L’HISTOIRE

Martin exploitait des parcelles plantées en vigne au cœur du Beaujolais. Toutefois, ayant constaté que des sangliers s’étaient régalés, Martin avait adressé à la fédération départementale des chasseurs des déclarations aux fins d’indemnisation des dégâts causés à ses récoltes. Il avait ensuite obtenu du juge d’instance la désignation d’un expert, puis sollicité la condamnation de la fédération à lui verser une indemnité en réparation de la perte de récoltes.

LE CONTENTIEUX

Martin avait fondé sa demande sur les articles L. 426-6 et R. 426-20 du code de l’environnement qui précisent que l’exploitant agricole, qui a préalablement formé une demande d’indemnisation auprès du président de la fédération départementale des chasseurs, peut, en cas de litige, saisir, à tout moment - mais dans les limites de la prescription de six mois - le juge judiciaire d’une action aux fins d’indemnisation de ces dégâts par cette fédération.

Il est vrai que le code de l’environnement prévoit deux procédures d’indemnisation forfaitaire des dégâts de gibier : l’une de nature administrative et non contentieuse, qui relève de la fédération départementale des chasseurs et qui permet la saisine d’une commission d’évaluation des dommages après expertise, et l’autre, subsidiaire, de nature contentieuse, qui est mise en œuvre à l’initiative de l’exploitant, devant le tribunal judiciaire. Ces deux procédures peuvent être conduites parallèlement.

Aussi, Martin, qui avait estimé que la proposition d’indemnisation de la fédération n’était pas suffisante, avait saisi le tribunal d’instance.

Mais la fédération départementale s’était opposée à la demande en invoquant deux arguments : d’une part, le juge judiciaire ne pouvait statuer sur la demande de Martin tant que la procédure non contentieuse d’indemnisation n’avait pas donné lieu à une décision de la commission nationale d’indemnisation ; d’autre part, et en toute hypothèse, la procédure judiciaire ne pouvait être mise en œuvre que sur le fondement d’une faute commise par la fédération, laquelle n’était pas établie.

Malgré sa pertinence, les juges avaient écarté cette argumentation. La poursuite d’une procédure administrative d’indemnisation des dégâts de gibier, préalablement engagée, n’interdit pas de saisir le juge judiciaire, sous réserve de la prescription qui court à partir du jour de leur commission.

L’action de Martin était bien recevable et l’indemnisation devait être fixée conformément au régime de la procédure administrative sans qu’il soit nécessaire d’invoquer une faute de la fédération. Pour la Cour de cassation, les juges avaient fait une exacte application de la loi.

L’ÉPILOGUE

Nombreux sont les exploitants qui se perdent dans le labyrinthe des procédures en indemnisation des dégâts de gibier, et, parfois, perdent une chance en laissant passer la prescription de six mois. Aussi ne peut-on qu’approuver la réponse apportée par les juges : la mise en œuvre de la procédure administrative n’interdit pas la saisine parallèle du juge judiciaire en vue d’obtenir une meilleure indemnisation.