Quel est le rôle de votre association ?

Ecomissions regroupe consommateurs, agriculteurs et maraîchers locaux. Nous avons mis en place depuis douze ans un réseau d’approvisionnement qui relie nos adhérents à ces producteurs. Nous organisons des livraisons hebdomadaires et mensuelles de produits sous contrat, fromages, yaourts, viande, légumes, miel…

Comment avez-vous soutenu le projet d‘abattoir de proximité ?

Nous avons soutenu la mise en place de la SCIC du Pôle agroalimentaire transfrontalier nord-lorrain depuis sa création, SCIC qui était la cheville ouvrière de l’abattoir de proximité devant être construit en périphérie de Thionville. Preuve de notre engagement, nous avons même fait l’acquisition de parts sociales dans la société coopérative.

Pour nous, cet outil devait contribuer à une alimentation locale, de qualité. Il était favorable au bien-être animal puisqu’il permettait de réduire de façon importante le transport des animaux vivants sur notre secteur. Par ici, les éleveurs en circuits courts doivent faire beaucoup de kilomètres, se rendre à l’autre bout du département, aller en Belgique, en Allemagne pour faire abattre leurs animaux.

Lorsque nous avons appris que le projet allait être abandonné, en raison d’un désengagement brutal des trois banques qui devaient le cofinancer, le Crédit agricole, la Banque populaire et la Caisse d’épargne, nous avons aussitôt mis en place une pétition. Pour nous, usagers de ces établissements bancaires, nous y avons vu une trahison des valeurs qu’elles sont censées porter, notamment le Crédit agricole, « banque des agriculteurs ».

La pétition a recueilli plus de 4 000 signatures, dont une grosse partie en ligne. Nous avons également assuré des permanences sur le marché de Thionville. Cette présence a été révélatrice, car nous avons pu constater l’écoute et l’intérêt de nos concitoyens. Nous avons surtout été surpris que des personnes se présentant comme végétariennes, voire vegans, signent notre pétition, car elles comprenaient l’importance d’une structure de proximité pour le bien-être des animaux d’élevage. Nous n’avons pas rencontré d’opposants type L214. Pour nous, ça a déjà été très réconfortant de voir que nous pouvions fédérer sur un dossier a priori clivant, celui d’un abattoir.

Quelles conclusions tirez-vous du retrait des banques ?

Nous assistons malheureusement à une massification de l’offre, où ce sont les grands opérateurs, comme l’abattoir Charal à Metz qui vont sortir gagnant de l’abandon du projet.

Nous avons pu constater aussi que les responsables du Crédit agricole méconnaissent le dossier. Ils ont argué de la nécessité pour la SCIC de sécuriser les ventes, alors que celle-ci n’est qu’un outil intermédiaire, les animaux abattus restant commercialisés par l’éleveur. Nous sommes aussi amers face au peu d’écho que la Chambre d’agriculture avait donné au dossier.

Après l’abandon du projet, Norbert Handrick, éleveur et président de la SCIC, a salué notre engagement. Il s’est dit surpris par notre détermination, estimant que jamais les éleveurs n’avaient été épaulés de cette façon ! Avec lui, nous pensons que les projets agricoles à venir se construiront différemment. Nous, consommateurs locaux, devons nous y associer davantage, défendant ainsi notre « steak local » et toutes les valeurs éthiques que cela suppose.