Faire des différences sexuelles une force. Il ne s’agit pas d’un slogan mais du sens vers lequel évoluent des filières avicoles. Pour éviter la mise à mort des individus du sexe non-productif dans leur premier jour de vie, l’ovosexage (ou sexage in ovo) se développe. Il combine un savant mélange de génétique et de technologies. Les Allemands sont en pointe pour les poules pondeuses. En canards, ce sont deux entreprises françaises qui ont dévoilé cette année une méthode analogue.

La couleur du plumage
L’annonce a été faite à l’automne 2019 : le broyage des « frères des pondeuses » (c’est ainsi que sont appelés les poussins mâles dans le secteur de la production d’œufs) sera interdit d’ici fin 2021. En parallèle de recherches sur le développement de races mixtes, de nombreux efforts sont menés sur l’ovosexage. Une alternative au prélèvement invasif pour l’analyse hormonale est mise au point par la société allemande Agri Advanced Technologies (AAT), filiale du groupe Erich Wesjohann.
Le procédé est basé sur l’imagerie hyperspectrale. Il repose sur l’utilisation de lumière et de caméras. Les œufs sont éclairés par en dessous, avec une lumière vive. Et des caméras à haute définition colorimétrique déterminent la couleur du duvet de l’embryon à partir du 13e jour. Cette méthode est efficace, moins onéreuse que l’analyse hormonale, et ne réduit pas le taux d’éclosion. Elle présente en outre l’avantage d’être non-invasive et de pouvoir atteindre une cadence de 20 000 œufs/h (contre 3 600 actuellement pour l’hormonale).
En revanche, elle n’est possible que chez les poules brunes. Contrairement aux poules blanches, ces races présentent un dimorphisme sexuel : la couleur du plumage varie suivant le sexe de l’animal. Le point noir de cette méthode est son aspect tardif, l’embryon étant susceptible d’être déjà sensible à la douleur au 13e jour (sur un total de 21).

Une nouvelle méthode est en développement chez AAT. Celle-ci reposera aussi sur une technique faisant appel à la lumière : un trou sera effectué dans la coquille pour émettre une lumière dans le liquide allantoïque. L’analyse de l’absorption lumineuse par ce milieu, dans lequel se développe l’embryon, permettra un ovosexage plus précoce.
En 2017, le projet Soo, de l’entreprise française Tronico, a remporté 4,3 millions d’euros dans le cadre d’un appel à projets du ministère de l’Agriculture. Cette somme a pour but de développer une solution française d’ovosexage en poules pondeuses. L’entreprise ne communique pas sur ce projet, hormis l’annonce faite en décembre 2019 qu’une solution industrielle ne sera pas prête avant la fin de 2022.
Les yeux des canards
Pour certaines races de canard, ce ne sont pas les mâles, mais au contraire les canetons de sexe féminin qui sont écartés. Chez les canetons mulards, seuls les mâles sont élevés. Le cahier des charges du foie gras exige en effet qu’il provienne d’un canard mâle. Pour les canards de Barbarie, une femelle sur deux n’est pas élevée. Cela s’explique par une différence importante d’indice de consommation suivant le sexe.
Deux sélectionneurs français de canards ont dévoilé cette année des méthodes de sexage in ovo analogues. Le procédé utilisé est similaire à celui d’AAT pour les pondeuses, sauf qu’il se base sur la couleur des yeux. Les entreprises Grimaud et Orvia avaient toutes les deux développé des lignées au sein desquelles les yeux des femelles sont plus clairs que ceux des mâles. Le procédé de Grimaud est baptisé Lunix et permet de sexer des canards mulards et de Barbarie. Celui d’Orvia s’appelle SOC (pour « sexage dans l’œuf de canard ») et n’est actuellement applicable que sur les canards mulards. L’avantage de cette méthode est que la distinction sexuelle peut être remarquée dès le 9e jour, avant que l’embryon ne développe de sensibilité. En plus des caméras à haute résolution colorimétrique, des systèmes d’intelligence artificielle sont greffés sur les technologies Lunix et SOC.
Capables d’auto-apprentissage, ces machines vont pouvoir s’améliorer continuellement. Les technologies se développent encore pour une détermination toujours plus précoce du sexe des embryons. Les animaux écartés sont par exemple valorisés en alimentation animale ou dans les industries pharmaceutique et cosmétique. G. Baron