L’histoire

En 2012, Jacques avait acquis de la Safer diverses parcelles de terre. L’acte de vente précisait qu'elles étaient louées depuis plusieurs années à Pascal. Le 28 février 2017, Jacques avait donné congé à Pascal aux fins de reprise pour exploitation personnelle à effet au 28 février 2019. Ce dernier l’avait contesté devant le tribunal paritaire des baux ruraux, en sollicitant la prorogation du bail jusqu’à ce qu’il ait atteint l’âge de la retraite.

Le contentieux

En réponse devant le tribunal paritaire, Jacques avait formé une demande reconventionnelle en résiliation du bail pour défaut d’entretien et d’exploitation des parcelles louées. Il avait appuyé sa demande sur l’article L. 411-31 qui autorise le bailleur à demander la résiliation judiciaire du bail s’il justifie, notamment, que le preneur a commis des agissements de nature à compromettre la bonne exploitation du fonds. L’état d’inculture ou l’abandon des lieux en ce qu’il compromet la bonne exploitation du fonds constitue un motif de résiliation.

En l’espèce, Jacques avait prouvé, grâce à plusieurs constats établis par un huissier de justice, que les parcelles louées n’étaient plus travaillées ni entretenues depuis plusieurs mois et que Pascal avait cessé toute activité et quitté les lieux depuis le début de l’année 2018. Aussi, la résiliation du bail était bien encourue et le tribunal paritaire devait la prononcer à compter de la date du départ de lieux soit au 1er janvier 2018.

"Grâce à un huissier, le bailleur avait prouvé que les parcelles n'étaient plus travaillées"

Le tribunal paritaire avait accueilli la prétention de Jacques en prononçant toutefois la résiliation du bail avec effet au jour du jugement. Devant la cour d’appel, saisie respectivement par Jacques et Pascal, une question juridique était alors posée. Le point de départ de la résiliation devait-il être fixé au jour de la décision la prononçant ou au jour des manquements du preneur constatés par le juge ?  La cour d’appel avait confirmé la résiliation du bail mais en avait fixé le point de départ au jour des premiers manquements de Pascal, soit au 1er janvier 2018.

Pascal s’était pourvu en cassation. Il avait à titre principal contesté la décision de la cour d’appel qui avait prononcé la résiliation du bail. Mais sur ce point la cour suprême avait écarté le pourvoi. Ensuite, à titre subsidiaire, Pascal avait aussi fait valoir que la résiliation d’un bail rural prend effet au jour de la décision judiciaire qui la prononce.

Mais la Cour de cassation a écarté l’argument. La résiliation judiciaire d’un contrat à exécution successive ne prend pas nécessairement effet à la date de la décision qui la prononce. Aussi, la cour d’appel qui avait constaté que Pascal avait cessé toute activité et quitté les lieux en janvier 2018 pouvait fixer à cette date la résiliation.

L’épilogue

Si la résiliation du bail ne faisait pas vraiment difficulté, le point de départ de ses effets ne s’imposait pas à l’évidence. Aussi en le fixant au jour des premiers manquements imputés au preneur, la Cour de cassation permet ainsi au bailleur de retrouver la jouissance de son fonds à une date largement antérieure à la date de la décision du juge, avec toutes les conséquences financières en résultant.