
L’histoire
La commune de Marcilly, propriétaire d’un ensemble de parcelles en nature d’herbage, faisant partie de son domaine privé, les avait données en location à la société civile d’exploitation agricole du Canadel pour une durée de douze années. Estimant avoir été privés d’une occasion de s’agrandir, Gabriel et Léonie avaient saisi le tribunal paritaire des baux ruraux en annulation du bail.
Le contentieux
Gabriel et Léonie avaient-ils pu candidater pour être élus par la commune à l’occasion de la conclusion du bail ? Il est vrai que le législateur ne permet la conclusion d’un bail rural par une commune qu’à la condition de respecter une procédure stricte visée à l’article L. 411-15 du code rural.
Selon ce texte, lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, le bail peut être conclu soit à l’amiable, soit par voie d’adjudication (aux enchères). Une priorité est réservée aux exploitants qui réalisent une installation en bénéficiant de la dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) ou, à défaut, aux exploitants de la commune répondant aux conditions de capacité professionnelle et de superficie visées à l’article L. 331-2 du code rural, relatif au contrôle des structures. En présence de plusieurs candidats de même rang, l’autorité administrative peut retenir celui qui offre le meilleur prix dans la limite du maximum fixé par l’arrêté préfectoral.
À l’appui de leur demande, Gabriel et Léonie avaient fait valoir qu’ils n’avaient pas été en mesure de se porter candidats à la location des parcelles de la commune, laquelle avait, de son plein gré et sans la moindre mesure de publicité, consenti un bail de douze ans à la SCEA du Canadel.
"Les deux exploitants n'avaient pu se porter candidat à la location"
Il est vrai que la jurisprudence était en leur faveur. La violation de l’obligation d’ordre public, imposée au bailleur personne morale de droit public, de réserver aux exploitants agricoles mentionnés à l’article L. 411-15 une priorité lorsqu’elle donne en location des biens ruraux, est sanctionnée par la nullité du bail. Or, en la cause, aucune publicité n’avait été faite et les candidatures de Gabriel et Léonie n’avaient donc pas été examinées par la commune. L’annulation du bail était encourue.
La société du Canadel avait bien tenté de se défendre en soutenant qu’il n’appartenait pas au juge judiciaire de vérifier si la commune avait respecté ses obligations administratives de publicité et examiné les candidatures concurrentes. Mais les juges avaient fait preuve d’une grande rigueur. Gabriel et Léonie remplissaient bien les conditions de la priorité prévue par l’article L. 411-15 du code rural, mais n’avaient pas été en capacité, à défaut de mesure de publicité, de présenter en temps utile leur candidature, ni même une demande d’autorisation d’exploiter. Le bail était bien nul, ce que la Cour de cassation a confirmé en reprenant la motivation de sa jurisprudence précédente.
L’épilogue
Comme le fait la Safer lorsqu’elle décide de rétrocéder un bien rural dont elle a acquis la propriété, la commune de Marcilly devra renouveler la procédure visée à l’article L. 411-15 du code rural, en faisant procéder à des mesures de publicité en vue d’un appel à candidature. Gabriel et Léonie pourront ainsi prétendre à bénéficier d’un bail sur les parcelles communales et déposer leur candidature.