Pas de pénurie en vue. « Pour le moment, la collecte des producteurs laitiers et l’approvisionnement des différents circuits de consommation sont garantis », rassure Caroline Le Poultier, directrice de l’interprofession (Cniel), à La France Agricole.

« Les débouchés sont toujours là »

« La production laitière est continue, donc la transformation doit se poursuivre quoi qu’il arrive pour toute la gamme de nos produits, affirme-t-elle. D’autant que les débouchés sont toujours là. » La grande distribution devrait absorber une partie des volumes affectés à la restauration hors foyer. Quant à l’exportation, « le commerce reprend avec la Chine », note la directrice du Cniel.

 

Si le quotidien des éleveurs n’est pour l’heure pas perturbé, l’approche du pic de collecte printanier pourrait changer la donne. Les usines tourneront à plein régime… À condition que la main-d’œuvre nécessaire soit sur le pont. C’est dans cet objectif que le Cniel en appelle à la solidarité du gouvernement et de tous les maillons de la chaîne.

« Un défi logistique »

« C’est un défi alimentaire, économique et logistique historique que nous devons relever ensemble, appuie Thierry Roquefeuil, président de l’interprofession, et les présidents des quatre collèges du Cniel dans un courrier daté du 20 mars 2020. Il en va de la survie économique de la filière. »

 

Dans un communiqué publié le 17 mars 2020, l’interprofession a demandé au gouvernement de placer l’industrie laitière comme secteur prioritaire en cette période de confinement. La mise en place de systèmes de garde d’enfants, une dérogation de circulation ou encore la mise à disposition de masques figurent parmi les mesures attendues pour les salariés mobilisés.

Lisser le pic de collecte

Du côté des éleveurs, « lisser le pic de collecte aiderait les transformateurs à gérer l’afflux de lait en dépit des contraintes que nous connaissons, explique Caroline Le Poultier. Cet appel a déjà été relayé par certains industriels (voir l’encadré). Aucune rupture de collecte n’est à craindre pour le moment mais chacun a son rôle à jouer. »

 

De son côté, la Coordination rurale craint une « surtransformation » en ingrédients secs pouvant peser sur les marchés. D’après les données de la Commission européenne, la cotation de la poudre maigre a reculé de 20 € la tonne depuis le début de février. « Il faudra veiller à ce que certains industriels n’en profitent pas pour créer un semblant de pénurie et faire monter le prix à la consommation à leur unique bénéfice », note Véronique Le Floc’h, la secrétaire générale du syndicat.

 

Avec l’European Milk Board (EMB), la Coordination rurale plaide pour une régulation des volumes à l’échelle européenne. « Le programme de responsabilisation face au marché (PRM) que nous proposons permet de réduire les livraisons en cas de crise, avant que ces dernières ne viennent encombrer les marchés et peser sur les prix, explique Véronique Le Floc’h. Ce type de mesure a déjà fait ses preuves en 2016. »

 

Le PRM affiche l’objectif de réguler l’offre laitière européenne en se basant sur les fluctuations d’un indice de marché lié à la couverture des coûts de production des éleveurs. « Si cet indice chute, augmenter sa production, voire la maintenir, pourrait être pénalisé. »

 

De son côté, France OP lait, fédération des organisations de producteurs (OP), rappelle que « tout aménagement des relations commerciales qui s’avérerait nécessaire […] devra être, au préalable, négocié avec l’OP ou l’association d’OP », dans un communiqué publié le 23 mars 2020. Dans sa ligne de mire de l’organisation, « les stratégies court-termistes » et « l’opportunisme » de certains opérateurs.

 

Quoi qu’il en soit, si les mesures de confinement venaient à se durcir et que la circulation des camions de collecte ou le travail des ouvriers étaient perturbés, « l’interprofession se mettra en ordre de bataille pour obtenir une juste compensation auprès des éleveurs », assure la directrice du Cniel.