Vous avez dit weather market ? La météo continue de se jouer des marchés en multipliant les zones d’incertitude, ce qui joue en faveur de la hausse des prix cette semaine.
Blé : le thermomètre fait grimper les cours
Bonne pioche pour le blé français cette semaine, qui voit le rendu Rouen grimper de 5 €/t, à près de 179 €/t, sur fond de grosses chaleurs. La vague caniculaire qui s’est installée sur l’ouest de l’Europe échauffe en effet les esprits et accapare l’attention. Les prix pourraient toutefois retomber aussi vite que le thermomètre : dans la plupart des grandes zones de production françaises suant à grosses gouttes, les blés s’approchent de la fin de la phase de remplissage, ce qui devrait fortement limiter les dégâts pour le rendement. Il faudra quand même valider l’hypothèse, car des températures aussi élevées aussi tôt dans la saison sont exceptionnelles et on ne peut donc complètement écarter de mauvaises surprises.
Scénario assez similaire autour de la mer Noire, où les blés sont là aussi confrontés à un temps chaud et sec. Mêmes causes, mêmes effets : le prix du blé russe à 12,5 % de protéines grimpe de 5 $/t, à 200 $/t Fob – ce qui continue de le placer hors de portée des blés français, toujours très peu compétitifs face à la concurrence de la zone de la mer Noire mais aussi européenne.
Et, comme en France, la météo russe actuelle n’annihile pas tout espoir de bonne récolte, loin de là. De nombreux analystes continuent de la prévoir autour de 80 millions de tonnes, soit un niveau très élevé synonyme d’exportations russes très dynamiques sur une bonne partie de la campagne à venir.
Le Canada a lui aussi apporté sa touche haussière cette semaine, avec la publication de nouvelles prévisions de surfaces par l’organisme officiel Statcan. Les emblavements en blé tendre (essentiellement du blé de printemps) s’affichent inférieurs aux attentes du marché. À cela s’ajoute de grosses craintes pour les rendements canadiens, du fait d’une longue période de sec depuis les semis. Cette dernière a certes été interrompue récemment par de fortes précipitations, mais elles sont peut-être arrivées trop tard et n’ont surtout pas été assez généralisées sur le territoire pour tirer totalement les blés d’affaires.
À l’inverse, la bonne pluviométrie constatée en Argentine renforce les perspectives de surfaces de blé très élevées cette année, ce qui ne ferait pas l’affaire du blé français sur le débouché algérien. À noter cette semaine, l’appel d’offres lancé hier par l’Arabie Saoudite pour 715 000 tonnes de blé. Cet appel ne profitera pas à la France (taux de protéines requis à 12,5 %) mais sans doute aux pays baltes qui continuent d’afficher une compétitivité à toute épreuve face aux blés allemands.
Maïs : le marché suspendu aux surfaces US
Tout le monde retient son souffle dans l’attente du rapport de l’USDA (ministère de l’Agriculture états-unien) qui sera publié vendredi 28 juin et actualisera la prévision de surfaces de maïs US. L’incertitude est en effet encore très grande sur les conséquences des pluies historiquement abondantes qui se sont abattues sur le Midwest en pleine saison des semis, empêchant les agriculteurs de concrétiser leurs intentions d’emblavement. Outre les retards – désormais synonymes d’abandon – des chantiers, l’état des cultures qui ont pu être implantées n’est pas brillant, avec 56 % seulement des surfaces de maïs classées en conditions « bonnes à excellentes », contre 77 % l’an passé à la même date.
En Ukraine, le temps très sec commence à faire lever les sourcils des observateurs, du fait d’un impact potentiel sur le rendement si la situation venait à perdurer. Le Fob Ukraine gagne ainsi 9 $/t cette semaine, permettant aux cours français de suivre, quoique de façon plus timide. Le Fob Bordeaux gagne 2 à 3 €/t par rapport à la semaine dernière, en ancienne comme en nouvelle récolte (à 171,5 €/t sur le rapproché).
Orge : inhabituelle parité des orges brassicoles d’hiver et de printemps
La situation est plutôt rare : dans un effet de ciseau, les prix de l’orge d’hiver brassicole et celle de l’orge de printemps ont convergé pour se retrouver à parité sur le Fob Creil, à 176,5 €/t. D’une part, la récolte de l’orge d’hiver brassicole s’annonce beaucoup moins volumineuse que celle de l’an passé (sauf si le taux de sélection devait s’avérer très élevé) et d’autre part la demande en orge de printemps n’est guère dynamique. L’orge d’hiver profite également d’un flux de demande en provenance de la Chine (illustrée par un bateau de 66 kt en chargement à La Pallice). Il est toutefois improbable que cette parité persiste, sans quoi l’orge d’hiver perdra de la demande au profit des variétés de printemps.
En orge fourragère, les prix ont suivi ceux du blé, le rendu Rouen progressant de 4 €/t, à 163,75 €/t, en nouvelle récolte. Peu d’éléments très haussiers toutefois pour l’orge ; les rythmes de chargement ne sont actuellement pas des plus dynamiques et les importateurs européens viennent de prendre des certificats d’importation pour de gros volumes (102 000 tonnes) d’orge ukrainienne, à meilleur marché.
Sur la scène internationale, l’événement principal est l’achat par l’Arabie Saoudite de 900 000 tonnes d’orge (à 193,6 $/t de moyenne rendu à destination) dans le cadre de son programme d’appel d’offres. Il est fort probable que l’Arabie se soit tournée vers des orges de la mer Noire dont le prix a bondi cette semaine en conséquence (+10 $/t).
Le colza légèrement sous pression
Les cours du colza accusent une chute de l’ordre de 4 à 5 €/t depuis la semaine dernière, à 355,5 €/t, à Rouen en conséquence de plusieurs éléments baissiers. Les prix sont tout d’abord restés sous la pression des cours de l’huile de palme, qui n’ont cessé de flancher en raison d’une demande timide à l’exportation. Ils ont d’autre part subi la hausse du cours de l’euro qui fait suite aux annonces de la Réserve fédérale américaine laissant envisager une baisse des taux d’intérêt aux USA.
Le renforcement de l’euro rend en effet les importations dans l’UE plus compétitives et inversement les exportations de l’Union moins compétitives. Un autre élément baissier majeur, intervenu au milieu de la semaine, a été l’annonce par l’administration canadienne de la surface de canola en recul moins prononcé que les attentes des opérateurs. Le prix du colza de la nouvelle récolte se retrouve ainsi très proche de ce qui était constaté à la même période de la campagne passée dans l’UE malgré un repli de la production européenne attendu proche de 2 Mt. Les stocks canadiens continuent ainsi de peser sur l’ensemble des cours mondiaux du colza et du canola.
En ce qui concerne les productions, la récolte française, déjà prévue basse, ne semble pas réellement menacée par la vague de chaleur en cours, alors que des pluies sont annoncées pour les prochains jours sur les cultures qui ont souffert du manque d’eau au Canada.
Cotations stables en tournesol malgré la chaleur
Les cours du tournesol sont pratiquement inchangés sur la semaine en France comme dans la zone de la mer Noire. On aurait toutefois pu s’attendre à une légère hausse des cotations en France en raison de la vague de chaleur en cours. Les plants en passe d’entamer la phase de floraison pourraient en effet voir leurs rendements affectés par un stress hydrique dans la grande moitié sud de l’Hexagone. Les stocks élevés en Russie et l’approche de récoltes qui s’annoncent généreuses dans l’UE comme dans la zone de la mer Noire semblent néanmoins contenir les prix.
L’avancée des semis de soja aux USA pèse sur le tourteau.
Le tourteau de soja enregistre un repli de près de 11 $/t sur l’échéance rapproché du CBOT et de 7 €/t à Montoir sur la semaine, à 325 €/t. Le tourteau recule dans le sillage de la fève, en raison d’une levée partielle des inquiétudes concernant la surface semée en soja aux USA. Les farmers ont en effet réussi à rattraper une partie du retard conséquent pris au début de la fenêtre de semis et pourraient finalement réussir à semer une surface bien supérieure à ce qui était envisagé il y a encore deux semaines. On notera que le tourteau, toujours sous l’influence du soja, pourrait voir son cours subir de fortes variations à la hausse ou à la baisse dans les prochains jours en fonction du résultat des nouvelles négociations commerciales entre Trump et Xi en parallèle du G20 d’Osaka.
Dans l’Hexagone, la vague de chaleur en cours aura très probablement un impact négatif sur les rendements du soja, tout comme sur le rendement en pois, dont les cotations enregistrent une hausse de 9 €/t (départ Eure-et-Loir) sur la semaine à la poursuite du prix du blé.
À SUIVRE : évolution de la météo (temps chaud et sec en Europe, en Russie et en Australie, pluies aux États-Unis), premiers retours des récoltes de colza, de blé et d’orge, négociations commerciales sino-américaines, estimations officielles des semis aux USA, développement des tournesols et sojas.