — ne participeront pas à la CMP à cause de la règle du « tourniquet » qui consiste à faire tourner le septième siège entre différents groupes à l’Assemblée pour leur permettre de siéger chacun leur tour en commission mixte paritaire. C’est donc Marc Fesneau (Modem), ex-ministre de l’Agriculture et plutôt favorable au texte, qui siégera dans la CMP.
Si son issue devrait être favorable au texte originel, il faut encore que ce dernier soit voté par l’ensemble des députés et des sénateurs lors de deux votes solennels distincts au Sénat le 2 juillet et à l’Assemblée nationale le 7 juillet 2025.
(1) Ligue de protection des oiseaux, Bretagne vivante, Eau et Rivières Bretagne, Amap Armorique, Terre de liens, France Nature Environnement, FRCivam, Confédération paysanne, Atelier paysan, MCE, Cohérence ; Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest, Les amis de la Confédération paysanne.