Plusieurs rapports ont été communiqués ces derniers jours ajustant les bilans mondiaux des matières premières agricoles. Après les opérateurs locaux comme les agences StatCan au Canada ou Abares en Australie, c’était au tour du ministère de l’Agriculture américain (USDA) de révéler ses nouvelles estimations. S’ajoutent à l’office américain, les publications du Conseil malaisien de l’huile de palme (MPOB) pour l’huile de palme ou encore de l’agence Conab sur le Brésil.
Un bilan toujours aussi confortable pour le blé
Ces derniers temps, le blé européen navigue entre deux eaux. D’un côté, il est soutenu par une dynamique d’exportation raisonnable et des tensions géopolitiques palpables. D’un autre côté, il apparaît dans un environnement toujours aussi confortable en termes de disponibilités. Cela a une nouvelle fois été mis en lumière par l’USDA avec des ajustements en ligne prenant en compte ce que les organismes locaux avaient publié précédemment.
C’est principalement le cas au Canada où la production est rehaussée de 3 millions de tonnes, à 40 millions de tonnes, ou encore en Argentine et en Australie avec respectivement 24 millions de tonnes et 37 millions de tonnes de blé cette année. Ces révisions alourdissent naturellement le bilan avec les huit principaux exportateurs qui cumulent désormais 428 millions de tonnes de production, soit un record historique. La hausse de la demande ne suffit pas à modérer la hausse des stocks mondiaux qui ressortent dorénavant à 275 millions de tonnes.
Le commerce mondial, de son côté, est toujours aussi rude puisque les disponibilités de l’hémisphère Sud s’entrechoquent avec celles de l’hémisphère Nord. Le jeu de compétitivité est ouvert et le retour de la parité euro/dollar proche des 1,17, à la suite de la décision de la réserve fédérale des États-Unis (Fed) de réduire à nouveau les taux directeurs, n’est pas de nature à soutenir les offres hexagonales. Dans le même temps, le principal concurrent argentin abaisse ses taxes à l’exportation de 2 points, pour atteindre désormais 7,5 %. Au-delà des volumes et du prix, la question de la qualité reste toujours en suspens, alors que les taux de protéines sont particulièrement faibles. Il convient donc de scruter de près le comportement des acheteurs marocains en cas de déception sur les qualités sud-américaines.
Pour la récolte de 2026, les conditions sont particulièrement optimales dans la majeure partie des régions de l’hémisphère Nord. Pour l’heure, l’agence Coceral estime une production européenne (incluant le Royaume-Uni) de blé tendre à 143,9 millions de tonnes, contre 147,5 millions de tonnes en 2025.
L’orge reste ferme
Depuis le début de la campagne, l’orge étonne par la fermeté de ses prix. La prime portuaire à Rouen s’est même envolée vers les +10 € la tonne, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. L’orge française profite principalement du retour des acheteurs internationaux dans un contexte de bilan plus tendu sur le maïs. Les mauvaises récoltes sur l’est de l’Europe, combinées au retard des récoltes ukrainiennes de maïs, entraînent donc un revirement de situation et poussent les intérêts vers l’orge. Il convient également de noter la baisse de 3 millions de tonnes par l’USDA de la production ukrainienne de maïs, à 29 millions de tonnes.
Ces éléments viennent donc apporter à court terme du soutien à l’orge qui, pour autant, voit la concurrence se renforcer petit à petit sur la scène internationale. C’est particulièrement le cas à la suite de l’avancée des travaux de récolte en Australie où le cru 2025 devrait atteindre 15,5 millions de tonnes, laissant place à 8,6 millions de tonnes d’exportations. Du côté argentin, la production est également prometteuse avec 5,1 millions de tonnes pour 3,4 millions de tonnes d’exportations. Comme pour le blé, les taxes à l’exportation d’orge en Argentine ont été abaissées de 2 points à 7,5 % pour redonner de la souplesse aux exportations.
Au niveau mondial, l’USDA table sur une production en 2025 de 153 millions de tonnes pour une consommation domestique de 150 millions de tonnes. In fine, les stocks mondiaux devraient avoisiner les 21 millions de tonnes, en hausse par rapport à la campagne précédente. Sur 2026, le Coceral prévoit une baisse drastique de la production européenne (comprenant le Royaume-Uni) avec 58,2 millions de tonnes annoncées, contre 63,2 millions de tonnes en 2025.
Un marché particulièrement indécis
Le colza ne sait sur quel pied danser et peine à prendre une franche direction. La résistance des 485 € la tonne sur l’échéance de février fait bloc alors que dans le même temps, la tentation de repasser sous le support des 470 €/t n’a pas abouti. Le cours de la graine de colza est chahuté entre des fondamentaux qui divergent chez les produits qui composent le complexe oléagineux. Les huiles, tout d’abord, accusent le coup alors que le MPOB annonce une nouvelle hausse faramineuse des stocks d’huile de palme en Malaisie, à 2,8 millions de tonnes, résultant d’une baisse drastique des exportations.
Du côté du soja, le son de cloche est différent mais les récents propos du secrétaire américain quant au timing d’achats des opérateurs chinois ont engendré une vente massive de la part des fonds. En effet, Scott Bessent, secrétaire du trésor des États-Unis, annonçait que les volumes garantis par la Chine dans l’accord commercial seront atteints en février. Dans le même temps, l’USDA n’a pas modifié son bilan et il faudra ainsi attendre le mois de janvier pour voir de nouveaux ajustements.
Dans ce contexte plutôt déprimé, le colza parvient à s’en sortir et ce, notamment à la suite de la décision de l’Allemagne de ne plus prendre en compte l’huile de palme dans son objectif de réduction des émissions. Cela intervient à la suite des controverses sur les moyens de production dans certains pays. Dans le même temps, le bilan chez les principaux exportateurs de colza reste confortable avec 7,2 millions de tonnes attendues en Australie, 22 millions de tonnes au Canada ou encore 3,6 millions de tonnes en Ukraine.
Pour la récolte 2026, l’agence Coceral affiche une estimation de production stable pour l’Europe, à 21,8 millions de tonnes dans un contexte de bonnes conditions de cultures jusqu’à présent.
Pression sur les tourteaux de soja
Les prix du tourteau à Montoir ne cessent de se replier et accélèrent même le mouvement. Outre la pression initiée par la graine de soja, qui voit la concurrence féroce entre les États-Unis et l’Amérique du Sud, les tourteaux n’ont guère d’élément leur permettant de se relever seuls.
En effet, le report de la loi anti-déforestation en Europe ouvre les portes à davantage d’importations, ce qui naturellement fait pression sur les prix intérieurs. De l’autre côté de l’Atlantique, des pluies salvatrices s’abattent sur le Brésil, ce qui est également de nature à rassurer.
Enfin, l’Argentine met un point final à la spirale baissière puisque le secrétaire à l’Économie a annoncé une baisse de 2 points sur les taxes à l’exportation de soja, désormais fixées à 26 %.
(1) Argus Media, société spécialisée dans le suivi des marchés des matières premières, nous livre son analyse agricole hebdomadaire.