L’histoire
Les fêtes taurines n’ont pas encore totalement disparu malgré la pression de ceux qui se retranchent derrière une conception bien particulière du « bien-être animal ». L’association Le club taurin, installée près de Nîmes, dans le Gard, avait organisé une manifestation taurine supervisée par Yvon, manadier. Elle consistait en un lâcher de deux taureaux entourés de cavaliers, au nombre desquels se trouvait Mario qui montait son propre cheval. Malheureusement, Quentin, qui assistait à la manifestation, avait été blessé par le cheval de Mario qui s’était emballé, avait échappé à la manade et l’avait renversé.
Le contentieux
Quentin avait alors assigné Mario, l’association et Yvon devant le tribunal judiciaire en réparation de ses préjudices sur le fondement de l’article 1385, devenu 1243, du code civil. Ce texte dispose que « le propriétaire d’un animal ou celui qui s’en sert, pendant qu’il est à son usage, est responsable du dommage que l’animal a causé, soit que ce dernier fut sous sa garde, soit qu’il fût égaré ou échappé ».
Il s’agissait, donc, de savoir qui, en définitive, avait la garde du cheval qui, s’étant emballé, avait blessé Quentin ? Était-ce Mario, propriétaire de l’équidé, ou Yvon, manadier qui donnait des directives aux cavaliers, ou, mieux encore, l’association qui avait organisé la manifestation ? Pour Quentin, dans la mesure où Mario avait monté son propre cheval, il en avait le contrôle et en était bien le gardien. Aussi sa responsabilité était-elle encourue.
Cependant, Mario avait invoqué une jurisprudence selon laquelle le propriétaire de l’animal, bien que présumé gardien, se trouve déchargé de la présomption de responsabilité s’il se trouve sous la garde d’une autre personne. Or, il ne faisait aucun doute qu’Yvon avait dirigé la manade, sélectionné les chevaux et donné des instructions aux cavaliers. Autant dire qu’un transfert de garde s’était opéré au profit d’Yvon, qui devait assumer la responsabilité de l’accident.
Telle avait été la décision des juges d’appel qui avaient retenu que Mario avait agi en qualité de gardien sous les ordres et directives d’Yvon, lequel bénéficiait, de ce fait, d’un transfert de garde de l’animal impliquant une responsabilité de plein droit pour les dommages occasionnés à Quentin. Néanmoins, Yvon ne pouvait accepter une telle décision. Pour lui, il n’y avait pas eu transfert de garde, car il avait disposé de prérogatives limitées consistant à donner des directives à Mario, lequel avait conservé la maîtrise de sa monture.
La Cour de cassation a censuré la décision d’appel : le seul pouvoir d’instruction du manadier ne permettait pas de caractériser un transfert de garde, alors que Mario, propriétaire du cheval, en était également le cavalier, de sorte qu’il avait gardé au moins les pouvoirs d’usage et de contrôle de l’animal.
L’épilogue
La cour de renvoi ne pourra que constater que la garde du cheval, qui avait blessé Quentin, était restée entre les mains de Mario. Mais les juges pourront s’interroger sur le point de savoir si Mario n’avait pas, par avance, accepté le risque normal de voir un taureau effrayer sa monture et provoquer un accident.