L’histoire

L’indivision familiale peut être une source insoupçonnée de difficultés. Aude et Martin étaient propriétaires indivis d’un domaine viticole, situé en Pays nantais, planté en vignes d’appellation Muscadet, qu’ils avaient donné à bail à long terme à un groupement foncier agricole (GFA) constitué entre des exploitants voisins.

Après de nombreuses années sans histoires, le GFA avait abandonné l’entretien d’une parcelle et refusé de procéder aux travaux de replantation. Une première procédure engagée par Martin avait abouti à un jugement condamnant, sous astreinte, le GFA à replanter la parcelle.

Le contentieux

Martin avait assigné le GFA devant le juge de l’exécution en liquidation de l’astreinte, c’est-à-dire son règlement, et en fixation d’une nouvelle. Cependant, l’agriculteur pouvait-il, seul, saisir le juge de l’exécution pour obtenir la liquidation de l’astreinte ? La demande portant sur des biens indivis ne devait-elle pas requérir le concours de tous les indivisaires ou tout du moins être fondée sur les deux tiers des droits indivis ? Mais dans cette dernière hypothèse, la liquidation de l’astreinte était impossible puisque Martin n’était propriétaire indivis qu’à hauteur de 50 %.

Selon l’article 815-3 du code civil, un indivisaire peut effectuer seul les actes d’administration relatifs aux biens indivis s’il est titulaire d’au moins deux tiers des droits indivis ou s’il justifie avoir pris en mains la gestion des biens indivis au su des autres et sans opposition de leur part, bénéficiant ainsi d’un mandat tacite.

Martin avait convaincu le juge de l’exécution. Ayant conduit une précédente procédure au nom de l’indivision qui avait abouti à la condamnation du GFA sous astreinte, il était bien fondé à se prévaloir d’un mandat tacite couvrant les actes d’administration effectués dans l’intérêt de l’indivision.

Mais la cour d’appel avait infirmé la décision du premier juge. Martin n’était propriétaire indivis qu’à hauteur de 50 % et, pour elle, il ne pouvait justifier avoir reçu de sa sœur Aude, coïndivisaire, un mandat tacite pour exercer la procédure de liquidation de l’astreinte, celle-ci n’ayant même pas été informée de l’initiative de son frère. Aussi, la demande de Martin devait-elle être déclarée irrecevable.

Mais ce dernier avait porté le débat devant la Cour de cassation qui a cassé la décision d’appel. Tout indivisaire peut prendre les mesures nécessaires à la conservation des biens indivis, même si elles ne présentent pas un caractère d’urgence. Or l’action engagée, en ce qu’elle avait pour objet la liquidation d’une astreinte prononcée en vue d’assurer la remise en état des biens indivis, constituait un acte conservatoire que tout indivisaire peut accomplir seul. Aussi, Martin était-il recevable à saisir, seul, le juge.

L’épilogue

La cour de renvoi pourra condamner le GFA à régler le montant de l’astreinte liquidée par le juge et en prononcer une nouvelle pour l’inciter à procéder à la replantation de la parcelle.

Même si les affaires de famille ne sont pas toujours aisées à gérer, la loi permet à un indivisaire de réaliser des actes conservatoires sur les biens indivis dans l’attente d’un retour à une meilleure entente ou, au pire, d’un partage mettant fin à l’indivision.