D’ordinaire, les prix évoluent en fonction de la météo, des rendements prévus et du jeu de l’offre et de la demande. Mais dans le contexte actuel, particulièrement difficile pour les pays dépendants des exportations de la mer Noire, c’est la géopolitique qui gouverne le marché et maintient des prix très élevés : le cours du blé a bondi de 25 % depuis l’invasion de l’Ukraine et celui du maïs d’environ 17 %, pour des livraisons rapprochées sur Euronext.
Mercredi 6 avril 2022 sur Euronext, la tonne de blé a clôturé à 343,25 € (+1,00 € par rapport à la clôture de la veille) sur l’échéance de septembre. « Les cours ont affiché mercredi en cours de séance un nouveau niveau plus haut sur l’échéance de décembre 2022 à 342,75 €/t avant de clôturer à 337,00 €/t. Les engagements à la vente des agriculteurs avant récolte s’afficheraient autour des 40 %, chiffre relativement élevé à ce stade de la future campagne », ajoute Agritel dans sa note quotidienne.
De son côté, le maïs a terminé à 319,50 €/t (–2,50 €) sur l’échéance de juin et à 317,25 € (–1,00 €) sur l’échéance d’août.
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Ce jeudi 7 avril 2022 vers 11h00 sur Euronext, les cours du blé restaient stables à 343,75 €/t (+0,50 €/t) sur l’échéance de septembre et à 337 sur l’échéance de décembre. Les cours du maïs baissaient à 317,50 €/t (–2,00 €/t) sur l’échéance de juin et à 316,00 €/t (–1,25 €/t) sur celle d’août.
Incertitudes sur le niveau des exportations russes et ukrainiennes
Soufflant sur les braises, le président russe Vladimir Poutine a proposé le mardi 5 avril de « surveiller » les livraisons alimentaires vers les pays « hostiles » au Kremlin, en pleine vague de sanctions contre Moscou. En parallèle, les taxes à l’exportation sur le blé russe ont augmenté mercredi 6, passant de 87 à 96,1 dollars la tonne jusqu’au 12 avril.
Pour Gautier Le Molgat, analyste d’Agritel, ces menaces visent moins l’Europe, qui « n’importe pas tellement de marchandise russe », qu’à « mettre la pression sur les pays de l’Afrique du Nord, pour les obliger à choisir leur camp ».
Le cabinet de conseil de la région de la mer Noire SovEcon a d’ailleurs augmenté ses prévisions d’exportation de blé russe pour 2021-2022 de 400 000 tonnes, à 33,9 millions de tonnes, tenant compte de prix mondiaux élevés, de la faiblesse du rouble et des fortes exportations russes de la dernière quinzaine de mars.
Plus prudent, Michael Zuzolo, président de Global Commodity Analytics and Consulting, estime que la Russie « va continuer à être un fournisseur sur certains marchés, mais pas au niveau qu’elle occupait auparavant ».
Du côté ukrainien, « la production de 2022 de blé […] devrait reculer de 38 % par rapport à l’année dernière », et les exportations de 2022-2023 de 14,2 % », précise Sitagri dans sa note quotidienne.
L’Inde joue son blé
Michael Zuzolo constate « une augmentation des approvisionnements en provenance de l’Australie, qui a eu une récolte plus importante l’année dernière », et de l’Inde. Cette dernière apparaît désormais, pour plusieurs analystes, comme « un acteur majeur » sur la scène internationale.
« L’Inde aura exporté entre le 1er avril 2021 et le 31 mars 2022, correspondant à son année fiscale, 7,85 millions de tonnes de blé, un niveau historique d’exportations » qui pourrait se confirmer pour la prochaine campagne, relève Agritel.
« L’Inde avait des stocks et peut valoriser son blé sur des niveaux de prix assez élevés. Sa clientèle se trouve en général au Moyen-Orient et en Asie du Sud, mais des discussions sont engagées avec l’Égypte », explique Gautier Le Molgat.
Prochaine récolte en ligne de mire
Pour le blé, « si l’état des cultures aux États-Unis est inquiétant en sortie d’hiver, en Europe c’est le déficit hydrique qu’il faudra suivre dans les prochaines semaines », prévient Agritel.
Concernant le maïs, la surprise de la semaine est venue des intentions de semis aux États-Unis, où les surfaces agricoles consacrées au soja devraient faire un bond cette année, au détriment du maïs, selon les prévisions du ministère américain de l’Agriculture (USDA).
Cette réorientation s’est faite sur fond de flambée du prix des engrais (jusqu’à +70 % de hausse depuis le début de mars), dont le soja est moins friand que le maïs. Certains analystes envisagent un réajustement des surfaces en maïs, en fonction de la hausse des prix, du coût du gazole et des conditions météorologiques.
Jake Hanley, directeur général de Teucrium Trading, juge que ce sera difficile pour ceux qui n’ont « pas déjà acheté leur engrais », même si les prix sont hauts et « les bilans mondiaux du maïs très serrés », en dépit d’une « récolte brésilienne qui s’annonce formidable ».