L’histoire

Si l’intervention de la Safer n’est pas toujours bien comprise, on ne saurait, pour autant, lui faire un procès d’intention. Olivia, propriétaire de parcelles situées au cœur de la Beauce, avait consenti à Maxence une promesse de vente. Le notaire avait alors informé la Safer de l’opération, laquelle avait exercé son droit de préemption et assorti sa décision d’une révision du prix.

Le contentieux

Quelques semaines plus tard, Olivia et Maxence avaient assigné la Safer devant le tribunal judiciaire en annulation de la décision de préemption et de toute vente subséquente.

À l’appui de leur demande, ils avaient produit la décision de préemption de la Safer qui était fondée sur deux des objectifs visés à l’article L. 143-2 du code rural : la lutte contre la spéculation foncière et la protection de l’environnement, principalement par la mise en œuvre de pratiques agricoles adaptées.

En vertu de l’article L. 143-3 de ce code, la Safer doit justifier sa décision de préemption par référence explicite et motivée à l’un ou plusieurs des objectifs définis par le législateur et la porter à la connaissance des intéressés.

Pour Olivia et Maxence, la décision de la Safer était entachée de nullité du point de vue de sa forme. En effet, lorsqu’elle invoque le motif tiré de la protection de l’environnement, la Safer doit avoir recueilli préalablement l’avis du directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Or la décision de la Safer n’était nullement accompagnée de l’avis de ce fonctionnaire, ce qui justifiait son annulation pour vice de forme.

"La décision de la Safer était fondée par l'objectif de lutte contre la spéculation foncière."

Mais la Safer s’était défendue. Sa décision était également fondée par l’objectif de lutte contre la spéculation foncière et d’ailleurs elle avait assorti sa décision d’une révision de prix. Cet objectif n’était-il pas suffisant pour justifier la légalité de sa décision ?

Les juges n’avaient pas été convaincus. Pour eux, lorsque la décision de préemption a pour objet la protection de l’environnement, la Safer doit recueillir l’avis préalable du directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement. Or en l’espèce, elle ne justifiait pas avoir recueilli un avis régulier de ce fonctionnaire ou d’une personne ayant reçu une délégation de pouvoir à cet effet. Un vice de forme entachait bien la décision de la Safer. Son annulation était alors encourue selon les juges.

Mais la Cour de cassation a pris une position plus nuancée, de nature à valider la décision de la Safer en censurant la décision de la cour d’appel. Les juges auraient dû rechercher si la motivation de la décision de préemption fondée sur la lutte contre la spéculation foncière ne suffisait pas à en assurer la validité.

L’épilogue

Un des objectifs pour lequel la Safer peut utiliser son droit de préemption est de lutter contre la spéculation foncière. Il s’agit d’une préoccupation de plus en plus grande de la part du législateur confronté à la réalité d’une tendance à l’augmentation artificielle des prix du foncier.

Aussi, devant la cour de renvoi la Safer pourra faire valider sa décision de préemption, tout en faisant une offre d’achat établie à ses propres conditions. Olivia pourra l’accepter ou, à défaut, demander au tribunal la révision du prix.  

Arrêt de la Cour de cassation du 12 novembre 2020, pourvoi n° 19-17.031.