« Si des avancées récentes sont à mettre à l’actif du ministère de l’Agriculture et de Chambres d’agriculture France, des transformations restent nécessaires afin de renforcer la cohérence du réseau, l’accompagnement des agriculteurs dans les transitions et la responsabilité budgétaire. » C’est la conclusion du rapport de la Cour des comptes publié ce 1er octobre 2025 qui a passé au peigne fin le réseau des chambres d’agriculture.
Des missions à recentrer sur le conseil aux agriculteurs
Parmi les critiques exprimées, la Cour appelle les chambres d’agriculture à recentrer leurs missions « sur quelques priorités claires autour de l’accompagnement des agriculteurs » dans les transitions. « Le réseau devra mieux répondre aux enjeux environnementaux par un engagement beaucoup plus marqué en faveur de l’agroécologie et de l’agriculture biologique, ainsi que dans la gestion de l’eau et de la forêt », écrit la Cour.
Pour y arriver, l'institution donne pour priorité au réseau et à l’État « le déploiement d’un conseil global et stratégique » pour les agriculteurs.
Une régionalisation à accélérer
Alors que l’État a poussé dans un décret la régionalisation des missions des chambres d’agriculture en 2016, la Cour des comptes constate que l’obligation est loin d’être remplie. « La plupart des chambres départementales ont conservé leur existence juridique pleine et entière et la mutualisation des fonctions demeure inégale et insuffisante. Cinq chambres de région ont bien été créées et certaines régions, comme la Bretagne, la Normandie ou les Pays de Loire, ont expérimenté une organisation plus intégrée, mais ailleurs la réforme se heurte à la persistance du fait départemental, voire à des résistances directes », observe la Cour.
À l’issue du contrat d’objectif de performances signé entre l’État et les chambres d’agriculture pour la période de 2021 à 2025, la Cour presse le réseau consulaire à respecter « sans délai » les dispositions prises il y a près de 10 ans. Elle « recommande de généraliser les chambres de région avec des chambres territoriales comme outil de proximité, de régionaliser la légitimité électorale et d’engager une réforme du financement par la taxe pour frais de chambres afin qu’elle relève du niveau national. »
Vigilance accrue de l'Etat
Concernant la tête de réseau national, Chambres d’agriculture de France, la Cour des comptes estime qu’elle doit faire mieux. « Depuis 2022, la tête de réseau dispose de compétences juridiques élargies et d’un pouvoir de sanction reconnu par la loi d’orientation agricole du 24 mars 2025, mais elle doit encore mieux faire respecter ses normes, assurer l’unification des systèmes d’information, moderniser la gestion des ressources humaines et immobilières, et développer les incitations financières à l’intégration. »
Et l’institution en attend également davantage de l’État qui est l’organe de tutelle des chambres d’agriculture. « Une vigilance accrue est nécessaire face aux irrégularités constatées par la Cour, notamment en matière de gouvernance, de subventions syndicales, de participations financières, de fiscalité et de probité. »
Chambres d'agriculture France répond à France Info
Ce dernier point a valu à Chambres d’agriculture France de publier ce 1er octobre 2025 un droit de réponse à un article publié par France Info, quelques heures avant la publication du rapport.
« Dans son article publié ce mercredi 1er octobre et intitulé “Corruption, favoritisme, décisions illégales… la Cour des comptes dénonce les dérives des chambres d’agriculture”, France Info laisse entendre que notre institution serait impliquée dans des pratiques de corruption et de favoritisme. Ces propos particulièrement graves sont diffamatoires, non étayés et démontrent le manque d’impartialité du service public d’information », a communiqué Chambres d’agriculture France. « L’usage des termes “corruption” et “favoritisme” en insinuant qu’ils ont été constatés au sein des chambres d’agriculture par la Cour des comptes constitue une extrapolation qui dénature le sens de rapport. En effet, les termes de corruption, de favoritisme et plus généralement d’atteintes à la probité ne sont cités dans le rapport que comme des risques issus de la cartographie des risques en matière de corruption, établi par le comité d’audit de Chambres d’agriculture France. »
Une « lisibilité » financière à améliorer
Sur le plan financier, la Cour des comptes pose ses recommandations : « Le prochain contrat d’objectifs et de performance devra fixer des cibles plus ambitieuses, garantir une comptabilité analytique fiable, généraliser la certification du service rendu et assurer le suivi des gains attendus de la mutualisation, qui n’a pas encore produit les économies espérées. »
La Cour constate que « les charges d’exploitation, dominées par les frais de personnel ne diminuent pas. Si certaines chambres ont dégagé des excédents, près de 42 % étaient déficitaires en 2023 ».