L’HISTOIRE. José était propriétaire d’une jolie parcelle située au bord d’un ruisseau, à laquelle il accédait, depuis la voie publique, par un chemin qui traversait le terrain de Jean. Ce dernier lui avait en effet consenti une servitude conventionnelle de passage, d’une largeur d’un mètre, pour un usage exclusivement piétonnier. Mais il avait toléré que José utilise une parcelle attenante pour le passage du matériel agricole. Quelle n’avait pas été la surprise de José lorsqu’un matin, il avait constaté que son voisin avait fermé le chemin par un portail. L’accès à sa parcelle devenait presque impossible, alors qu’il avait des projets de construction, car celle-ci avait été classée en zone constructible.
LE CONTENTIEUX. Jean ayant refusé de lui accorder un droit d’accès permettant une exploitation normale de sa parcelle, José l’a assigné devant le tribunal en reconnaissance d’une servitude légale de passage. Son avocat faisait état de l’article 682 du code civil. Que dit-il ? « Le propriétaire dont le fonds est enclavé, et qui a sur la voie publique une issue insuffisante pour l’exploitation agricole de sa parcelle, est fondé à réclamer sur le fonds de son voisin un passage suffisant pour assurer la desserte complète de son fonds. » La question était donc bien celle de savoir si la servitude conventionnelle consentie par Jean au profit de la parcelle de José, le long du ruisseau, qui ne prévoyait qu’un passage uniquement piétonnier, excluant tout passage d’engins agricole ou de construction, était suffisante. Devant le juge, José avait rappelé la jurisprudence : le droit pour le propriétaire d’une parcelle enclavée de réclamer un passage sur le fonds de son voisin, est fonction de son utilisation normale, quelle qu’en soit la destination. Mais pour Jean, la parcelle de José n’était pas enclavée, puisque son accès à la voie publique était assuré par le chemin piétonnier. Les juges lui ont donné raison : ils ont retenu que la parcelle de José demeurait accessible par le passage institué conventionnellement, même s’il était incommode, et ils ont ajouté que les difficultés d’accès résultaient d’un défaut d’usage et d’entretien du passage. Ils ont donc rejeté la demande de servitude. José a repris son argumentation devant la Cour de cassation, qui a censuré la cour d’appel. En effet, puisque la servitude conventionnelle ne prévoyait qu’un passage piéton qui ne permettait pas un accès normal de la parcelle de José à la voie publique, et que celle-ci avait été classée en zone constructible, autorisant un accès en voiture, il fallait en tirer les conséquences en constatant l’état d’enclave.
L’ÉPILOGUE. La cour d’appel s’était montrée sévère, en se fondant sur une conception bien restrictive de l’état d’enclave : il est admis depuis des lustres que le projet d’une opération de construction, comme celle envisagée par José, nécessitant une desserte accrue, constitue une utilisation normale pour un fonds antérieurement à vocation agricole et devenu constructible. Il appartiendra à la cour de renvoi de reconnaître cette situation.