Dimanche 30 octobre 2022, l’Ukraine a dénoncé les exportations de céréales devenues "impossibles" du fait du blocus russe réinstauré par la Russie.
En effet, La Russie a suspendu la veille sa participation à l'accord sur l'exportation des céréales ukrainiennes en invoquant une attaque de drones sur ses navires en Crimée, que Moscou a imputé à Kiev avec l’aide de Londres.
Malgré ce retrait, les exportations de céréales ukrainiennes ont repris lundi en mer Noire avec l'appui de l'ONU et de la Turquie.
Les inspections continuent
Le Centre de coordination conjointe (JCC), chargé de superviser l'accord international sur les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, a prévu une douzaine de cargos au départ des ports d'Ukraine sur la journée du 31 octobre. Quatre autres bateaux devaient se diriger d'Istanbul vers l'Ukraine après inspection de leurs cales.
Moscou a cependant mis en garde contre la poursuite "risquée" et même "dangereuse" de la navigation en Mer Noire sans son accord : "Dans des conditions où la Russie évoque l'impossibilité de garantir la sûreté de la navigation dans ces zones, un tel accord est difficilement applicable", a déclaré le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov.
Mais dès le matin, le coordinateur des Nations unies pour l'Initiative sur les céréales ukrainiennes, Amir Abdulla, avait estimé sur Twitter que, "aucun cargo civil" ne devait "devenir une cible militaire, ni être retenu en otage. L'alimentation doit passer".
Les incertitudes qui pèsent sur l'avenir de cet engagement ont aussitôt provoqué un rebond des prix sur les marchés internationaux, la tonne de blé dépassant les 354 euros sur Euronext en séance. L'ONU et la Turquie sont donc engagées dans une diplomatie tous azimuts pour le maintenir à flot.
Moscou condamne l’attaque contre sa flotte
L'armée russe a assuré dimanche que cette attaque menée à l'aide de drones aériens et marins et qui a touché au moins un navire militaire russe en baie de Sébastopol avait notamment utilisé la zone sécurisée vouée au transport des céréales ukrainiennes.
Selon Moscou, l'un des drones utilisé dans cette attaque pourrait avoir été lancé "depuis l'un des navires civils affrétés par Kiev ou ses maîtres occidentaux pour l'exportation de produits agricoles depuis les ports maritimes d'Ukraine".
De son côté, Kiev a dénoncé un "faux prétexte" et appelé la communauté internationale à faire pression pour que Moscou "respecte de nouveau ses obligations". Londres a démenti toute responsabilité dans l'attaque en Crimée tandis que Washington et l'Union européenne ont condamné le retrait russe de cet accord, essentiel pour l'approvisionnement alimentaire mondial, conclu en juillet sous égide de l'ONU et de la Turquie.
Dans son intervention vidéo quotidienne, le président ukrainien Zelensky a affirmé dimanche soir que "la Russie est la seule responsable du fait que la nourriture va devenir plus chère en Afrique de l'Ouest et en Asie de l'Est. La Russie est la raison pour laquelle la population, en Éthiopie, en Somalie ou au Yémen, va devoir faire face à des pénuries catastrophiques".
Il a donné en exemple un navire affrété par l'ONU, avec à bord 40 000 tonnes de céréales à destination l'Éthiopie, prêt à quitter le port de Chornomorsk et qui ne peut le faire. "L'Éthiopie est proche de la famine", a-t-il rappelé.
La Russie suspend sa participation aux inspections des navires à Istanbul
À Istanbul, le JCC a indiqué que la délégation russe participant aux inspections des navires transportant des céréales ukrainiennes s'en retirera "pour une durée indéterminée".
Le Centre de coordination conjointe, qui réunit des délégués de Russie, d'Ukraine, de Turquie et de l'ONU, a confirmé que 11 navires avaient été inspectés dimanche, avant de préciser que la délégation russe avait annoncé ne plus y participer.
"Afin de continuer à mettre en œuvre l'Initiative, il a été proposé que les délégations turque et onusienne fournissent [lundi 31 octobre] 10 équipes d'inspection afin d'inspecter 40 navires sortants. Ce plan d'inspection a été accepté par la délégation ukrainienne. La délégation de la Fédération de Russie a été informée", a détaillé le JCC.
Selon le Centre de coordination, 112 cargos sont en attente d'inspection au large d'Istanbul. "Six navires transportant 186 426 tonnes de céréales et autres denrées alimentaires ont entamé leur voyage aller, sans pour l'heure avoir pénétré dans le corridor maritime humanitaire", a détaillé le JCC dimanche soir.
L'accord, entré en vigueur le 1er août 2022 et qui arrive à échéance le 19 novembre prochain, a permis d'exporter depuis les ports ukrainiens plus de 9,5 millions de tonnes de céréales et autres produits agricoles, selon le Centre de coordination conjointe.
Plusieurs millions de tonnes bloquées
L'accord céréalier avait permis de débloquer des millions de tonnes de produits issus de l'agriculture coincés depuis des mois dans les ports ukrainiens du fait de l'invasion russe. Ces dernières semaines, la Russie avait multiplié les critiques du texte, soulignant que ses propres exportations souffraient du fait des sanctions.
Moscou a assuré être prêt à remplacer les exportations ukrainiennes avec les siennes pour les pays pauvres et offert de leur donner gratuitement 500 000 tonnes de céréales dans les prochains mois.
Le président américain Joe Biden a jugé la décision russe "scandaleuse". "Il n'y avait aucune raison pour eux de faire cela", a-t-il déclaré.
Parallèlement, l'Union européenne a exhorté la Russie à "revenir sur sa décision", qui "met en danger la principale voie d'exportation de céréales et engrais dont on a besoin pour répondre à la crise alimentaire mondiale provoquée par la guerre".
L'ONU, garant de l'accord, a appelé à le préserver tandis que le secrétaire général de l'organisation, Antonio Guterres, s'est dit dimanche "profondément préoccupé".
En outre, il est engagé dans "d'intenses consultations" afin que la Russie revienne sur sa décision de suspendre l'accord et a décidé, de ce fait, de reporter d'une journée son départ en vue de participer au sommet de la Ligue arabe à Alger mardi prochain, selon un communiqué.