L’HISTOIRE. Jamais Yann aurait pu imaginer rencontrer des difficultés avec Alice, sa propriétaire. Cette dernière lui avait consenti un bail sur des parcelles d’herbage afin qu’il puisse y faire pacager ses salers. Cinq années après la conclusion du contrat, il avait reçu un commandement de payer une certaine somme au titre des échéances de fermage de 2013 et de 2014. Estimant être en règle au titre des fermages échus, Yann n’avait pas réagi. Quelle n’avait pas été sa surprise lorsqu’il avait trouvé dans sa boîte aux lettres une convocation devant le tribunal paritaire en vue d’une résiliation du bail.

LE CONTENTIEUX. La convocation avait rappelé les dispositions de l’article L. 411-31 du code rural. Il précise que le bailleur peut demander la résiliation du bail, s’il justifie de deux défauts de paiement de fermage ayant persisté à l’expiration d’un délai de trois mois après mise en demeure postérieure à l’échéance.

Or, selon Alice, son fermier n’avait pas réglé l’intégralité de plusieurs échéances de fermage dans le délai de rigueur, alors même qu’elle l’avait mis en demeure de les acquitter. La résiliation du bail était justifiée.

Pour Yann, cette prétention ne pouvait prospérer. Il avait versé, lors de l’entrée dans les lieux, deux sommes importantes qui constituaient des paiements indus et devaient donc s’imputer sur le montant des fermages réclamés. Il avait versé aux débats deux attestations de témoins établissant ces versements.

Le tribunal avait prononcé la résiliation en faisant une stricte application de l’article L. 411-31 au motif que Yann n’avait pas réglé l’intégralité des fermages mentionnés dans le commandement.

En appel, le débat avait porté sur la question de la preuve. Alice avait invoqué l’article 1341 du code civil interdisant la preuve testimoniale d’une obligation excédant la somme de 1 500 euros. Yann ne pouvait établir par des attestations de témoins que les sommes versées lors de l’entrée dans les lieux s’imputaient sur les fermages arriérés. Les juges avaient été convaincus. Les attestations se heurtaient à l’interdiction de la preuve testimoniale. La résiliation était donc encourue.

Yann ne pouvait accepter cette situation. Devant la Cour de cassation, il avait évoqué une jurisprudence qui posait le principe de la preuve par tous moyens du paiement en tant que fait juridique. Les juges n’auraient pas dû écarter les attestations produites : la Cour suprême a accueilli son pourvoi et cassé l’arrêt d’appel en rappelant à nouveau le principe de la liberté de la preuve.

L’ÉPILOGUE. Devant la cour d’appel de renvoi, Yann pourra ainsi utilement produire ses deux attestations pour établir qu’il avait bien payé l’intégralité des fermages réclamés dans le commandement.

La solution retenue s’inscrit dans le cadre de la réforme des obligations introduite dans le code civil par l’ordonnance du 10 février 2016, qui a fait le choix de la liberté de preuve pour le paiement.